Être directeur du département Design Renault Group n’est pas une mince affaire ! Il s’agit de gérer les équipes de design des quatre marques du groupe (Renault, Dacia, Alpine et Mobilize), ainsi que les studios satellites répartis sur la planète. Chaque marque dispose de son propre directeur de design sous la responsabilité de Laurens van den Acker(*). Pour Renault, il s’agit de Gilles Vidal dont le transfert en provenance de Peugeot en novembre 2020, après 24 ans et 9 mois au sein du groupe PSA, a fait couler beaucoup d’encre.
(*) Depuis le 1er février 2023, Laurens van den Acker est Chief Design Officer. Il a intégré le ‘Leadership Team’, qui se substitue au Board of Management (BOM) et au Comité de Direction Corporate (CDC). Cette nouvelle instance unique de management a pour mission d’assurer la direction stratégique et opérationnelle des activités de Renault Group. De nombreux véhicules et projets récents portent la signature de Laurens van den Acker, tels que les Renault Mégane E-Tech Electric, R5 Prototype, Dacia Bigster Concept…
Depuis le mois de mai 2022, David Durand officie à la tête du design de Dacia. Au début de la Renaulution, la marque a connu deux responsables de design qui ont effectués de très brefs parcours à ce poste, confié successivement à Alejandro Mesonero-Romanos de novembre 2020 à mai 2021, puis à Miles Nürnberger en provenance de chez Aston-Martin. Chez Alpine, Antony Villain a pris la direction du design pour gérer une marque dont l’ambition est de passer d’un unique modèle (l’A110) à sept d’ici 2028, dont une nouvelle A310 sur la plateforme APP ci-dessous ! Retrouvez la longue interview d’Antony Villain ici : http://lignesauto.fr/?p=28873
Enfin, la marque Mobilize qu’il faut comparer plutôt à une « Start-up » selon Laurens van den Acker, voit son design dirigé par Jean-Philippe Salar depuis janvier 2023. Voilà pour le décor. Poussons les portes du centre de design de Renault Group implanté à Guyancourt, à un peu plus de 15 kilomètres de celui de… Stellantis Europe, ci-dessous ! La Silicon Valley de la création automobile en France !
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Entre le directeur de design d’avant la Renaulution et aujourd’hui, pouvez-vous nous expliquer les différences dans votre travail au quotidien?
Laurens van den Acker : « Il y a énormément de choses qui ont changé depuis 2020. Avec la nouvelle organisation par marque, je suis passé du développement de nouvelles voitures, au poste de directeur design du groupe. Ce sont Gilles Vidal, David Durand, Antony Villain et Jean-Philippe Salar qui sont en première ligne et suivent les programmes de A à Z. Mon job est de m’assurer que chaque projet suive le timing avec une bonne qualité d’exécution. En même temps il faut que je me préoccupe du bon positionnement design de la marque en termes d’identité ou de signature et de langage de formes. »
Chaque équipe de designers gérée par un responsable de design-marque, ça veut dire quatre studios cloisonnés ?
« Non, surtout pas ! Je ne voulais pas d’un studio de design avec des murs, je voulais qu’il reste ouvert. Par exemple, l’atelier de maquettage est accessible à tous les designers. Je veux ainsi instaurer une émulation, une sorte de compétition positive. Je cherche un grand attrait pour chacune des marques et notre organisation ‘ouverte’ fonctionne bien. En fait, on a quadruplé notre force de frappe depuis cette organisation. »
Les équipes d’Alpine et de Dacia ont sensiblement augmenté leurs effectifs. Quel est le nombre de designers qui travaillent aujourd’hui pour Renault Design Group ?
« Nous avons un effectif total de 450 à 500 personnes, en comptant les centres satellites. Mais derrière ce chiffre, il y a un élément qui a changé : la distribution au sein des équipes. On a dû augmenter le nombre des créatifs pour nourrir toutes les marques. Cette organisation apporte un énorme avantage : les designers qui travaillent pour une marque pensent à 100% à elle ! »
C’est un avantage, mais vous n’autorisez plus les échanges entre les équipes des quatre marques ?
« Si, on peut le faire. Mais franchement, pour l’instant, il n’y a pas beaucoup de mouvements entre les équipes car l’organisation est assez jeune, avec une construction de ces équipes qui l’est tout autant. Il faut aussi comprendre une des raisons pour lesquelles on devient très attractif pour les designers venus de l’extérieur au groupe : le nouveau venu peut effectivement imaginer une carrière en basculant d’une marque à l’autre, et je reste personnellement très attaché à ça évidemment, parce que je crois beaucoup à la polyvalence. »
Vous parliez des studios satellites(*). Avant, ce type de centre servait à ‘rafraîchir’ des designers de Guyancourt pour qu’ils retrouvent toute leur créativité. Ce n’est plus le cas aujourd’hui ?
« Ce n’est plus vraiment le cas. Ce changement est intervenu car la crise nous a imposé de serrer la vis, sur les coûts notamment. Il faut savoir qu’il est coûteux pour l’entreprise d’expatrier un designer. Alors on essaie de créer des équipes locales, avec des talents qui se développent sur place. A Sao Paulo ci-dessous, le leadership est assuré par Daniel Nozaki (depuis 2020, en provenance de PSA – NDA) et bientôt à Bucarest, on aura un directeur de centre de design roumain. Là-bas les designers sont talentueux et ambitieux, et ils aiment bien travailler le cas échéant pour aider Mobilize ou Alpine ! »
(*) Le design de Renault Group dispose de six centres de création dans le monde : France, Roumanie, Chine, Inde, Brésil (ci-dessous) et Corée.
Puisqu’on évoque le centre de Bucarest, le nouveau Dacia Duster a-t-il été conçu exclusivement là-bas ?
« Le Duster (ci-dessous) est un projet clé pour Dacia, et même pour le groupe. Alors on peut dire que tout le monde a contribué à ce programme. Concrètement, lors de l’avance de phase menée à Guyancourt, on a retenu un thème de style d’une maquette exécutée par Erde Tungaa. Son idée a ensuite été magnifiée par Bucarest et c’est ce design qui a été choisi . Mais le studio de Bucarest et celui du Technocentre ne font qu’un pour moi. Chaque jour, les designers se voient par visioconférence ou avec les outils de réalité virtuelle. Concrètement, c’est comme s’il n’existait qu’un seul studio. »
Vos studios satellites ne sont donc pas des studios d’avance de phase ?
« Il y a effectivement beaucoup de marques qui utilisent leurs studios satellites comme des studios d’avance de phase, comme Mercedes par exemple. Nous, on a plutôt créé ces centres pour accompagner l’ingénierie sur place, afin d’adapter la voiture aux besoins locaux. Il a fallu un peu de temps, comme à Chennai sur la côté Est indienne. Ce n’était pas évident de trouver des designers locaux compétents, mais petit à petit le développement et l’ingénierie ont mis l’accent sur les centres satellites. Aujourd’hui, ils maîtrisent tous les enjeux de coûts qui poussent à expatrier un projet en Inde ou à Bucarest (ci-dessous). »
Un centre satellite comme celui de Bucarest dispose donc des mêmes outils qu’à Guyancourt ?
« Oui, on a là-bas les mêmes outils numériques et virtuels. Ce studio n’est pas un petit studio. Il compte 35 personnes, dispose du même écran LED de 15 m x 3 m qu’à Guyancourt. Ce studio va même développer le Duster jusqu’à la production. D’ailleurs, il a les capacités de faire passer toutes les Dacia du stade de l’étude jusqu’à celui de l’industrialisation. »
Il est vrai qu’un designer est sensé accompagner son projet jusqu’à l’usine…
« Je crois beaucoup dans cet accompagnement du design jusqu’à la convergence technique et l’industrialisation. C’est même primordial pour un designer de connaitre toutes ces étapes. Certains sont plus à l’aise dans cette phase, et d’autres plus forts dans une phase amont. Mais avoir un parcours complet est une bonne formation. »
A Guyancourt, ci-dessus, l’équipe de designers Dacia s’est enrichie, notamment de designers en provenance de Citroën ? Une coïncidence ?
« Ce que je trouve intéressant, c’est qu’avant, les designers nous rejoignaient pour intégrer le groupe Renault. Aujourd’hui, depuis la réorganisation par marque, les marques elles-mêmes attirent les designers qui veulent travailler pour l’une d’elles et pas une autre. C’est très enrichissant pour nous. Par exemple, Alpine attire des designers de chez Ferrari (ci-dessous Adrien Acquitter) et Lamborghini. Ceux-ci ne seraient très certainement pas venus pour travailler chez Renault Group si nous n’avions pas instauré cette organisation par marque. »
…Et concernant le flux des designers Dacia en provenance de chez Citroën ?
« Nos intentions sont désormais claires avec Dacia depuis les concept-cars Bigster et Manifesto, et avec le nouveau Duster. On remarque que des designers veulent venir travailler chez Dacia. Pas chez Renault ou Alpine, mais chez Dacia. Alors forcément ce sont des designers avec des expériences sur des thèmes plutôt essentiels, comme venant de chez Citroën, voire ‘outdoor’ pour ceux qui viennent de Land Rover. Ils ont dès lors une affinité naturelle avec la marque Dacia. »
Faisons le grand écart, de Dacia à Alpine. Le plan produit officiel est ambitieux. L’équipe de designers est-elle calibrée – je parle du nombre, pas du talent ! – pour répondre à cet objectif ?
« C’est vrai que tout arrive en même temps au sein du design Renault Group ! Je voudrais d’abord dire que je trouve incroyable que Luca de Meo ait décidé de garder la marque Alpine dans une période très difficile pour le groupe. Ajoutez-y la situation lors du confinement et le Covid en 2020, quand le monde a arrêté de tourner…»
« Si Luca de Meo avait décidé de mettre fin à Alpine à cette époque, personne ne l’aurait critiqué. Il ne l’a pas fait. Mais il n’a pas fait que ça : il a gardé Alpine, il a gardé la F1, il a misé sur l’Endurance (ci-dessus) et il a mis tout ça ensemble et dévoilé successivement deux plans produits ambitieux ! C’est incroyable, on sera toujours reconnaissant pour ça. Alors tout l’enjeu était de construire l’équipe de designers Alpine. Aujourd’hui, je ne dessine plus de voiture, mais je dessine les équipes qui dessinent les voitures ! »
Luca de Meo vous a donné des consignes pour Alpine ?
« Luca m’a demandé de créer une équipe de Champion’s League ! Et Alpine est ainsi passée de 5 à 35 designers ! L’équipe va même encore grandir. C’est un team de jeunes talents, avec beaucoup de passion. Je pense maintenant qu’avec toutes les voitures qu’on a montré, que ce soient les concepts Alpenglow (ci-dessous), A290 B et la voiture d’endurance, l’univers du design sait qu’il se passe quelque chose chez Alpine et ça attire du monde ! »
Dans cette future gamme Alpine, il y a deux crossovers des segments supérieurs. Ils visent notamment les États-Unis. Est-ce qu’on dessine différemment une Alpine pour ce marché particulier ?
« Oui, car si on parle du segment E, c’est une taille qui n’existe pratiquement pas en Europe, on dessine ça pour les USA d’abord. Ce sont des gabarits difficilement envisageables ici, de deux mètres de large. Mais on a beaucoup d’expérience dans l’équipe, on les dessine différemment. Quand vous pensez pour les USA, vous imaginez des proportions qui ne sont plus les mêmes ! »
Avec tous ces projets Renault, Alpine et Dacia, avez-vous assez de place, voire de marbres dans l’atelier, ci-dessus ?
« C’est vrai, toutes les marques ont besoin de marbres aujourd’hui ! Il manque un peu de place, mais plus sérieusement, l’idée est d’équilibrer le travail entre les marques. Hier, Renault représentait 80 % du travail dans les studios de design et dans l’atelier. Dacia tournait autour des 15% et 5% restaient pour les autres projets comme les Renault-Sport ou Alpine par exemple. Aujourd’hui on rééquilibre les marques. Dacia a jeté les bases d’une future gamme qui reposera sur 6 ou 8 silhouettes et Alpine aura 7 silhouettes. Ça veut dire que Renault va réduire un peu le nombre de ses propres silhouettes, tout ça va s’équilibrer. »
Venons-en à Renault et à la R5 qui fait le buzz. Cette voiture est pourtant née avant l’arrivée de Luca de Meo et donc avant la ‘Renaulution’.
« En 2019, on avait un studio de design avancé dirigé par François Leboine (aujourd’hui directeur du design Fiat, NDA). On s’est penché sur une voiture capable de remplacer à la fois la Twingo et la Zoé. Toutes les deux étaient électriques et la situation économique ne nous permettait pas de les remplacer par deux modèles distincts. On a alors eu l’idée d’une voiture à mi-chemin et on a voulu s’appuyer sur une icône : la R5. Une maquette a été présentée, de couleur orange, et elle était franchement désirable, super sympa. »
La direction l’a inscrite au plan produit à ce moment ?
« Je l’ai montrée à la direction à l’époque mais la mayonnaise n’a pas pris. Pas parce que la voiture ne leur plaisait pas, mais parce que l’équation économique était injouable pour eux. C’était fin 2019, et à l’époque, on savait que Luca allait arriver six mois après. Alors j’ai dit à l’équipe de la mettre sous bâche… Comme un bon vin dans une cave ! On croyait tous au projet. La seule chance qu’il survive était que Luca de Meo arrive devant la voiture, qu’on la débâche et qu’il en tombe amoureux. J’avais l’espoir que ça marcherait parce que Luca allait chercher quelque chose à montrer tout de suite après son arrivée, pour marquer le coup. Il avait lancé la Fiat 500 et je pensais que si toutes les planètes s’alignaient, ça pouvait le faire. Et c’est exactement ce qu’il s’est passé ! »
La R5, puis la R4 et maintenant la Twingo ci-dessus. Jusqu’où aller avec cette volonté de transformer des icônes du passé en stars du futur ?
« Cette stratégie fait sens, bien plus que vous ne le pensez. Gilles Vidal est arrivé avec une stratégie design où il a imaginé le futur de la marque avec des voitures iconiques : celles qui prennent leur appui sur les légendes de la marque – comme les R5, R4 et Twingo – et celles qui doivent devenir les icônes du futur, avec Scénic (ci-dessous), Rafale, etc. C’est une stratégie avec deux gammes en quelque sorte. »
C’est toujours un peu étrange de s’appuyer sur le passé pour imaginer le futur…
« Dans le contexte actuel de transformation de notre quotidien, sans même évoquer la géopolitique qui engendre une vraie appréhension, la transition vers l’automobile électrique va faire disparaître beaucoup de voitures, car elles ne seront plus pertinentes. Je pense dès lors qu’il est bon de raconter une belle histoire avec notre marque. On a une R5 qui fait un buzz incroyable, tout le monde l’attend. On l’a testée et les gens disent qu’elle est futuriste. Ils ne la voient pas du tout comme une voiture rétro, ils la voient déjà comme un modèle iconique. Dès lors, pourquoi ne pas offrir ce sourire aux clients ? Personne ne peut nous l’empêcher ! »
L’architecture de la voiture électrique vous a-t-elle aidé ?
« Avec les nouvelles plateformes, vous pouvez dessiner des voitures avec des porte-à-faux courts, des roues plus grandes. Vous pouvez alors plus facilement vous rapprocher des proportions de cette époque (Renault 5 NDA), ce qui n’était plus possible avec les voitures thermiques. Il faut bien comprendre qu’hier, on se disait qu’on ne pourrait plus faire d’Espace ou plus de Twingo. »
Justement, une Twingo qui s’ajoute aux R5 et R4, ce n’est pas trop ?
« On ne désire pas que les icônes d’hier deviennent la seule voie possible. Regardez la gamme, il n’y a pas que ces modèles-là. On produit aussi le Rafale, le Scénic et on va également faire une Clio qui va être très moderne ! Il n’y a pas une seule solution, une seule réponse. Les deux stratégies sont possibles. Regardez la marque Hyundai : les Ionic 5 et 6 sont totalement différentes, et je n’ai pas l’impression que le marché se plaigne de ça. »
Entre les R5, R4 et Twingo et la seconde moitié de l’offre, l’identité de la gamme diffère beaucoup…
« Avec l’arrivée de Luca de Meo, pas mal de chose ont changé du point de vue de la gamme. Si je fais une comparaison avec mon expérience, quand je suis arrivé chez Renault en 2009, on m’avait demandé de créer une identité de marque, de la Twingo jusqu’à l’Espace, y compris les Trafic et Master. A l’époque, les modèles affichaient tous une identité assez différente. Avec l’arrivée de Luca de Meo, c’est un autre cycle qui s’est ouvert. Il ne voulait pas que tout se ressemble. Il a voulu revenir à une identité propre à chaque modèle, en expliquant que les gens achètent une voiture, pas une marque. Alors on se laisse plus de liberté pour créer une expression spécifique à chaque modèle. »
En termes de design, il y a pas mal de remarques sur le nouveau style Renault signé Vidal qui ressemble au style Peugeot (ci-dessus, le crossover Rafale). Quel est votre commentaire ?
« Je pense que la première vague de réaction, quand un constructeur sort une voiture, est de la comparer à l’existant. Quand on a sorti la Clio IV, on a lu qu’elle ressemblait à une Seat ! C’est une première réaction instinctive, d’autant que Gilles vient de Peugeot. C’est un peu comme si Ronaldo passait du Real Madrid à Barcelone ! Les gens ont systématiquement cherché du ‘Peugeot’ dans son dessin. Je pense que Gilles est arrivé avec son expérience, et il a évidemment certains traits stylistiques qui lui conviennent. Je vois ce qu’il est en train de concevoir et je n’ai pas d’état d’âme pour la suite, chaque voiture va avoir encore plus de personnalité. Le but est quand même de concevoir et dessiner des voitures qui sont attractives, et Gilles sait très bien faire ça ! »
Avec tous ces projets, il n’y a plus de temps pour concevoir des concept-cars ?
« Tout est question de contexte. Quand je suis arrivé en 2009, je savais qu’il se passerait trois ans avant l’arrivée de la première voiture. Il fallait donc faire rêver les gens, tout de suite, par le biais d’un concept-car. J’ai toujours adoré les concept-cars, y compris lorsque je travaillais pour Mazda. Chez Renault, il y a eu au total près d’une quinzaine de concept-cars depuis que je suis arrivé. Il ne faut pas oublier qu’à cette période, des salons étaient organisés partout sur la planète. Luca de Meo a une philosophie différente et il a raison de dire que le groupe en 2020 était dans une situation délicate. Il nous a donc fallu proposer des promesses qu’on pouvait tenir. Tout ce que l’on a montré depuis la ‘Renaulution’, on est capable de le produire. » Ci-dessous, la coque de la prochaine R5 EV.
La 4-Ever ou la Twingo Legend ne sont donc pas des concept-cars ? Ce sont pratiquement les voitures qu’on aura dans la rue ?
« Oui, c’est l’avantage de cette stratégie : vous n’excitez pas les gens pour les décevoir trois ans plus tard. »
Dans votre portefeuille de marques, il y a aussi Mobilize. Cette marque ne pourrait-elle pas entrer dans l’univers des e-VTOL, ces « monoplaces » volantes pour une nouvelle mobilité individuelle ?
« Personnellement, les eVTOL (pour Electric Vertical Take-off and Landing, NDA), je n’y crois pas beaucoup parce que je me pose tout de suite la question de savoir comment gérer le flux de centaines de ces véhicules dans les airs ! Ca me semble assez risqué. Le vrai objectif de Mobilize, c’est la micromobilité et de repenser tout ce qui existe entre la voiture à quatre roues et le piéton. Ça peut être toutes sortes d’engins. »
« Mobilize, ce ne sont pas que des produits, c’est aussi une marque qui permet d’accéder à une mobilité qui vous convient : par minute, par jour, semaine ou mois. Ce sont des formes de mobilités qui deviennent de plus en plus populaires. Ce n’est pas encore évident en termes de rentabilité immédiate, car il y a beaucoup de compétition pour trouver la bonne solution. Mais on sait tous que dans dix ans ça va être un énorme business. Et pour être là dans dix ans, il faut commencer aujourd’hui. On va observer de près ce que vont faire nos nouveautés Bento et Duo (ci-dessous).
Quel bilan tirez-vous de la Renaulution ?
« Déjà, du point de vue du business, c’est efficace. La surprise est venue de la rapidité d’exécution : en trois ans seulement. Côté produits, quand je regarde la presse depuis les sorties de nouveaux modèles, le retour est positif, voire très positif. Les marques deviennent de plus en plus matures. Pour Alpine, vous n’avez pas encore tout vu, mais ça va arriver. Dacia est aujourd’hui sur un boulevard qui donne envie ! Quant à Renault, les voitures qui sont dans les tuyaux vont nous faire du bien et Mobilize a un énorme potentiel. On peut légitimement tirer un bilan très positif. »
« Du point de vue humain, on a un patron avec Luca de Meo qui est passionné de design et d’automobile. Il s’implique dans beaucoup de projets. Du côté ingénierie, avec Gilles Le Borgne (ci-dessus), c’est du cinq étoiles ! Ce n’était pas si facile de porter la R5 jusqu’à la série. Gilles Le Borgne a bougé les lignes et a créé l’ingénierie qu’il fallait pour nous aider, et il a fait la différence. Le futur repose sur des enjeux incroyables, parfois difficiles forcément vu le contexte, mais on va se battre avec de très beaux atouts. »
Et vous, personnellement, vous jouez un rôle identique à celui de Jean-Pierre Ploué chez Stellantis. Sauf que vous n’avez que quatre marques. C’est plus simple ?
« Le groupe est dans une stratégie design très claire, car les gens comprennent qu’une Dacia n’est pas une Alpine, et qu’une Renault n’est pas une Dacia. Souvenez-vous quand même qu’il y a quelques années, on nous expliquait qu’il fallait être un groupe avec une dizaine de marques pour survivre. Les temps changent. « Small is beautiful », ça pourrait nous aider, même si avoir plus de volume, ça aide toujours. Mais du point de vue du design, je n’envie pas trop Jean-Pierre, parce qu’avec 14 marques, vous avez 14 enfants. Et la vie est plus compliquée avec 14 enfants qu’avec 4, non ?! »
Merci aux équipes de communication Renault et Renault Design. Et merci à Laurens van den Acker pour sa disponibilité.
HOMMAGE A FLORIAN THIERCELIN
L’interview s’est déroulée un jour seulement après le décès du designer Florian Thiercelin. Laurens van den Acker a eu ces quelques mots pour lui rendre hommage. « J’ai appris la mauvaise nouvelle hier. On savait qu’il n’allait pas bien, mais c’était un homme discret. Il avait dessiné le concept-car du centenaire en 1998, la VelSatis. Du point de vue design, vous pourriez replacer la voiture dans un salon ou dans la rue aujourd’hui, elle serait toujours d’actualité. Elle concrétisait l’esprit d’avant-garde qui caractérise Renault. Ça reste ma voiture préférée. Florian avait un grand talent, et je pense aujourd’hui avant tout à sa famille. »
Retrouvez l’hommage à Florian Thiercelin ici : http://lignesauto.fr/?p=31212
POUR COMPLÉTER VOS CONNAISSANCES SUR LE DESIGN
Voici le livre sur les 20 premières années de designer de Patrick le Quément, auquel Laurens van den Acker a succédé en 2009. A commander sur le site e-commerce de LIGNES/auto : https://lignesautoeditions.fr/?p=854