ARCHIVES – Paul Bracq nous parle de “sa” BMW Turbo

Quand on a la chance de rencontrer un maître carrossier comme Paul Bracq et qu’il nous parle de “sa” BMW Turbo qu’on a, en plus, conduite dans une autre vie, c’est Byzance. Ouvrons ensemble cette archive passionnante !

1972, une année importante pour l’industrie automobile française, celle de la grande série ! Renault y dévoile effectivement dès le mois de janvier sa sympathique R5 dessinée par Michel Boué et voulue par Bernard Hanon, futur patron de la Régie. La crise de 1968 et les évènements sociaux ont doté la jeunesse d’une irrésistible envie de liberté.

Mais c’est aussi le dernier feu d’artifice de dream-cars italiens pour la plupart, avant la crise pétrolière. La fin ? Pas tout à fait… En 1972, le maître carrossier-styliste Paul Bracq, après avoir fait ses armes –et de façon magistrale ! – chez Mercedes, et après un court passage en France chez Brissonneau et Lotz, débarque chez BMW où il va en très peu de temps générer une nouvelle identité à la firme bavaroise. L’apothéose de son passage à Munich reste sans aucun doute son dream-car BMW Turbo.

La tendance des années 1970, était de dessiner ou de concevoir des voitures sécurisantes. Il fallait donc que BMW respectât cette nouvelle voie” nous confirme Paul Bracq lors d’un entretien chez lui, à Bordeaux. “Et puis il y avait l’événement de la construction du parc olympique pour les jeux de 1972. Ce stade a été bâti sur l’ancien aérodrome que BMW utilisait pour tester ces moteurs d’avions entre les deux guerres ! Il fallait là aussi que BMW célébrât à sa manière l’événement olympique ! Le directeur des ventes de l’époque, le célèbre Bob Lutz, m’a alors demandé de dessiner une voiture de sport avec le plus de technologie de sécurité possible et avec, évidemment, un moteur Turbo car nous étions sur le point de commercialiser la 2002 Turbo.”

La sécurité entre de plain-pied dans l’étude des concept-cars, tout naturellement. Ici, Paul Bracq réinterprète l’idée de Marcello Gandini et des anneaux fluorescents orant la proue et la poupe de sa Carabo. “Je suis un passionné d’aviation, précise Paul Bracq, et lorsque je travaillais chez Brissonneau et Lotz, j’ai pu me rendre à la base militaire qui était toute proche. C’est là que j’ai dégoté cinq kilos de peinture orange fluo, une peinture qu’on appliquait alors à l’extrémité des ailes des avions pour la sécurité. C’est ainsi que j’ai eu l’idée de peindre la Turbo avec cette teinte !

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La Turbo c’est aussi et surtout un volume en coin typique de ces années-là. C’est aussi des portes « papillon » s’ouvrant sur un habitacle traité avec une attention toute particulière au niveau de l’habitabilité que son concepteur voulait supérieure à celle des dream-cars italiens. Une ambition relevée dignement par ce prototype roulant qui présente la particularité d’offrir un compteur de vitesse à affichage horizontal. Paul Bracq y ajouta une instrumentation de couleur verte, très en vogue à l’époque, comme l’était également la présence de multiples cadrans, tant sur la console qu’à la gauche du conducteur, avec un contrôle des différentes fonctions de la Turbo.

Le premier prototype de la Turbo fut réalisé par Michelotti. “Giovanni Michelotti était un Italien charmant, adorable et un extraordinaire carrossier” se souvient Paul Bracq. “Je m’étais entendu avec lui pour qu’il réalise la Turbo à condition qu’il fasse strictement le prototype d’après les plans et les dessins que je lui apportais. J’allais chez lui tous les huit jours à Orbassano où j’ai coupé l’avant de ma Turbo qui avait à l’origine un porte-à-faux un peu trop protubérant !” La Turbo a donné vie à une nouvelle identité chez BMW qui fut reprise bien plus tard sur la M1 de Giugiaro en 1978 et le coupé Série 8 de 1989.

“Face à l’approche moins subtile de Mercedes, nous opposions avec ce concept-car une puissance légère, plus aérienne, gracile. Une voiture, c’est une sculpture qui roule. La Turbo, c’est l’aboutissement d’un rêve car j’ai toujours essayé de créer une 327 Roadster moderne lorsque je travaillais chez BMW. Lorsque je revois la Turbo, c’est toujours un grand plaisir pour moi. J’ai créé cette voiture de toutes pièces, du bouclier avant à celui à l’arrière. J’ai même dessiné les roues. A l’époque, nous n’avions eu que six mois pour proposer un véhicule en état de marche et nous avons réussi. C’était le premier concept-car de l’histoire BMW.

Un concept-car, sans doute, mais tellement désirable que nombreux furent les chèques en blanc reçu par BMW d’amateurs séduit par l’engin futuriste. Un second prototype est alors planifié et réalisé l’année suivante. C’est celui qui illustre ce sujet. “La seconde étude devait perpétuer l’idée initiale mais en accentuant son aspect sécuritaire. Je voulais absolument que l’on puisse sortir de la voiture en cas de retournement, alors j’ai modifié l’ouverture des vitres latérales.” On note aussi et surtout l’apparition de flasques sur les roues arrière. “C’était pour se rapprocher de la BMW 327” s’amuse Paul Bracq. “Nous avons également modifié la teinte en fonçant les parties centrales pour mettre en avant les deux anneaux de sécurité.

Il est des moments forts dans la vie de passionné automobile, comme celui de prendre le volant de ce prototype unique !

La Turbo marque une nouvelle tendance qui se dessinait alors, comme le souligne Paul Bracq : « lorsque j’ai dessiné la Turbo, Giugiaro prônait les formes cubiques. Moi, je valorisais plutôt les volumes fluides. J’avais raison car les formes cubiques résistent moins bien à l’usure du temps. »

Ci-dessous, la maquette échelle réduite de la troisième BMW Turbo imaginée avec un moteur… V12 ! Son empattement est sensiblement allongé de ce fait.

PAUL BRACQ : UNE CARRIERE LONGUE EN QUELQUES MOTS

Né à Bordeaux en 1933, Paul Bracq obtient à 20 ans le premier prix de sculpture de l’école Boulle. Avec le styliste Charbonneau, il dessine des véhicules publicitaires avant de franchir le Rhin et devenir responsable du département « Etudes avancées de style » chez Mercedes durant une décennie, de 1957 à 1967.

Il revient par la suite en France et jusqu’à la fin des années 1970, travaille chez le carrossier Brissonneau et Lotz où il participera à l’étude du Turbo-train et à celle d’un prototype BMW… Déjà ! De 1970 à 1974, retour en Allemagne, chez BMW où il concevra, outre le prototype Turbo, les Série 3, coupé Série 6 et berline Série 7.

En 1974, il franchit de nouveau le Rhin et devient responsable du style intérieur chez Peugeot, jusqu’à sa retraite professionnelle… et reste très actif. Il célèbre en 2020 ses soixante-sept années d’un métier qu’il n’aura cessé de promouvoir dans la pure tradition des maîtres carrossiers. Respect -et fascination- pour cette vie qui prend la forme d’une œuvre perpétuelle…

Merci à mon compagnon de route à Bordeaux ce jour-là, Christian Martin

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