On connait Felix Wankel comme étant l’initiateur du moteur à piston rotatif. Ingénieur allemand mais surtout inventeur, Wankel donnera son nom à sa création qui équipera de multiples engins : motos, autos, hélicoptère, bus, tondeuses, etc. Mais ce que l’on sait moins, c’est qu’en parallèle à ses débuts de génie “Tournesol”, Felix Wankel menait une vie très concernée par le nazisme.
Wankel est né en 1902 à Lahr, dans ce qui était alors le Grand-Duché de Baden dans la plaine du Rhin. Il était le fils unique de Gerty Wankel (née Heidlauff) et de Rudolf Wankel. Ce dernier décède lors de la Première Guerre mondiale alors que Felix Wankel, lui, quitte l’école en 1921. Il travaille alors pour une maison d’édition jusqu’en juin 1926, mais ce n’est pas ce qui l’intéresse. Il va désormais consacrer son temps à un garage qui relaie la marque de motos DKW, en 1927.
Photo : Wiebe Brouwer
Il aurait pu continuer sur cette voie mais en 1933, il va être emprisonné. On comprendra plus bas pourquoi…
Felix Wankel a eu une enfance bercée de rêves multiples. Il s’est intéressé tout jeune au monde des machines, et en particulier à celui des moteurs et dès l’âge de 17 ans, il rêve de construire une voiture avec “un nouveau type de moteur”. Il conçut ainsi dès 1924 un “moteur” à qui il donnera son nom : le Wankel. Mais la belle histoire “technique” va être assombrie par son engagement à diverses organisations radicales de droite, organisations antisémites notamment. En 1922, alors qu’on l’a vu, il développait son premier moteur, il devient membre du NSDAP, le parti national-socialiste des travailleurs allemands (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei). Il a même l’occasion d’approcher le Führer pour évoquer avec lui des avancées possibles dans la technologie des moteurs…
Felix Wankel va également rencontrer Heinrich Wagner. En 1931, ce dernier lui confie ni plus ni moins que la direction de la “jeunesse Hitlérienne de Baden”. Pourtant, de mésententes en mésententes, Wagner va finir par expulser Wankel du parti. L’ingénieur fonde alors son propre parti national-socialiste, et il en profite pour lancer des attaques sévères contre Wagner.
Mais en 1933, alors que le pouvoir bascule entre les mains des nazis, Wagner se venge en faisant arrêter et emprisonner Felix Wankel. Représailles. Il faudra alors l’intervention du conseiller économique d’Hitler – Wilhelm Keppler – pour que l’ingénieur retrouve sa liberté en cette fin d’année 1933. Wankel n’oublie pas le geste de Keppler qui devient non seulement un ami, mais aussi un fervent défenseur de ses idées. C’est également grâce à Keppler que Wankel devient SS en 1940. Il le sera pendant deux ans…
Wilhelm Keppler
Pendant la Seconde Guerre mondiale, dès 1942, Wankel retourne vers son obsession mécanique. Dans un premier temps, il se spécialise dans le développement de joints et de matériel pour les avions de l’armée de l’air allemande (BMW, Mercedes-Benz). Mais le conflit terminé, il est rattrapé par son récent passé. Le voilà emprisonné par la France en 1945, une patrie qui n’a pas oublié son passé de SS. Son travail est confisqué. Il n’est pas le seul des grands ingénieurs automobiles allemands, autrichiens ou même français a subir la geôle juste après guerre…
Libéré, il commence au tout début des années 1950 le développement du moteur à piston rotatif chez NSU Motorenwerke AG, aboutissant au premier prototype en février 1957.
Le 19 janvier 1960, le moteur rotatif – dans une version encore éloignée de celle de la série – est présenté pour la première fois à des spécialistes lors d’une réunion à Munich. Dans le même temps, le premier moteur prototype est installé dans un spider NSU Prinz.
La NSU Ro 80 fut élue voiture de l’année 1968. Avec ce titre, la concurrence entraînée sur la voie du moteur Wankel se frottait les mains croyant avoir misé sur le bon concept…
Le premier prototype de la Citroën M35 monorotor destinée aux grands rouleurs qui devaient en faire la mise au point…
Trois ans plus tard, au salon de Francfort 1963, le NSU Wankel-Spider est enfin dévoilé dans sa variante définitive et entre en production l’année suivante. On connaît la suite et l’enthousiasme porté à ce moteur thermique d’une nouvelle génération avec l’intérêt de Mercedes-Benz, Citroën et NSU puis d’Audi. Moins de pièces en mouvement, compact, puissant et voué à un bel avenir, le moteur rotatif Wankel est adoubé par de grands constructeurs. NSU et Citroën fondent même la Comotor à l’aube des années 1970 et bâtissent une usine pour produire les moteurs de la NSU Ro80 et de la Citroën GS Birotor. Un site pourtant voué à l’échec pour cette production là…
La Citroën GS Birotor présentée en 1973 et retirée presque aussi rapidement du catalogue…
L’un des prototypes Audi doté du moteur Wankel.
Mercedes développe de son côté ses prototypes C111 dès la fin des années 1960 avec la ferme intention de proposer à la vente une “supercar” à carrosserie en matériaux composites pour aller chasser sur les terres de Ferrari, rien que ça ! Un projet abandonné lui aussi. Tous les constructeurs finiront par abandonner le Wankel bien trop gourmand en cette période de crise pétrolière. Tous, sauf un…
Du côté du Japon effectivement, Mazda utilise la licence Wankel et reste le seul à être encore présent aujourd’hui avec des travaux sur le rotatif hybride.
Les prototypes Mercedes C111 du début du programme.
Kenichi Yamamoto, l’ingénieur récemment décédé, permit un développement spectaculaire du moteur rotatif chez Mazda. S’en est suivi notamment la victoire aux 24 Heures du Mans en 1991.
VOIR L’ACTUALITE https://lignesauto.wordpress.com/2017/12/27/mort-de-kenichi-yamamoto-le-pere-du-rotatif-mazda/ SUR CE MEME SITE
Felix Wankel est décédé en octobre 1988, sans avoir vu le principe de son moteur triompher au Mans. Il vaut mieux retenir de lui son abnégation à porter jusqu’au bout son rêve de développer “un nouveau moteur” plutôt que ses heures sombres passées sous le régine nazi… qu’il ne faut pas oublier pour autant.
Le moteur Wankel s’est également retrouvé sur des motos, et non des moindres comme la Suzuki ci-dessous. A lire également ce blog qui référence toutes les motos à moteur rotatif : http://www.moto-collection.org/blog/toutes-les-motos-a-moteur-rotatif-wankel/
La Suzuki RE-5 Rotary, produite avec un moteur Wankel de 1974 à 1976.