Le développement d’un nouveau produit, surtout s’il s’agit d’une nouvelle silhouette, nécessite souvent plus de phases exploratoires qu’un simple renouvellement d’un concept existant. Dans ce cas, le centre de design exécute un manifeste. Pierre-Paul Mattei (Directeur conception projet) explique « qu’un manifeste est là pour expliquer une vision qui n’est pas industrialisable en l’état mais qui permet de démontrer le bien fondé du concept à nos directeurs. » Il ne s’agit en aucun cas d’un concept-car, souvent là pour préparer le public au lancement à moyen terme d’un nouveau produit. Le manifeste, lui, est conçu bien avant le lancement du programme. Il sert de base à l’étude d’avant-phase et n’est pas montré au public, rarement aux journalistes.
Il faut dire qu’entre le manifeste P54 et la 408, il y a peu de points communs, si ce n’est une réponse à la question que se posent les services produits et design de Peugeot en 2015 : que sera la berline de demain ? « Nous étions sur cette problématique et on voulait se diriger sur quelque chose qui ne soit pas un SUV. Et dans ce cas, un PowerPoint n’est pas suffisant pour exprimer notre idée. Devant nos directeurs, on est alors obligé de montrer un objet » explique Pierre-Paul Mattei. Un manifeste a également une autre vertu, il permet de mieux exploiter le temps entre sa définition sous forme de maquette et le lancement réel du programme.
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Alors bien sûr, il faut le remettre dans son contexte. Le manifeste P54 date de 2015, soit un an avant l’arrivée du 3008 de la deuxième génération qui fera date. Mais comment imaginer en 2015 autre chose qu’un SUV dynamique, dont l’idée germait chez les concurrents ? « C’est une question de feeling et pour être franc, on avait cette idée depuis longtemps. On sentait un manque dans l’univers des berlines. On ne s’est pas dirigé vers le SUV coupé parce qu’on avait cette idée qu’il y avait de la place pour inventer une autre silhouette. » Il s’agit alors de comprendre la future scission du marché entre les SUV et la berline basse, et trouver un produit plus expressif, aux prestations de berline sportive, sans tomber dans le domaine du SUV à la position de conduite haute.
L’idée du manifeste validée, il faudra près de trois ans avant de lancer réellement le programme P54 qui vient d’aboutir à la 408. Le temps d’adapter la vision en un produit répondant aux prestations d’un cahier des charges exigeant en termes d’habitabilité et de volume de coffre. Il est vrai que sur la maquette de 2015, rien ne fonctionne ! « Son style est daté ! Il y a des mimiques annoncées par le SR1 de 2010 et surtout, le manifeste n’offre aucune prestation d’habitabilité, ne passe aucune des normes mais ce n’est pas son objectif. Entre sa présentation en petit comité et le lancement du programme de série, on peaufine l’idée, on la partage avec la marque et on convainc tout le monde. »
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C’est à partir de cet instant qu’il est inscrit au plan programme. La marque définit ses propres critères, traduits en un package technique qui tient compte de la communauté des autres produits du programme DPE. « On peut alors lancer le style. » Pendant ces trois années (2015-2018) l’avance de phase traduit techniquement l’intention du manifeste et garantit que cette construction technique s’inscrit dans le périmètre de communauté du programme global. Il s’est donc écoulé sept ans entre le manifeste et le produit final. Aujourd’hui, sans doute qu’un autre manifeste vient d’être achevé, portant en lui les idées d’une future Peugeot de 2030… Mais celui-là, le constructeur n’a pas voulu nous le dévoiler ! Ce n’est pas Noël tous les jours…