De septembre 1962, date de son arrivée chez Citroën aux côtés de Flaminio Bertoni, au 8 janvier 1986, date de son départ du bureau de design Renault, Robert Opron aura consacré une grande partie de sa carrière aux deux grands constructeurs français, « l’artillerie lourde » comme il aimait à les décrire.
Né en février 1932, il sait à peine lire qu’il parle déjà avec ses mains en dessinant dès l’âge de 5 ans ! « Je me suis ensuite passionné pour les voitures américaines, j’avais une belle collection et cette passion pour l’automobile ne m’a plus jamais quitté » m’avait-il confié lors d’une interview après son départ de ce qui était encore la Régie Renault. Avec une formation aux Beaux-Arts d’Amiens, il entre chez Simca comme beaucoup d’autres stylistes de sa génération.
« C’était d’autant plus tentant qu’il s’agissait là du premier centre de style automobile qui ait existé en Europe. Nocher en a fait partie ainsi que Béligond et Deschamps. On peut dire qu’on a découvrit le stylisme professionnel chez Simca, un style marketing à l’américaine qui consistait à dessiner de beaux objets sans se soucier d’autres chose. » Une méthode qui va singulièrement changer lors de son arrivée chez Citroën.
La rencontre en le génie Flaminio Bertoni et Robert Opron a maintes fois été racontée. Robert Opron me l’avait alors confiée avec ses mots : « Je suis allé chez Citroën après avoir lu une petite annonce libellée avec une sorte de mystère cher à la marque. Elle disait ceci à quelques mots près : important groupe industriel recherche créateur de forme ayant démontré ses aptitudes à la création. Écrire au journal qui transmettra.“
“Évidemment, j’ai écrit avec quelques copains et nous avons été convoqués au quai André Citroën. C’était une fin de matinée, je m’en souviens très bien, nous avons présenté nos dossiers et le chef du personnel tenait à ce que je rencontre Bertoni le jour même. Il était en essais sur les pistes de la Ferté », j’ai donc eu rendez-vous à 16 heures de la même journée. Je me suis présenté un peu en avance au gardien de la rue du Théâtre. C’était un environnement noir et crasseux, il y avait un petit gourbis et derrière, un local avec une table à dessin et deux vieilles chaises, c’est la vérité ! On m’a demandé d’attendre là. Vers 16 heures une voiture est arrivée et j’ai vu en sortir un type trempé de sueur et habillé d’un short, c’était Bertoni. Il m’a demandé ce que je venais faire ici, je lui ai expliqué que j’avais répondu à une annonce.”
“Il semblait au courant et m’a alors demandé ce que je savais faire. J’ai ouvert mon dossier avec mes dessins qu’il a regardés. Avec sa canne, il les écartait un à un et me disait que ça ne valait rien du tout. Il a alors donné un violent coup de canne en éparpillant tous mes dessins sur le sol. Je n’étais pas du tout d’accord avec ses manières et je le lui ai dit. Alors il s’est mis à ramasser mes dessins tout en me confiant que je l’intéressais ! Je lui ai répondu que lui ne m’intéressait pas ! Et je suis parti. »
Opron rentre à son domicile en se disant que « jamais je ne pourrais travailler avec ce type ». Pourtant, Robert Opron signe son contrat peu de temps après. « Bertoni était un type très froid mais en fait c’était un homme de grand cœur sous un aspect bourru. » En 1964, à la mort du génie italien, Opron prend la direction du style Citroën jusqu’en 1974 et la sortie de la CX, dernière Citroën de l’ère Michelin.
Il aura auparavant signé entre autres les break Ami 6, berline Ami 8, coupé SM Maserati et GS. Ajoutons-y celles qu’il a adoré concevoir : la DS du Général de Gaulle et la SM de Pompidou. En janvier 1975, Opron se dirige vers Renault. « Il fallait que je change d’air. De plus, la personnalité de Bernard Hanon me plaisait beaucoup. J’avais été impressionné par sa volonté, son amour de l’automobile et sa culture. C’est un homme avec lequel on a l’impression de pouvoir faire de grandes choses et, à l’époque, c’était très tentant. »
Il arrive alors que la R14 est dans les tuyaux de l’industrialisation. Dès sa venue, l’idée de créer un centre se style avancé germe dans son esprit. Ce bureau à la vision lointaine est implantée à Nanterre. « On a alors embauché des jeunes dont Deschamps ou Venet. » Puis il voulait implanter un studio de ce type aux États-Unis… C’est en partie ce qui le perdra.
La quasi faillite de la Régie Renault en 1985 et le départ de Bernard Hanon vont précipiter son éviction, après qu’il a créé avec ses équipes la Renault 9 (un projet frustrant face aux propositions avant-gardistes des designers et même celle de Gandini), la Fuego ou encore la 21 qu’il a dû laisser filer chez Giugiaro. Sans compter de nombreux projets du programme VBG de bas de gamme.
« Je devenais inutile dans la maison » me lâcha-t-il désabusé juste après son départ. « J’ai toujours fait ce métier pour la maison qui voulait bien m’embaucher. J’ai appris chez Citroën la fine technologie et la bonne gymnastique d’esprit qui consiste à se propulser toujours en avant vers l’innovation qui est un progrès. Chez Renault, j’ai appris que le marketing, trop poussé, était quelque chose de très enrichissant, à condition toutefois de savoir d’en servir. »
Après son passage chez Fiat et Alfa Romeo, ses études pour Ligier et ses consultations, Robert Opron a continué d’habiter dans la maison qu’il a lui-même dessinée à Verrières le Buisson. A quelques kilomètres seulement des centres de design PSA et Renault… Il est décédé le 20 mars 2021, à l’âge de 89 ans.
Biographie :
1932 : Robert Opron naît en 1932.
1948 : À l’âge de 17 ans, il contracte la tuberculose et combat durement la maladie
1958 : Devient designer automobile chez Simca
1962 : Il franchit les portes du bureau de style de Citroën aux côtés de Flaminio Bertoni
1964 : Devient patron du style Citroën à la mort de Bertoni
1975 : Il quitte Citroën et accède à la direction du design Renault
1984 : Il veut fonder un centre aux États-Unis. Il quitte la Régie cette année-là.
1985 : Il entre au design Fiat avant de fonder son propre bureau de consultant.
2021 : Décès le 29 mars. Ses obsèques auront lieu le jeudi 8 avril à l’Église de Verrières le Buisson à 14h30.
POUR ALLER PLUS LOIN. LIGNES/auto vous recommande de (re)trouver ces deux ouvrages sur la vie de Robert Opron : “Robert Opron – l’automobile et l’art” aux Editions Peter-Pijlman et “Style Opron” publié en avril 1995 par le “comité Style Opron”. A dénicher sur internet…