EXCLUSIF : faut-il avoir peur pour la marque DS ? Six questions à se poser.

Les ventes du Groupe PSA sont décevantes en Chine. Or, la marque DS a choisi la Chine comme base de conquête. Que va-t-il se passer demain ?

Les passionnés de la marque DS, de son design, de son audace en termes de couleurs et matières et de son plan produit aux six nouveautés inédites (dont deux sont déjà connues) ont réagi aux mauvais chiffres du groupe PSA sur le marché chinois. La Chine, ce doit être le socle de la nouvelle marque française et la prochaine grande berline y sera fabriquée. Alors forcément, dans le difficile contexte actuel, les questions se posent. En évoquant les faits, et seulement les faits, nous tentons d’y répondre…

Le marché chinois s’est considérablement dégradé depuis deux ans. Pour le groupe PSA tout entier, les perspectives sont pessimistes. Les deux « joint-ventures » ( les co-entreprises Dongfeng – DCPA pour Peugeot et Citroën – et Chang’An – CAPSA pour DS -) ont enregistré des ventes en chute libre, évoluant de plus de 700 000 unités en 2014, à seulement 250 000 en 2018. Et le premier semestre 2019 confirme hélas cette tendance. PSA n’est malheureusement pas le seul responsable de cet état, puisqu’avec ses nouveautés – DS mais aussi Peugeot avec ses 508 L et 4008, et Citroën avec ses C3 et C5 Aircross – le groupe a renforcé son offre.

Et parmi ces modèles, la prochaine grande berline DS doit être commercialisée en 2020 et elle sera produite uniquement en Chine. C’est dans l’usine de Shenzhen ci-dessous, implantée au sud du pays pas loin de Hong Kong, qu’elle naît déjà sur les lignes de pré-production. Les objectifs de 200 000 véhicules DS produits chaque année par cette usine (capacité maximale annoncée en 2013 lors de l’inauguration du site) ont été sérieusement refroidis en 2018. Et même carrément douchés en ce début d’année 2019.

Carlos Tavares, patron du groupe français, répondait en mars dernier à notre confrère Jean-Michel Normand (Le Monde) face à ces résultats en ces termes : “on a avec Dongfeng (DCPA/Peugeot-Citroën) une coentreprise qui fonctionne à 50-50, c’est compliqué. Il y a une lenteur incohérente dans les prises de décision”. Sans doute faut-il imaginer le même contexte pour CAPSA (DS). La Chine ne semble plus être l’eldorado promis au début des années 2010. Un danger pour la grande berline DS ?

Au point que l’agence Reuter, croit savoir selon une source interne que le groupe français envisagerait un retrait pur et simple du pays ! Nous n’osons pas croire à cette extrémité même si nous venons de connaître voici peu un cas de figure identique avec le retrait de la marque Infiniti du marché européen. Mais celle-ci à bien d’autres territoires d’ores et déjà conquis, contrairement à la marque DS. Pourtant, force est de reconnaître – c’est un euphémisme de l’écrire – que lorsque le projet « X83 » de la grande berline DS fut lancé, tous les voyants ou presque étaient au vert du côté du plus grand pays d’Asie orientale.

Conçue sur la plateforme EMP2, et plus précisément sur le dimensionnement de la Peugeot 508 L chinoise, la DS « X83 » doit devenir l’étendard de cette fameuse usine chinoise, un site qui a été organisé par PSA en s’inspirant du fonctionnement de l’usine de Rennes notamment. Ses deux lignes de ferrage accueillent les deux plateformes « haut de gamme » du groupe PSA : l’ancienne BVH2 de la première DS5, et la nouvelle EMP2 de cette prochaine grande berline « X83 ». La logique a donc voulu que ce produit, aux volumes de production forcément plus contenus que ceux d’un SUV, soit intégralement fabriqué sur ce site chinois. La belle qui adopterait des clignotants arrière dans les montants de custode, singeant la DS de 1955, devrait logiquement être dévoilée dans les prochaines semaines, avant la fin de l’année. A moins que…

Dans ce contexte de morosité, il faut dès lors se poser les bonnes questions. En voici six :

1-Que pourrait devenir la marque DS ?
Le « luxe à la française » prôné par DS, plait en dehors de nos frontières. Mais plutôt que de contrer des constructeurs allemands globalement indétrônables avec son propre ADN « bleu-blanc-rouge », ne vaut-il pas mieux assigner à DS une feuille de route plus raisonnable, similaire à celle que Volvo a suivie par exemple. Volvo, rachetée par le chinois Geely en 2010, a formidablement réussi sa mutation et dispose aujourd’hui de sept produits modernes (finalement pas si éloignés des six annoncés par DS…), des produits développés en 10 ans. A sa gamme actuelle de trois SUV, deux breaks (nous excluons le V40 de l’ancienne génération…) et deux berlines, Volvo propose également quatre modèles hybrides rechargeables. Volvo a battu son record en 2018 avec 642 253 unités vendues. Il lui aura fallu plus de huit ans pour atteindre ce premier objectif. Or, la marque DS est née voici cinq ans…

2-La grande berline DS « X83 » arrive-t-elle au bon moment ?
On a tous – journalistes, amoureux de la marque, clients potentiels – désiré cette grande berline, mais le contexte actuel extrêmement défavorable, pousse à poser cette question. On l’a vu, lorsque le programme « X83 » fut lancé, le marché chinois était ouvert pour une telle berline, offrant une habitabilité royale au rang 2, celui qui est regardé en priorité par cette clientèle différente de celle d’Europe. Mais devant les chiffres alarmants de la présence de PSA en Chine, il faut prioriser les lancements à forte rentabilité et l’urgence est de pouvoir compter sur un produit attractif et surtout, aux volumes de ventes conséquents. Ce produit existe (voir question 4) et ce n’est hélas pas la grande berline… En avril dernier, Carlos Tavares avait jugé la situation du groupe PSA en Chine, « inacceptable ». Cinq mois plus tard, est-il toujours judicieux pour la marque DS à la recherche de volumes, de dévoiler une grande berline, certes représentative du « luxe à la française », mais qui demeure un produit prioritairement conçue pour le marché chinois. Pour le marché chinois du début des années 2010…

La DS “X83” vue par l’auto-journal actuellement en kiosque, jusqu’au 11 septembre avec un dossier sur TOUTES les nouveautés françaises de 2020 à 2024

 3-PSA peut-il rapatrier la production de la grande DS en Europe ?
L’Europe doit commercialiser cette grande DS dès 2020. Elle sera importée de Chine. Avec les chiffres alarmistes des ventes de DS sur le marché chinois, il est légitime de se poser la question. La réponse industrielle est « oui », PSA pourrait rapatrier la production en Europe. Et même facilement, car la plateforme EMP2 sur laquelle elle repose est un soubassement dont la production est parfaitement maîtrisée en France, notamment à Sochaux et Rennes. Mais le site chinois de Shenzhen s’est entouré de nombreux partenaires équipementiers qui ne verraient sans doute pas d’un bon œil ce changement de stratégie industrielle. Dans l’optique du rapatriement de la production de la « X83 » en Europe, il faudrait comparer les coûts de ce transfert aux gains opérés suite à l’abandon des taxes d’exportation de la Chine vers l’Europe.

Les usines de Sochaux (ici la production du Peugeot 3008) et de Rennes (production du Citroën C5 Aircross) ont adopté la plateforme EMP2, identique à celle de la future berline DS…

4-La marque DS doit-elle anticiper la présentation de son SUV compact ?
Des six modèles annoncés officiellement par la marque DS, deux d’entre eux ont été dévoilés et commercialisés : la DS7 Crossback et la DS3 Crossback. Parmi les projets en cours, outre la grande berline, on sait qu’un SUV compact – qu’on appellera aujourd’hui DS4 Crossback – est arrivé au terme de sa genèse et devrait débarquer sur le marché en 2021. Ce nouveau produit est évidemment un élément stratégique dans l’offre DS. Bien plus que la grande berline, dont les volumes seront forcément moindres. DS peut-elle alors inverser le rythme de ses présentations, en anticipant celle de ce fameux SUV compact ? Il est effectivement très attendu par le réseau qui ne compte aujourd’hui que sur deux modèles. Il concurrencera le cœur du marché des SUV où l’on trouve les Peugeot 3008, Nissan Qashqai, Renault Kadjar, Volkswagen Tiguan, etc. Il faudrait donc repousser de quelques mois la présentation de la grande berline pour laisser la médiatisation de ce SUV compact prendre son envol. Ce serait une sacrée audace d’opérer ainsi. L’adaptabilité du groupe PSA et la rapidité à opérer des changements stratégiques est une dynamique parfaitement maîtrisée par le groupe française PSA, alors…

La DS4 Crossback vue par l’auto-journal actuellement en kiosque, jusqu’au 11 septembre avec un dossier sur TOUTES les nouveautés françaises de 2020 à 2024

5-La présentation de la DS4 Crossback avant celle de la grande berline, est-elle une opération à risque ?
L’hypothèse, peu probable vu les délais, où la marque DS frapperait les esprits avec sa « surprise » DS4 Crossback en cette fin d’année, avant la présentation de la grande berline, rappellerait un précédent dans le groupe PSA. Précédent qui a eu des effets négatifs pour la voiture « retardée » : le switch opéré par Citroën au début des années 2000 entre le programme de la grande berline C6 et celui de la compacte C4 (ci-dessous). Le développement de cette dernière a été accéléré afin que la C4 soit présentée et commercialisée en 2004, un an avant la grande berline C6. Cette dernière, au style pourtant gelé avant celui de la C4, a du même coup perdu de sa fraîcheur, notamment à l’intérieur.

Pour autant, la communication des constructeurs aujourd’hui n’hésite pas à saupoudrer intelligemment des infos et photos sur des modèles à la commercialisation lointaine. L’un de ceux qui nous vient à l’esprit est le SUV BMW iNext, dévoilé voici tout juste un an sous forme de concept-car, et aujourd’hui photographié – en partie camouflé – par le constructeur lui-même dans son usine de production (découvrez-le ci-dessous et ici : http://lignesauto.fr/?p=12415) Il commence ainsi à s’imposer dans l’univers des automobiles de demain, alors que ce véhicule ne sera commercialisé qu’en 2021. C’est justement la date à laquelle la DS4 Crossback devrait être présentée. Donc, oui, dévoiler la future DS4 Crossback dès cette fin d’année aurait du sens. Une photo où l’on verrait ses volumes en filigrane (en même temps que la présentation de la « X83 » ?) serait à coup sûr une belle démonstration que DS croit en son avenir et est fier d’en parler et, pourquoi pas, bloquer des ventes de la concurrence avec des clients prêts à attendre ce SUV compact !

6-Quels sont les espaces de manœuvres de DS pour assurer son futur ?
On l’a vu, côté produit, la marque s’est donné les moyens de ses ambitions. Son marché de prédilection, là même où elle est née lors de la présentation de la joint-venture CAPSA en 2011, devait être la Chine. Les profonds changements de ce marché ont très lourdement impacté les ventes, mais aussi la stratégie à court et moyen terme de la marque. La Chine n’étant visiblement plus le socle attendu, vers quelles contrées la toute jeune marque peut-elle se tourner pour assurer des volumes capables d’assurer sa pérennité ? L’Europe ? Oui, à condition de compter dans l’urgence sur des produits à forts volumes, ce qui n’est pas le cas de la grande berline. Dès lors, la marque ne pourrait-elle pas rejoindre Peugeot pour s’aventurer sur le marché américain ? « L’Inde à Citroën, les États-Unis à Peugeot et la Chine à DS ». Voici ce qui a clairement été annoncé par le groupe français en février dernier. Mais face aux déplacements des plaques tectoniques commerciales, la question peut légitimement se poser… Et que faisait cette DS7 Crossback surprise aux States en début d’année ? (photo du site CITROËNVIE!)

PHOTO DU SITE CITROËNVIE! / https://citroenvie.com/if-psa-plans-only-to-sell-peugeots-in-the-usa-why-is-this-ds-7-here/

Précisions utiles : le marché Chinois était un marché avec une progression à deux chiffres depuis les années 2000. Le contexte de l’implantation de PSA avec de nouvelles usines, et notamment celle dédiée aux “DS”, était donc favorable. Sauf que contre toute attente et prévision, le marché s’est mis à chuter en 2018 (-2.8%) ce qui n’était pas arrivé depuis le début des années 1990. Même chose au cours du premier semestre de cette année avec – 12,3%. En parallèle à cette baisse, PSA n’a pas réussi à décoller malgré les lancements de nouveaux produits… A savoir aussi : les “joint-venture” ne seront plus obligatoires en 2022 pour les VP (association à 50/50 avec un groupe Chinois jusqu’a 2022 pour s’implanter en Chine). BMW est ainsi passé de 50 à 75% dans son association avec Brilliance. Dernière chose non précisée dans le sujet : le DS Store de Paris vient de fermer ses portes…

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