Archives : 1967 – 1971, début du duel Gandini – Giugiaro

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1969 : l’homme vient de marcher sur la lune et casse ainsi les rêves utopiques d’une industrie automobile américaine engluée dans de pataudes voitures bardées d’ailerons démesurés. De quoi mettre en exergue la richesse de la créativité latine. Giorgetto Giugiaro surfe alors sur deux passions : de celle des beaux-arts, il bascule alors vers celle du dessin automobile…

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Giorgetto Giugiaro aux côtés de la Fiat Panda, dessinée pendant l’été 1976…

Plutôt doué, le jeune homme est alors embauché au sein de la prestigieuse carrozzeria Bertone en 1959 (ci-dessous, Nuccio Bertone et le dessin de la Testudo de Giugiaro). Il n’a que 21 ans.

En 1965, alors que les passagers de la planète Bleue sont enfin au sec grâce à Léon-Claude Duhamel qui vient de créer le K-Way, Giugiaro effectue ses (belles) armes chez le carrossier italien puis cède sa place de directeur du Stile à… Marcello Gandini. Le passage des années YéYé (1960) vers celles qui marquèrent la fin des trente glorieuses (1970) verra Giorgetto Giugiaro implanter sa propre société de création de style automobile devenue ensuite Italdesign (aujourd’hui aux mains d’Audi), tout en gardant ancrée au fond de lui sa passion pour la peinture. En cette fin des années 1960, alors que Giugiaro laisse les commandes du studio Bertone, un duel à distance va s’instaurer avec l’autre génie de la création italienne : Marcello Gandini, un homme plutôt secret et réservé, à l’inverse de Giugiaro.

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Marcello Gandini et l’un de ses enfants préférés : la Lamborghini Miura

Ces deux-là vont faire basculer l’univers automobile dans un monde taillé à la serpe, avec leurs œuvres toutes plus fascinantes les unes que les autres. Le quidam roule alors dans des véhicules sans ceinture de sécurité, sans pare-brise feuilleté, sur des routes où la vitesse est encore libre, pour quelques temps encore. En France, ce sont les Renault 4, les Peugeot 404 mais aussi les Renault 16 et les Peugeot 204 qui meublent les embouteillages urbains.

Face aux génies du style italiens, la France oppose son génie de l’architecture, avec la R16 en 1965

Car il faut rappeler à notre jeune génération que, non, nous n’avions pas de portable en ce temps-là, mais que, oui, nous avions déjà des embouteillages. Citroën de son côté industrialise sa GS Birotor et sa SM, toutes deux avec des zinzins mécaniques qui pousseront la firme à la perte de son indépendance. Mais comme disait mère-Grand, c’est une autre histoire.

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Après la GS et la SM de 1970, Citroën dévoile sa birotor en 1973 alors que les carrossiers italiens explosent de talent…

Bref, le petit zygomatique de l’amateur automobile est en berne. Ça ne rigole pas trop dans le monde automobile. Heureusement, nos deux génies vont lui redonner le sourire ; il faut que ça brille, et avec la Lamborghini Marzal de Gandini (ci-dessous), l’individu passionné va être ébloui au sens littéral du terme en 1967. Marcello passe la vitesse supérieure et sort du cadre. La Marzal, c’est d’abord un intérieur couleur argent qui éclabousse la rétine. C’est ensuite une surface vitrée hallucinante, notamment au niveau des portières à ouverture en « ailes de mouette ». C’est enfin un volume cunéiforme annonçant tout simplement les lignes de la Lamborghini Espada qui suivra peu de temps après.

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La Lamborghini Marzal de 1967, une création de Gandini.

Un an plus tard en 1968, alors que les Renault 4 exhibent impudiquement leurs dessous et brûlent à Paris sur des pavés qui n’ont finalement jamais caché de plage (on nous aurait menti ?), Marcello Gandini confirme en Italie sa nouvelle orientation stylistique avec sa monolithique Alfa Romeo 33 Carabo. Drôle de bestiole qui pique l’ego du rival Giorgetto.

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L’Alfa Romeo Carabo de 1968 de Gandini. Carabo, du nom d’un scarabée aux mêmes couleurs chatoyantes…

Giorgetto Giugiaro réplique et s’appuie lui aussi sur une plate-forme Alfa Romeo pour contrer Gandini. Il enfante le concept Caimano, un coupé biplace réalisé sur le soubassement d’une Alfasud non rouillée, donc assez rare. Même les jantes adoptent, en leur centre, un dessin rectiligne (dessin dont s’inspireront celles de la future Alpine A310 V6). Un dessin taillé à la serpe. Serpe hier, torchon d’aujourd’hui qui continue à l’époque de brûler gentiment entre nos deux compères aux fusains psychédéliques.

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L’Alfa Romeo Caimano dans laquelle le fils de Giugiaro, alors âgé de 7 ans, compris qu’il voulait devenir designer...

En 1970, la Stratos Zero de Bertone – dessinée par Gandini – va transgresser tous les codes et placer le maître italien au firmament de la créativité au début de cette décennie (ci-dessous).

L’engin est un coin sans portière, sans capot, sans vitre. Est-ce encore une automobile ? On y accède par le pare-brise et on ne monte pas à bord, on y tombe. Giugiaro répond à son voisin (tous deux œuvrent à quelques kilomètres l’un de l’autre, à Turin) en 1971 avec son concept Boomerang.

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La Maserati Boomerang d’Italdesign a été vendue aux enchères en 2015 près de 3,3 millions d’euros.

Conçue sur la base d’une Maserati Bora, la Boomerang repousse les limites de l’inclinaison de son pare-brise à seulement 13°, une prouesse pour l’époque, qui lui permet de ne pas dépasser un mètre de hauteur. À bord, Giugiaro devance son rival avec une architecture de planche de bord très novatrice. Toute l’instrumentation est regroupée à l’intérieur du moyeu du volant, libérant la planche de bord de toute information. Les génies se marquent à la culotte, et ce festival réjouit les hédonistes automobiles.

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Le volant à moyeu fixe n’a pas été inventé par Citroën. Giugiaro avait logé sur ce moyeu fixe toute l’instrumentation de sa Boomerang.

Giugiaro aurait pu prendre un avantage décisif dans ce duel à fusains tirés avec son concept car Tapiro conçu sur la base d’une Porsche 914/6 dotée d’un moteur en position centrale arrière. Ce coupé aux lignes acérées est dévoilé au salon de Turin en 1970. Le Tapiro n’est qu’une interprétation modernisée de la De Tomaso Mangusta (1967) de route que Giugiaro a esquissée lors de son passage chez le carrossier Ghia. Les ailes arrière se soulèvent d’un bloc et font office de capot pour accéder à la mécanique et singent ainsi celles de la Mangusta.

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Tapis bleu pour la Tapiro sur base de Porsche 914.

Ce prototype fut vendu à la fin des années 1970 à un industriel espagnol dont les ouvriers n’appréciaient pas franchement les méthodes. La VW-Porsche Tapiro rêvait de brûler les planches des salons automobiles. Son rêve se réalisa en Espagne, elle brûla… sous la colère des ouvriers.

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La Tapiro fut vendue et brûlée par des ouvriers qui en voulaient à leur patron, propriétaire de la belle…

Giugiaro entre alors dans une période faste de collaborations avec de grands constructeurs automobiles ; il signe l’Alfasud pour Alfa Romeo en même temps qu’il collabore avec Citroën pour la GS (les deux voitures ont des styles, une architecture et une mécanique tellement proches. Etrange, non ?) Et puis ce sera la VW Golf, la Delta et tant d’autres…

Giorgetto Giugiaro

Gandini, lui, cherche à devenir consultant unique pour un grand constructeur. Il devra attendre la toute fin des années 1970 pour réaliser son ambition avec Renault, pour lequel il dessine de nombreux projets, du camion AE Magnum à la Supercinq.

Marcello Gandini

Ces deux génies, nés la même années (1938), n’ont pas eu -et n’auront jamais- d’équivalents dans l’univers de la création automobile. Ils ont formé, bien malgré eux, un duo tellement différent, non pas dans leur approche du métier qui combinait à la fois le style et l’architecture automobile, mais dans leur façon de communiquer. Ils se sont livrés une bataille dont les adolescents de l’époque ont été de jolies victimes collatérales en devenant pour certains… designers automobile. Rien que pour cela : merci à vous, Messieurs Marcello Gandini et Giorgetto Giugiaro.

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