
Au cœur des années 1970, alors que le coupé SM est proche de sa fin de vie, Guy Ligier demande à Citroën de lui proposer un coupé capable de le remplacer sur les chaînes de sa petite usine. Pourquoi pas une mini-SM sur la base de la GS ?

En 1974, elle est loin cette très belle année 1970 qui a vu naître, coup sur coup, le somptueux coupé Grand Tourisme SM et la berline compacte GS. Avec la crise pétrolière qui a durement frappé le monde automobile en 1973, l’impact est considérable pour la Citroën SM et son moteur V6 Maserati peu efficient. Les ventes s’effondrent et la production est délocalisée en partie dans les ateliers de Guy Ligier, dans l’Allier, avant d’être définitivement arrêtée en 1975 après que seulement 12 920 exemplaires ont été produits.

Pour Ligier qui se remet à peine du faible succès (doux euphémisme) de son coupé JS2 à moteur V6 Maserati, la pilule est difficile à accepter. Il lui faut absolument trouver un modèle Citroën apte à prendre la place du coupé GT sur les chaînes de sa petite usine. Il en va de sa survie. Il contacte alors chez le constructeur français le patron du style qui, en ce début des années 1970, œuvre sur le projet de renouvellement de la DS, rien de moins. Entre Robert Opron et Guy Ligier, le courant passe immédiatement. Non seulement le projet intéresse le constructeur français mais il est intégralement pris en charge dans les ateliers flambants neufs de Vélizy où le bureau de style vient de s’implanter.

Entre juin 1973 et début 1974, les stylistes de l’équipe de Robert Opron planchent sur le sujet. Les archives de Terre Blanche de l’Aventure Peugeot Citroën DS disposent de dessins de l’époque signés Régis Gromik ou encore Jean Giret. Parmi ceux-ci, des variantes de coupé mais aussi de cabriolet et même de véhicule de plage. N’oublions pas que la Méhari a été commercialisée six ans auparavant et que l’on peut imaginer que l’idée de lui trouver un successeur plus ambitieux est dans les tuyaux ! Pour ce programme de coupé GS Ligier « officiel » (nous écrivons « officiel », car peu de temps après, un autre coupé GS Ligier cette fois dessiné par Marc Deschamps tentera de voir le jour, ci-dessous), on devine que les équipes du style ont les coudées franches et ne reprennent que la plateforme de la berline GS.

Pour le reste, tout est nouveau ! On songe à implanter sous le capot moteur le bloc à pistons rotatifs que le constructeur commercialisera en 1973. La voiture finalement retenue au début de l’année 1974 se présente sous la forme d’un coupé élancé avec un arrière tronqué, très aérodynamique évidemment comme le souhaite Robert Opron.

Ce dernier évoquait ce projet en ces termes : « c’est une étude que j’ai faite avec Jean Giret. C’était effectivement l’époque où Guy Ligier cherchait un autre modèle à produire. Il venait de louper son modèle avec Frua et il cherchait à tout prix une base Citroën pour rentabiliser ses installations. Le mono-balai prouve que cette étude était menée en phase avec la genèse du « L ». Ce projet date du 20 février 1974 et il n’y a pas grand-chose à ajouter… »

Évoquons quand même les phares semi-encastrés, alors que la longue vitre latérale arrière est scindée en deux, autorisant du même coup une petite partie descendante pour aérer les deux passagers confortablement installés à l’arrière. La calandre inaugure l’esprit bouclier qui sera repris quatre ans après sur la petite berline Visa alors que le pare-brise est une copie presque parfaite de celui de la CX qui n’est pas encore commercialisée. Le bouclier avant est intégré à la calandre et l’ensemble bénéficie d’amortisseurs afin de répondre aux normes américaines. Car Citroën envisage de pouvoir commercialiser cette silhouette sur le marché d’outre-Atlantique.

Mais à vouloir créer un nouveau modèle de toute pièces, les investissements s’emballent. En parallèle à ce projet, Ligier commence à s’orienter vers la compétition avec le futur projet de concourir dans le championnat du monde de Formule 1, en 1976. Robert Opron, lui, n’est plus qu’à quelques mois de sa séparation douloureuse d’avec Citroën afin de rejoindre Renault. Le coupé GS pour Ligier restera donc à l’état de maquette, sans même jamais avoir dépassé ce stade alors qu’il aurait été aisé de construire un prototype roulant sur une plateforme technique existante. C’est d’autant plus dommage que dès le début des années 1970, lorsque Citroën révèle la berline GS, Pierre Bercot, le P.D.G laisse ses équipes du style œuvrer sur un petit frère de la SM sur la base de cette nouvelle GS.

Robert Opron et son équipe se lancent alors le défi d’industrialiser un coupé GS. Outre le projet Ligier à la carrosserie inédite vu ici, le style propose plusieurs variantes de coupés GS beaucoup moins coûteux à industrialiser puisque reprenant une grande partie de la carrosserie de la berline. Les suggestions touchent principalement le panneau latéral à deux portes seulement.

Michel Harmand cassera tous les codes comme à son habitude pour proposer un engin sportif, racé à trois places de front avec conducteur au centre. mais aussi (ci-dessus) un concept plus classique Si vous observez la photo noir et blanc du coupé GS Ligier ci-dessous, vous remarquerez que les stylistes ont punaisé au mur du studio de maquettage les plans en trois dimensions de la Matra Simca Bagheera présentée un an avant la réalisation de la maquette. Mais de coupé GS, il n’y aura point…

