Le décryptage des scoops de la Renault 2 dans l’auto-journal – partie 2 : 1979

Huit années séparent ces deux parutions de l’auto-journal : mai 1971 – mai 1979. Mais c’est la même voiture qui est révélée : la petite Renault 2. Second épisode, avec l’article de mai 1979…

À travers les deux publications de l’auto-journal datées de 1971 et de 1979, nous retraçons les coulisses de ces deux scoops sur la Renault 2, en les replaçant dans leur contexte. Grâce à nos archives, nous pouvons détailler ce qui se passait réellement en coulisse chez Renault au moment même où le journaliste spécialisé Gilles Guérithault rédigeait ses articles. Une histoire savoureuse appuyée par des documents d’époque. Et accessoirement, un éclairage sur le difficile métier de journaliste chasseur de « scoops » ! Voici le second épisode : la R2 de 1979.

L’article de Gilles Guérithault est publié le 15 mai 1979. Contrairement à celui de 1971, il semble beaucoup plus sérieux et exclusif puisqu’il s’appuie sur des photos d’un prototype surpris sur les pistes du centre d’essais de Renault à Lardy. Il peut être considéré comme l’un des grands scoops des années 1970. Sauf que, on le verra plus bas, cette Renault 2 ne verra jamais le jour, et ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé ! Prenons tout d’abord des repères au niveau des dates : le prototype a été piégé en 1979. Est-ce crédible par rapport au projet Renault ?

On a lu dans le premier épisode que le programme VBG d’une “petite” Renault, apte à remplacer tout à la fois la Renault 4 et la Renault 5 avec un véhicule moderne, avait été lancé en juin 1975. Dès 1976, les premières maquettes sont réalisées à l’échelle 1. Et il y en a des dizaines ! Ci-dessus, celle qui a donné le thème de style de la première phase du programme VBG dessinée par l’équipe de Gaston Juchet et Jacques Nocher. Tout est cohérent en termes de délais de gestation pour l’époque. Contrairement au sujet de la Renault 2 publié en 1971, cette fois l’auto-journal peut s’appuyer sur du concret !

Gilles Guérithault est alors très bien informé sur l’ampleur du programme VBG. Une prouesse car dans les années 1970, il est excessivement rare de pouvoir bénéficier de telles informations. Mais Gilles ne va pas imaginer à quel point ce programme est ambitieux. Il évoque en mai 1979 “une mini française“, sans doute toujours impatient de voir une Renault capable un jour de concurrencer la Mini anglaise ! Il va même jusqu’à écrire en légende du dessin ci-dessous : “nous avons éliminé les déformations dues à l’objectif.” Et ce, pour démontrer que la nouvelle Renault est vraiment une mini ! Et l’auto-journal annonce une longueur de 3,25 m pour cette Renault 2. Oui mais…

Gilles Guérithault continue cependant la rédaction de son article en éliminant une information en sa possession, pourtant très importante. “Pour remplacer la Renault 4″ écrit-il, “Renault hésite entre deux formules inconciliables : soit un petit break relativement long jouant le même rôle que la R4, soit un petit coupé très court d’apparence et d’emploi plus urbains.

Il termine son article en montrant qu’il ne croit plus vraiment à un VBG de plus grand format : “bien entendu, Renault a étudié les deux formats (break et petit coupé) et je crois même savoir que les uns et les autres se sont parfois affrontés à Billancourt. Mais la robuste santé de la Renault 4 contribue opportunément à l’apaisement des esprits. Une telle ténacité dicte d’elle-même le bon choix : le futur break est renvoyé à plus tard, c’est le petit coupé qui va sortir.

Bien informé, Gilles Guérithault ne se doute pourtant pas que Renault ne dispose pas seulement de deux silhouettes dans ses cartons, mais du double (!) comme on peut le voir ci-dessous avec les profils exclusifs de quatre VBG. Ils affichent respectivement 3,05 m de longueur (une Citroën LN de 1976 mesure 3,30 m), 3,20 m, 3,35 m et 3,40 m.

L’auto-journal parle d’une mini française sans se douter que la petite Renault a trois autres sœurs au gabarits plus importants !

Et n’imaginez pas que Renault ait l’intention de choisir entre ces quatre gabarits. Ils sont tous conçus pour être produits ! Gaston Juchet écrivait dans ses notes “qu’on pouvait empiler et rajouter des tranches pour faire évoluer la longueur.” Et ça, l’auto-journal ne pouvait pas le savoir, car c’était tout bonnement inimaginable à la fin des années 1970 ! L’idée était d’intégrer à bord des différentes variantes, un maximum de la modularité innovante imaginée pour le projet VBG (voir épisode 1 : https://lignesauto.fr/?p=42552)

Renault imagine 4 gabarits pour le VBG du milieu des années 1970, avec des longueurs de 3,05 m à 3,40 m et des volumes de coffre de 126 dm3 à 278 dm3. Regardez sur le dernier dessin en bas à droite, le passager a retourné son siège. Une idée qui sera reprise sur l’Espace dix ans plus tard.

En 1977, deux ans avant la parution du sensationnel article de l’auto-journal, une nouvelle maquette (ci-dessous) signée Jacques Nocher est choisie pour engager le premier prototype roulant du programme VBG. Elle porte en elle toutes les innovations de style du programme VBG, à commencer par l’imposante protection latérale qui se poursuit bien au-delà des côtés de caisse pour englober la totalité de la protection de carrosserie avant et arrière. C’est tout simplement révolutionnaire pour l’époque ! Et quelle incroyable luminosité qui fait passer les nouveautés actuelles pour des chars d’assaut !

Mais le prototype roulant embarque également avec lui de nouvelles suspensions et un tout nouveau moteur trois cylindres. Robert Opron, alors responsable du style pour le groupe Renault depuis 1975, me disait à propos de ce projet après avoir quitté la Régie, “qu’on ne pouvait pas récupérer d’organes surdimensionnés existants pour ces VBG. On avait besoin d’un petit moteur trois cylindres et tout devait être spécifiquement dessiné pour ce véhicule.

Le prix de revient part à la dérive et le projet finira par être torturé dans tous les sens jusqu’à la fin des années 1980 pour devenir l’embryon de la Twingo. Sur l’aspect tarifaire, Gilles Guérithault fait dont fausse route lorsqu’il écrit que “ce coupé est étudié de façon à bénéficier d’un prix de revient minimal inférieur à celui de la R5.

Pour une fois que l’auto-journal avait enfin piégé la Renault 2 après une tentative en 1971, la voiture est finalement abandonnée par le constructeur. Abandonnée ? Pas tout à fait, car une fois encore, Gilles Guérithault avait raison sur un point : Renault a bel et bien étudié une version de “break” lors du développement du projet VBG. Il y en eu même plusieurs jusqu’en 1982, à deux ans de la présentation de la Supercinq. Renault voulait réinterpréter la doublette R4/R5 des années 1970 avec la Supercinq (1984) et cette silhouette break. Ci-dessus, l’une d’entre elles qui date de 1982 – projet X44 – et qui n’est pas sans évoquer la Fiat Panda née en 1980. Une Fiat qu’annonçait d’ailleurs Gilles dans son article de 1979, en évoquant une autre appellation pour elle : la Rustica !

BONUS : RIEN NE SE PERD !

En 1978, un an avant la parution du sujet de l’auto-journal sur la Renault 2, le constructeur travaille sur le fameux “break” VBG. Mais un programme d’une grande importance arrive sur le bureau des stylistes : le renouvellement de la R5, qui donnera vie à la Supercinq dessinée par Marcello Gandini en 1984. Cette maquette ci-dessus du programme Supercinq a été réalisée par Marc Deschamps. Elle reprend largement le thème du style du VBG photographié par l’auto-journal en 1979. Chez Renault comme chez d’autres, rien ne se perd !

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