Comprendre le style de la C4: Interview de Marc Pinson

Pour les amoureux de la marque, le concept-car C6 Lignage de 1999 reste un jalon fort de l’histoire du design Citroën. On doit son style à Marc Pinson qui s’est également occupé de la réalisation du véhicule de série.

Marc est entré au style Citroën en 1992, et il était alors plutôt orienté vers design intérieur. « J’y suis resté cinq ou six ans car j’estimais que le métier de designer intérieur était plus intéressant et formateur, car plus complexe ! » nous disait-il lors de la réalisation du livre « Concept-cars et prototypes d’études Citroën (disponible ici : https://www.bjbeditions.com/products/concept-cars-et-prototypes-detudes-citroen )

Ce designer qui a beaucoup appris – comme d’autres – de Michel Harmand, a donc entamé sa période de designer ‘exter’ avec le projet d’une limousine descendante légitime de la grande berline Citroën de 1955 ! Nous l’avons retrouvé ce mardi 30 juin 2020 en proche banlieue parisienne où étaient révélées les nouvelles C4 et ë-C4, avec cette fois sa casquette de responsable management style de projet. Et, comme attendu de la part de ce designer aussi efficace que discret, « vous préciserez bien que le travail de design sur C4 est celui de toute une équipe ! »

On citera tout d’abord Cyril Pietton, responsable du style extérieur marque avec une ancienneté de près de 20 ans chez PSA. Cyril est issu de l’école ESDI et il a au départ orienté sa carrière vers l’Italie (Pininfarina, Maggiora et Fiat) avant de rejoindre le groupe PSA en 2001. Côté concept-car, on lui doit l’adorable petite C-Airplay (ci-dessus) réalisée en compagnie de Christophe Cayrol pour le design intérieur.

L’habitacle de la C4 (ci-dessus) a été suivi par Jean-Arthur Madelaine-Advenier, responsable de la cellule design, couleurs & matières ainsi que tout ce qui touche aux interfaces conducteur et passagers. Après ces présentations, place au décryptage professionnel du style de la C4 grâce à Marc Pinson.

Marc, quel a été le briefe de départ pour ce retour de Citroën dans le segment le plus compliqué d’Europe ?
Marc Pinson : « On devait réinventer les codes de style de cette silhouette. On est ici dans un segment très normé alors que dans les autres segments, les clients ont eu le plaisir de découvrir de nouveaux concepts ou hybridation qui ont transformé le paysage automobile. Dans le segment de la berline compacte, jusqu’à l’arrivée de notre nouvelle C4, les clients retrouvaient à de rares exceptions près, des produits très normés eux aussi. »

COMMANDEZ LE LIVRE TRIMESTRIEL LIGNES/auto#01 AVEC UN GRAND DOSSIER CITROËN : https://lignesautoeditions.fr/?p=57

Pourtant, vous partiez de la « petite » plateforme CMP…
M.P. : «  La CMP n’est pas une petite plateforme, elle a été conçue également pour ce segment « C ». Elle a été choisie dès le lancement du projet car elle offre trois éléments structurants du design de la C4. Elle nous offre une habitabilité au rang 2 record, de grandes roues et bien sûr l’électrification, trois clés qui nous ont permis d’aboutir au projet C41 tel qu’il est aujourd’hui. On s’est fait le pari d’offrir tout ce qu’une voiture de ce segment doit offrir, que ce soit en termes d’habitabilité, de praticité ou encore d’agrément au quotidien, bref : les standards du segment. Mais on a réinventé la silhouette pour créer une nouvelle attractivité. On a pu bénéficier de la longueur maxi de la CMP avec un empattement généreux qui nous permet d’avoir une habitabilité qui fera référence. »

Les codes SUV ont-ils été décidés dès le lancement du programme C41 ?
M.P. : « Nous avons pris le parti d’enrichir la berline C en cultivant une extrême fluidité, avec l’aileron, le becquet, l’arche de pavillon fluide qui donne un aspect de coupé et nous avons amené dès le départ l’attractivité du SUV, comme les grandes roues et les éléments de partie basse qui sont aussi des éléments de protection au quotidien et segmentent la carrosserie pour lui donner plus de longueur.”
Ci-dessous, la feuillure de tôle de la porte en 1 reçoit la protection extérieure noire qui descend très en dessous de la base de portière, en 2. Cet effet occultant améliore l’esthétique des bas de caisse.

La C4, ce n’est pas l’effet brutal du SUV, elle est fluide, élégante, tout en affirmant une vraie robustesse grâce à ses galbes et rondeurs. Ses ailes très lisses sont renforcées au niveau du marquage des roues et nous sommes fiers de cette alchimie entre fluidité et ce caractère de coupé. »

La question que LIGNES/auto se pose concerne cet embouti en forme de « C » dans la porte avant ?
M.P. : « Oui, j’ai lu votre sujet ! Il trouve son explication dans notre volonté de placer la roue au milieu du bloc avant, un bloc défini entre l’extrémité du bouclier et cet embouti. S’il n’était pas présent, on risquerait d’avoir une perception d’un capot moteur un peu court pour une berline compacte qui vise aussi le territoire de la routière.”

“Et l’un des attributs de cette dernière, c’est un capot plutôt long. Le segment C, c’est la croisée des mondes ! C’est un condensé de toutes les attentes des clients qui veulent une berline compacte et tout à la fois, vraie routière. La perception de la longueur du bloc avant est très structurante pour la crédibilité. On a tout fait pour amplifier ce que nous offrait déjà la plateforme CMP avec son pare-brise reculé, et on a cherché à avoir un bloc avant qui soit vraiment conséquent, qui nous inscrive réellement dans un univers de vraie routière. »

Un embouti sur les portes, ça vous rapproche forcément des codes de la Peugeot 2008 (ci-dessous)?

M.P. : « En termes de modelés, cela n’a rien à voir. Il n’y a aucun doute que le travail effectué chez Peugeot est différent. Ce sont d’autres codes de style qui, sur la Peugeot, segmentent la totalité du flanc alors que sur la C4, c’est très local puisque réalisé juste sur la porte avant. La C4, ce sont des galbes qui relient les différentes zones. La peau est faite d’un volume protecteur dans lequel sont enchâssés les éléments techniques, les zones de protection ou la nouvelle identité lumineuse. Cela reste un code stylistique très Citroën. »

Le concept-car CXperience de 2016, très souple et sans ligne de carre était censé annoncer le design des Citroën du futur et là, la C4 s’en éloigne beaucoup !

M.P. : « Non, il faut comprendre qu’on ne peut pas rester statique éternellement ! Avec la C4, on s’adresse à des clients qui aiment conduire, avec une carrosserie qui exprime un côté efficient, musclé et on a donc amené des plis qui structurent la peau de la voiture. Ils amènent de la précision dans la lecture, et rendent la forme plus athlétique, plus musclée. »

C4, c’est l’hybridation d’une voiture rehaussée et d’un coupé avec son pavillon fuyant…
M.P. : « Le vrai challenge du projet, c’était cette silhouette avec ce pavillon fuyant et le becquet pour exprimer la performance aérodynamique. Les grandes roues, elles, participent à cet effort aérodynamique car elle permettent, avec la rehausse de la voiture, de caréner l’intégralité du soubassement. Dès le départ du projet, le thème de style fonctionnait avec ce parti pris aérodynamique. »

Et la GS là-dedans ? Elle a été un facteur d’inspiration pour vous ?

M.P. : « Je dirais que la GS, comme la C4 aujourd’hui, offrait de l’avant-garde. Côté design, il est évident que la chute du pavillon et les trois vitres latérales les réunissent mais il n’a jamais été question de faire du rétro-design. Au style, on défriche toujours l’avenir, on créé des surprises ! »

Le panneau arrière semble extrêmement complexe. Première interrogation : la vitre de hayon (ci-dessus) est secondée par un autre élément sous le becquet…
M.P. : « Non, c’est la même pièce… On a travaillé avec les verriers pour former cet ensemble en une seule pièce. La vitre a un grand rayon de courbure qui est caché par l’aileron. On a travaillé la forme au dixième de millimètre avec les aérodynamiciens. En industrialisation, le becquet est rapporté, vissé latéralement sur la structure du volet et en même temps collé sur la vitre. Une autre astuce sur cette zone, c’est que les feux embarqués avec le hayon viennent coiffer le feux solidaire du côté de caisse, et le client ne verra jamais le jeu dans cette zone. Autre avantage, le feux embarqué n’est pas scindé en deux par la découpe du volet. »

La petite pièce noire à la base du montant arrière (ci-dessus en 1) est là pour créer l’effet de pavillon flottant ?
M.P. : « Pas seulement. L’un des enjeux est de faire en sorte que le client comprenne que le becquet est intégré au design sur toutes les versions (2), que ce n’est pas un rajout pour une version sport. Le thème de style fonctionne comme ça et ça a amené naturellement le pavillon flottant, très aérien, avec des montants qui s’affinent en retrouvant le côté de caisse. On retrouve cette architecture dès les premiers sketches. »

C’est un endroit où les challenges ont été nombreux, de quoi s’arracher les cheveux !

M.P. : « Non, ce n’est pas forcément l’endroit le plus compliqué. Il a fallu faire force de persuasion. Avec les deux sources éclairantes qui font écho à celles de l’avant, on arrive à avoir quelque chose qui n’est pas découpé. C’est propre et très identitaire. On a fait le pari en ayant cet assemblage complexe d’amener finalement plus de simplicité dans la lecture pour le client. Et accessoirement de réaliser un ensemble moins coûteux ! »

Même question pour le bouclier avant qui semble lui aussi très travaillé… Voire complexe !
M.P. : « C’est une pièce classique, un bouclier assemblé chez le fournisseur qui arrive sur chaîne. Il est constitué d’une peau qui reçoit la pièce qui supporte le double chevron, les pièces chromées, les renforts de bouclier et l’optique. Pour des questions industrielles (bain de chromage), les extrémités des baguettes chromées et évasées sont en deux parties. Quant au phare, il est monobloc. »

C’est à dire ?
M.P. : « Les leds en partie haute et les optiques en partie basse font partie d’un seul bloc (délimité en jaune ci-dessus), d’une seule pièce. C’est moins coûteux. Le challenge stylistique, c’est notamment cette lame du bouclier (en vert ci-dessus) qui sépare en deux parties le bloc optique, les rendant visuellement totalement indépendantes. »

La signature lumineuse à l’avant (ci-dessus) évolue aussi…
M.P. : « Oui, c’est la première fois depuis l’apparition de notre signature à double étage (C4 Cactus et C4 Spacetourer) que la branche inférieure du chevron accueille des DRL. Quant aux optiques, on les a plongées dans l’ombre avec un travail intéressant sur les clignotants qui disposent de la même technologie que les DRL, avec un côté cristal flottant. »

A bord, on retrouve une ambiance serine, une planche piano...

M.P. : « Oui, elle est horizontale comme sur toutes les Citroën d’aujourd’hui. Elle respecte les codes ! A bord, on a imaginé, créé et positionné de multiples rangements, non pas pour faire un chiffre en dm3 de contenance, mais pour que chacun de ces rangements soit utile, pratique et essentiel à la vie au quotidien. »

Il y a une madame ou un monsieur « accessoires » qui vient avec sa valise de boîtes à mouchoir, de gobelets, de calepins, de tickets, etc. à ranger ?
M.P. : « Tout à fait, mais sa valise est virtuelle car tout se conçoit en numérique. On étudie même les cinématiques d’accès en numérique et on peut les manœuvrer grâce à un casque virtuel. ».

Qui est la poule, qui est l’œuf entre le tiroir et le support de tablette numérique ?
M.P. : « Ni œuf, ni poule ! Dès le départ, nous voulions les intégrer à la planche de bord. La structure de planche de bord a été conçue dès le début pour accepter le vide poche, le tiroir et le porte tablette. »

Existe-t-il des innovations dans l’éclairage d’ambiance ?
M.P. : « Le bloc instrumentation est rétroéclairé donnant l’impression que le combiné est flottant. Il y a là un petit côté magique ! Quant au volant (ci-dessous), il est également nouveau »
Pour LIGNES/auto, il évoque un peu le monobranche de la SM avec sa large branche inférieure !

L’ensemble style exter et inter semble avoir demandé beaucoup de soin dans les détails. Et donc quelques points durs pour le développement ?
M.P. : « Non, pas plus que pour un autre projet !  C’était au contraire de superbes challenges à relever, avec une multitude d’enjeux. Je le répète, l’équipe peut être fière de cette alchimie réussie entre les standards du segment, sans compromis, et ce traitement SUV absolument pas repoussoir. A bord, que ce soit pour les rangements, les IHM innovantes, la vision tête haute, on peut affirmer qu’on a rien lâché ! »

Le programme C41 en quatre dates :
Avance de phase : 2015
Lancement du projet C41 : juillet 2016
Gel du style C41 : fin 2018
Commercialisation : fin 2020

Leave a Reply

Next Post

Céline Manetta, Citroën designer: the wings of passion

Many car designers have an unwavering passion for the world of aviation. But one woman flies above these gentlemen, exercising her art as a painter of air and space, nowadays dubbed by the Air Force. From her work emerges an emotion and an atmosphere that can only seduce. Always on […]

Subscribe US Now