Alors que Porsche s’apprête à dévoiler sa Taycan, première d’une nouvelle ère 100% électrique (et donc témoin d’une mutation inimaginable voici seulement une décennie), LIGNES/auto revient sur quelques événements de la marque Allemande. Ce quatrième volet revient sur les différents patrons qui se sont succédés à la tête de la marque. Car pour prendre une décision comme celle de basculer dans l’univers électrique, il faut un patron qui assume !
Dix patrons se sont succédés à la tête de Porsche depuis 1930. Certains plus emblématiques que d’autres…
Décembre 1930 est la véritable naissance de la société Porsche avec l’implantation du Konstruktionsbüro voulue par Ferdinand Porsche (voir posts précédents). D’autres dates ont compté dans l’histoire de cette entreprise, à commencer par 1972 lorsque la firme devint une société anonyme et que les membres de la famille se retirèrent de la gestion opérationnelle.
Depuis, différents patrons se sont succédés avec plus ou moins de bonheur à la tête de Porsche. La dernière mouvance qui a chahuté le navire allemand intervient le 23 juillet 2009, lorsque Wendelin Wiedeking quitte la société après l’OPA plutôt hostile menée sans succès envers Volkswagen. David voulait gober Goliath. C’est ce qui a mené Ferdinand Piëch (décédé dimanche 25 août dernier, voir le post qui lui est consacré), le cousin ennemi de Wolfgang Porsche, à diriger le groupe allemand qui va d’abord intégrer 49,9 % du « petit » constructeur de voitures sportives en décembre 2009, avant de l’ingérer totalement en 2012. Aujourd’hui, c’est Oliver Blume qui dirige Porsche après que son prédécesseur, Matthias Müller a été propulsé patron du groupe Volkswagen suite au « dieselgate »…
Ferdinand Porsche
Patron de 1930 à 1951
Créateur de l’entreprise éponyme, Ferdinand Porsche est ensuite secondé par son fils Ferdinand Anton Ernst « Ferry » Porsche, frère de Louise Piëch qui aura quatre enfants parmi lesquels un certain Ferdinand Piëch. Après guerre, Ferdinand Porsche sort d’une très éprouvante période d’incarcération en France et retrouve son fils Ferry au moment où celui-ci se lance dans un vaste plan de développement de la gamme 356 (voir le post sur le portrait de Ferdinand Porsche). Ferdinand Porsche décède en janvier 1951.
Ferdinand Anton Ernst Porsche, dit Ferry
Patron dès 1951.
Plus que Ferdinand, c’est évidemment à son fils Ferry Porsche que l’entreprise doit son développement. Il est l’auteur des grands concepts ayant amené à la création de la 356, notamment pendant que son père était emprisonné à Dijon. Il est aussi celui qui fit confiance à son fils Ferdinand Alexander, dit Butzy, lors de la genèse de la 911. En 1972, il transforme Porsche, entreprise gérée par la famille, en société anonyme. Il reste cependant président du conseil de surveillance et accompagne à ce titre les différents patrons avec lesquels les rapports ont parfois été tendus.
Ernst Fuhrmann
Patron de 1972 à 1980
Ainsi l’a voulu Ferry Porsche : suite à certains conflits internes, il décide de rompre avec les habitudes d’un comité de direction familial et transforme Porsche en société anonyme. Son neveu Ferdinand Piëch fait les frais de cette nouvelle stratégie et file alors chez Audi avec le succès que l’on sait. C’est le professeur Ernst Fuhramnn, né à Vienne en 1918, qui devient ainsi le premier patron de la nouvelle ère Porsche. C’est vers les moteurs, et plus particulièrement dans le domaine de la combustion interne qu’il met en exergue ses compétences. On lui doit notamment l’étude du bloc de la 356 Carrera. À la tête du comité de direction, Ernst Fuhrmann va se mettre les ingénieurs à dos en poussant le développement du turbocompresseur, d’abord pour la compétition, puis pour la série au milieu des années 1970. Il valide et développe le programme des Porsche à moteur avant dotées du système Transaxle, une gamme voulue pour succéder à la 911. C’est lui qui pousse le projet de la 928 qui remporta le prix de « Voiture de l’année » !
C’est justement lors de la remise de cette récompense que la fêlure avec la famille apparaît au grand jour : Ferry Porsche ne l’accompagne pas à l’occasion de cette cérémonie ! En 1979, Fuhrmann va jusqu’à imaginer Ferry quittant l’entreprise afin d’effacer l’ancienne direction qu’il juge poussiéreuse, car attachée à la seule 911. Pour Fuhrmann, l’avenir passe par les modèles à moteur avant. Il délaisse ainsi le développement du flat-6. Malgré son titre de professeur honoris causadécerné en 1977 par l’université de Vienne, il quitte l’entreprise à l’aube des années 1980. Décrié, il faut pourtant rappeler que sans lui, sans « ses » Porsche 924 ou 928, la marque n’aurait peut-être pas survécu aux années 1970…
Peter W. Schutz
Patron de 1981 à 1987
Ernst Fuhrmann parti, c’est son antithèse qui prend les rênes. Peter Schutz est une météorite au sein de la galaxie Porsche. Cet allemand né en 1930 s’exile avec ses parents aux Etats-Unis dès l’âge de huit ans. Il revient en Europe en 1978 et est parachuté à la tête de Porsche le 1ejanvier 1981. Schutz croit à la survie de la 911 dans un contexte où les normes d’homologation sont pourtant de plus en plus sévères alors qu’en parallèle, les ventes des 924 et 944 connaissent un joli succès. Mais les ingénieurs considèrent que, sans légitimité, Peter Schutz aura du mal à faire accepter ses choix, d’autant que son arrogance ne facilite pas ses relations. Sa volonté de (re)faire de Porsche un constructeur très spécialisé, avec la 911 en fil rouge, n’a pas été suivie d’effet : la 911 évolue peu sous son règne et il valide la survie des Porsche à moteur avant. Il lance même le développement de la Porsche Type 989, une quatre portes très élégante ci-dessous, à moteur V8 à l’avant et au style inspiré de celui de la 911. Schutz a-t-il eu raison trop tôt avec celle qui n’est pas sans évoquer la future Panamera ? Voire la… Mission-E ? Il quittera la société sans ménagement pour laisser place à son grand rival, Heinz Brantizki.
Heinz Branitzki
Patron de 1988 à 1990
Après un leader – Schutz – resté seulement six ans à la tête de Porsche, voici Heinz Branitzki, un patron qui effectuera un autre parcours éclair. Branitzki, contrairement à Peter Schutz, a connu une véritable carrière au sein de l’entreprise qu’il a rejointe en octobre 1965. Il fut un responsable financier, plutôt impudent, et en total contradiction avec le précédent président de Porsche. Mais c’est un homme chanceux car il va bénéficier du lancement d’un projet charnière pour l’histoire de la 911 : le type 964. La 911 Carrera 4 bénéficie pour la première fois, si l’on excepte la 959, de la transmission intégrale et du flat-6 porté à 3.6 litres. S’appuyant sur le succès de ce lancement, Branitzki fait valoir ses droits à la retraite en 1990, deux ans seulement après son arrivée à son poste.
Arno Bohn
Patron de 1990 à 1992
Tout comme Peter W. Schutz, Arno Bohn est nommé président de Porsche sans avoir mis un pied dans l’entreprise auparavant. Il a construit sa carrière chez Nixdorf Computer, de programmateur en 1969 à directeur de la firme en 1986 en passant par directeur de la filiale de Munich en 1972, patron de la branche autrichienne en 1974 et avant de rejoindre le comité de direction en 1978. Lorsqu’il débarque chez Porsche le 9 mars 1990, il trouve une entreprise toujours empêtrée dans sa bivalence entre les modèles à moteur avant et l’icône 911. Il ne prendra pas la décision de tuer l’une ou l’autre des deux familles. Son successeur va s’en charger…
Wendelin Wiedeking
Patron de 1993 à 2009
C’est clairement l’homme de la rupture et de la renaissance d’une marque proche du désastre. Wendelin Wiedeking a priorisé les – nombreux – problèmes de la société dont il prend les rênes pendant plus de quinze ans. Premier chantier : l’aspect industriel de l’entreprise. Il décide d’appliquer chez ce « petit » constructeur automobiles les règles de productivité que l’on trouve chez… Toyota. Les usines qui offrent un taux de productivité pitoyable sont totalement remaniées grâce aux travaux de deux japonais, Yoshiki Itawa et Chihiro Nakao, ce dernier est notamment l’auteur de l’ouvrage « Kaizen Forever ». Second chantier : le produit. Wendelin Wiedeking décide de stopper à court terme la production de la 928 et de dédier l’usine numéro « 2 » qui la produit au reste de la gamme. Une offre que le patron va totalement remanier en s’appuyant sur la mutualisation d’une plate-forme modulaire, celle du futur Boxster et de la 911 type 996. Wiedeking va également propulser Porsche dans l’univers du 4×4 luxueux et sportif avec le projet 955 qui deviendra Cayenne en 2003. Mais le 23 juillet 2009, il démissionne après que le plan de reprise de Volkswagen par Porsche a échoué.
Michael Macht
Patron de 2009 à 2010
Né en août 1960, Michael Macht fait partie de cette génération de dirigeants ayant une solide expérience du groupe Volkswagen, notamment dans le domaine de la production. Il rejoint Porsche en 1990, dans l’univers de l’engineering – planning moteurs – et se rapproche alors du directoire. Il entre au comité avec la responsabilité de la production en 1998. Il est également connu pour avoir été un soutien appuyé des programmes Cayenne et Panamera et prend la succession au pied levé de Wendelin Wiedeking pour une période de transition.
Matthias Müller
Patron de 2010 à 2015
À peine âgé de vingt ans, le jeune Matthias Müller effectue un passage éclair chez… Audi NSU Auto Union comme outilleur ! Moins de dix ans plus tard, il est embauché par Audi où il évoluera à différents postes, notamment celui de directeur du projet Audi A3. En 2007, il suit Martin Winterkorn, le nouveau patron de Volkswagen, et prend en charge la stratégie « produits » pour toutes les marques du groupe. En 2010, il accède à la fonction suprême chez Porsche. Pour peu de temps car il est nommé président du groupe Volkswagen après l’affaire du « dieselgate » et la démission de Winterkorn.
Oliver Blume
Patron depuis 2015
Issu du sérail Porsche, Oliver Blume prend la succession de Matthias Müller en 2015. Jusqu’alors directeur de la production, ce nouveau patron dirige une entreprise saine, performante, avec des outils industriels modernes et au plan produits futurs clairement défini. C’est à lui de guider Porsche sur les rails des années 2020 avec l’introduction de modèle(s) électrique(s). C’est ainsi qu’il a annoncé l’industrialisation du concept Mission-E, une Porsche inédite qui sera dévoilée dans quelques jours : la Taycan.
BONUS : la Taycan sur le Nürburgring