INÉDIT : quand Citroën, redessinait l’arrière de sa DS

Lorsqu’on évoque le restyling de la DS apparu fin 1967 pour le millésime 1968, on met en lumière ses optiques sous des glaces en forme d’amande, et ses deux phares additionnels tournants. Pourtant, lorsque le bureau de style étudie le restylage pour la DS au début des années 1960, c’est principalement l’arrière qu’il veut modifier.

Les années 1960 sont celles d’un développement technique incessant pour booster les motorisations de la DS. Mais côté style, la Reine de la route est l’objet de tout autant de recherches pour améliorer le mythe. Mais est-ce seulement possible ?

En 1965, le bureau d’études de Citroën navigue en pleins délires. Il y a une multitude de programmes en cours. Techniquement, les moteurs quatre cylindres à double arbres à cames côtoient les blocs à pistons rotatifs d’un côté, alors que de l’autre, le programme « S » commence à tarauder l’esprit des ingénieurs qui sont poussés à bout par le projet « F » de la berline compacte.

Ce dernier ne donne pas les résultats escomptés sur les pistes d’essais du centre de la Ferté Vidame. Et pour habiller toutes ces recherches, l’équipe de stylistes de la rue du Théâtre est en pleine réflexion. S’ajoute à tous ces travaux, ceux d’une refonte partielle ou totale de la Reine de la route, la DS née voici dix ans tout juste et qui n’a pas l’ombre d’une remplaçante actée par la direction. Alors tout le monde y va de sa propre proposition. Déjà, en 1963, quelques mois avant sa mort, Flaminio Bertoni martelait la tôle et staffait le plâtre sur une caisse nue de DS. Il n’a jamais cessé de penser que son chef-d’œuvre n’était pas abouti. Terminé dans l’urgence quelques semaines seulement avant son industrialisation, le style de la DS a notamment été figé dans sa partie arrière dans une définition qui ne plaisait pas à l’artiste italien.

C’est pourtant sur la proue que Bertoni s’est acharné juste avant son décès. Et c’est Robert Opron qui nous confie que c’est bien lui qui a « terminé le boulot » pour le restylage, mais en respectant l’idée de Flaminio Bertoni. « A l’époque je disais à Pierre Bercot qu’il ne fallait pas toucher à la DS, ce chef-d’œuvre. Ce à quoi il me répondait que si la DS avait été un chef-d’œuvre, elle aurait été copiée ! J’étais présent pour le restylage. Bertoni était furieux que toutes les études ne mènent à rien. Je me souviens qu’un jour Bertoni a fait monter une caisse de DS dans nos locaux sans la mécanique. Il a cassé un phare d’un côté sans enlever l’aile qu’il a détruite à coups de masse. Pendant une heure, avec son auge à plâtre, il a sculpté une nouvelle aile qui n’était qu’une esquisse pour nous mais l’idée était enfin là ! »

Il est difficile de croire que la DS a pu pêcher par son style. Elle était tellement décalée face à la concurrence, que les clients la trouvaient de toute façon irrésistible. Ou la rejetaient, c’est selon. Mais pour l’esthète du style Citroën, elle demandait encore à être affinée. Après le décès de Bertoni, l’équipe de stylistes de Robert Opron se met donc à la tâche pour tenter de redonner une fraicheur à un style qui n’en avait pas besoin puisqu’il était intemporel. Plusieurs projets se font jour, entre ceux qui concernent le projet « S » (maquette en plâtre ci-dessus) qui deviendra la SM, et ceux qui tentent de redonner une jeunesse à la DS. Il n’est pas interdit d’imaginer un successeur à la DS, bien avant le lancement officiel du projet « L » de la future CX.

Ainsi, Jacques Charreton n’hésite pas à casser intégralement la poupe de la DS pour en dessiner une bien plus surprenante encore, en mai 1965. Sa berline que vous découvrez ci-dessus conserve les fins montants de glaces de la DS de 1955 ainsi que les clignotants disposés en hauteur sur le panneau arrière. Mais celui-ci est un embouti généreux qui remonte jusqu’au pavillon et chute en une pente violente vers le bouclier arrière. Les feux suivent cette déclivité et l’on se demande si Charreton avait ou non imaginé un hayon sur ce vaste volet de tôle faisant office de malle. Le styliste invente la première DS bicorps !

Au cours du même mois de mai 1965, Charreton conserve son idée de refonte de toute la partie arrière de la DS. Voici trois de ses propositions que nous examinons en détails.

Ce dessin du styliste Charreton est daté de 1965. Il tente de remodeler l’arrière et uniquement l’arrière de la DS.
1 : La vitre arrière est courbe dans sa partie supérieure. 2 : Le panneau de custode est plus fin et raccordé au pavillon qui semble être en tôle. 3 : La lunette perd son galbe impressionnant pour plus de simplicité. 4 : Le couvercle de malle est incliné et tombe très bas sur le pare-chocs. 5 : L’aile arrière est totalement inédite, plus en rondeurs. 6 : Les feux sont regroupés à l’horizontal et de forme rectangulaire. 7 : Un sabot aérodynamique est en amont de la roue arrière.

Ce deuxième dessin traite la même partie, en laissant toujours la proue de la DS intacte et sans retouche.

En 1 : La vitre arrière est toujours courbée dans sa partie supérieure. 2 : Le pavillon semble être en tôle. 3 : Comme sur la précédente version, la lunette perd son galbe impressionnant pour plus de simplicité. 4 : Différence avec le dessin précédent, une partie des feux (clignotants ?) est remontée de part et d’autre de la lunette. 5 : Un pli élégant prolonge la ceinture de caisse assez horizontale sur le panneau de custode. 6 : Les feux, assez volumineux, débordent sur les flancs. 7 : Le sabot aérodynamique en amont de la roue arrière est toujours présent..

Cette troisième proposition réunit les thèmes des deux précédentes. Ce dessin est toujours signé de Jacques Charreton.

En 1 : La ceinture de caisse ne plonge pas comme sur la DS. 2 : Les feux arrière semblent positionnés à deux niveaux : au bord de la lunette et de la malle. Est-ce un reflet simplement pour cette dernière position ? 3 : Le couvercle de malle est plus galbé et tombe abruptement sur la jupe arrière. 4 : La jupe est de type « rentrante » et elle est protégée par un élégant pare-chocs. 5 : Le sabot aérodynamique en amont de la roue arrière est encore présent.

UNE DS ENCORE PLUS FUTURISTE :

Toujours aussi prolifique, Jacques Charreton dessine ensuite une DS métamorphosée avec une proue affinée grâce à des optiques encastrées dans les ailes. Déjà ! (ci-dessous).

Le montant de custode se transforme ici en aileron. Le panneau de custode suit le mouvement élancé vers cet appendice aérodynamique et l’épaisseur de tôle accueille les feux. Un an après le décès de l’ingénieur André Lefèbvre, les stylistes lui rendent ainsi un hommage appuyé en mettant en application les principes de base de cette science, principes qui semblent un rien désuets aujourd’hui !

En 1 : L’avant plongeant peut-il encore accueillir la roue de secours ? Il opte pour des phares carénés. 2 : Le pare-brise est plus généreux, galbé et remonte sur le pavillon : visibilité maximale ! 3 : La découpe de porte avant est dynamique, plus étroite en bas qu’en partie supérieure. 4 : La découpe de la porte arrière est très moderne et élégante. 5 : Le sabot aérodynamique est cette fois intégré au dessin de la carrosserie. 6 : La remontée du montant de la porte arrière préfigure la SM qui naîtra cinq ans plus tard. 7 : Le chevron positionné à l’horizontale a-t-il inspiré Savignac pour sa campagne de pub « en avant Citroën » ? 8 : Le pavillon semble être totalement transparent. 9 : l’aileron protège la vitre des salissures et assure ( ?) une meilleure aérodynamique. 10 : La lunette semble totalement verticale et les feux prennent place de part et d’autre. 11 : Le couvercle de malle est long et descend en chute libre. Quid de l’aéro ? 12 : Très belle découpe de l’aile arrière à ce niveau, très moderne !

Toutefois, l’aileron magnifique (ci-dessus) n’avait pas seulement des vertus aérodynamiques puisqu’il limitait la salissure de la vitre de custode, comme l’imaginait Flaminio Bertoni en dessinant sa lunette inversée sur l’Ami 6 (ci-dessous) et comme y songera également Robert Opron pour sa CX, mais avec une manière bien plus élégante de lunette à forme concave.

Finalement, la DS restylée verra le jour en 1967 pour le millésime 1968 et ce sont ses phares additionnels qui tournent qui feront couler plus d’encre que son style ! L’arrière, lui, n’a pratiquement pas évolué…

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est LOGOArchives_BD-1024x367.jpg.

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