

La dualité, c’est le caractère ou l’état de ce qui est double en soi et exprime la coexistence de deux éléments de nature différente. Dualité, c’est exactement le mot qui correspond à notre sentiment après la découverte du concept-car Peugeot Polygon. Après la publication de la toute première image du concept, notre réflexion était de savoir si Polygon était un réel manifeste du futur design de la marque, ou un simple habillage – une carapace – permettant de braquer tous les projecteurs sur le nouveau poste de conduite révolutionnaire des futures Peugeot ?

On pouvait penser à la dernière option (celle du simple habillage), car la forme de l’Hypersquare, ce « module de commande rectangulaire » habille tout le concept-car : les jantes, les sièges, les rétros, etc. Après la présentation officielle du constructeur, la réponse est tombée : le directeur de l’ingénierie de Stellantis annonce d’entrée de jeu que « nous savions dès le départ que Polygon ne serait pas qu’un nouveau concept-car »

Polygon annonce avant-tout le prochain volant Hypersquare et met en exergue la recherche vers une durabilité pensée jusque dans la fabrication de la voiture de demain, comme ses sièges conçus avec très peu de pièces et personnalisables à souhait. Ils « associent une coque imprimée en 3D et une mousse moulée d’une seule pièce. Elle offre la liberté de créer des formes inédites et confortables et un design géométrique et net que les sièges traditionnels recouverts de tissu ne peuvent pas offrir. »

Mais en découvrant Polygon, peu de mots sur le langage formel des Peugeot de demain : « les trois griffes de la signature lumineuse emblématique sont réinventées dans un traitement horizontal en soulignant la solide posture de la voiture sur la route. » Ou encore « c’est un concept-car compact roulant (moins de 4 mètres), annonciateur des Peugeot de demain. » Et enfin : « au-delà de la nouvelle face avant, Polygon annonce le design général des Peugeot de demain : des formes pures, simples et géométriques pour une posture plus féline que jamais. »

Diable, nous nous attendions à un vrai manifeste anticipant plus franchement le design des Peugeot de demain. Le constructeur peut légitimement répondre que Polygon respecte à la lettre la stratégie des concept-cars de l’ère Matthias Hossann, lorsqu’il était responsable de ce département et même au-delà, lorsqu’il a pris en main la direction du design Peugeot.

Explications. Si vous regardez Fractal (2015), Instinct (2017), e-Legend qui est un peu à part (2018) et Inception, vous constaterez que ces concepts n’ont que très partiellement essaimé un langage formel inédit en série. Ci-dessous, le travail sur Inception avec les griffes verticales semble balayé par les barrettes horizontales de Polygon…

Raison pour laquelle il est intéressant de relire notre sujet publié voici peu sur ce site (https://lignesauto.fr/?p=43258). De Fractal, on ne retiendra que l’embouti en forme de triangle vu sur la 2008. Du manifeste Instinct, on retiendra cette calandre presque pleine et les deux griffes déchirant le soft-nose. De l’Inception, on ne sait pas encore quel détail de style aura été retenu pour le futur. Mais l’Hypersquare a été défriché sur ce concept. Visiblement, la calandre d’Inception promise sur toute la gamme ci-dessous est passée à la trappe !

Polygon, c’est aussi ce concept monovolume qui semble désuet, car rappelant les petits monocorps des années 1990. Pourtant, la Twingo le réinterprète elle aussi et certains prédisent qu’il pourrait revenir en force d’ici la fin de cette décennie. Et pourquoi pas, être retenu sur une Peugeot inférieure en taille à la 208, lorsque les règles européennes permettront de concevoir un tel véhicule débarrassé de quelques contraintes réglementaires coûteuses. Il n’y a pas de raison que seules les marques Citroën et Dacia planchent sur ce thème…

La concomitance des présentations de la Renault Twingo de série d’une part, et du concept Polygon d’autre part ne met pas forcément ce dernier en avant. Polygon est également dévoilé au moment où Renault commercialise sa Clio (ci-dessus). Avec le décalage du planning des 208/2008, Peugeot se doit d’occuper l’espace, et ce nouveau concept est également là pour ça. C’est de bonne guerre. Mais les carnets de commandes de la nouvelle Clio sont déjà ouverts. Et la Twingo peut d’ores et déjà être réservée avec le programme Twingo R-Pass…

En découvrant Polygon, nous avons reconnu la filiation avec la 205 de 1983, voire avec le premier concept-car Welter, le Quasar de 1984, même si le parebrise semble (presque) aussi vaste que celui de la Proxima de 1986 ! Mais si le format est celui d’un « coupé 208 », le thème du monocorps rompt avec le discours entendu lors de la présentation de l’actuelle 208 qui vantait son capot moteur haut et plat pour accentuer son statut. Ce qui est certain avec Polygon, c’est qu’il est « l’ambassadeur du plaisir de conduite de demain » nous dit Peugeot. Et à ce titre c’est finalement l’arrivée d’une véritable révolution à bord. Et quelle révolution !

L’Hypersquare prend une forme évoluée par rapport à celle vue sur le concept Inception. Sans doute est-elle proche de l’industrialisation. Ce nouveau module participe d’une révolution de l’expérience de conduite à bord avec un angle de braquage limité (ci-dessous) et surtout, une prise en main spécifique et rapidement appropriable d’après les retours des premiers tests clientèles. Les principales commandes sont accessibles du bout des doigts dans quatre alvéoles circulaires situées aux quatre coins, tout en conservant les mains sur le volant.

L’architecture sans lien mécanique de la direction, dite steer by wire ouvre le champ des possibles dans le dessin des habitacles du futur : plus de place, moins de pièces et surtout, une absence totale d’écran puisque Polygon projette toutes les infos sur le pare-brise via une dalle de Micro-LEDs située derrière Hypersquare. Peugeot ne propose pas une vision, mais bel et bien la réalité d’une expérience à bord réinventée, puisque le duo 208/2008 bénéficiera de cette innovation. En 2027.

Comme pour l’Inception, l’espace aux jambes des deux occupants à l’avant est gigantesque et libéré de tout obstacle. « Avec Hypersquare et la nouvelle génération du i-Cockpit, Polygon introduit une conception inédite de l’espace intérieur. L’architecture a été retravaillée et repensée permettant de réinventer la planche de bord, et de libérer l’espace intérieur. Cette nouvelle conception offre ainsi une habitabilité exceptionnelle aux occupants. »

Le siège conducteur et celui de son passager sont volontairement reculés dans un esprit sportif, corolaire de la forme extérieure digne d’un coupé performant. Le point « H » (celui situé au niveau de la hanche) du conducteur est reculé à l’extrême. Tout le volume avant sous la carrosserie presque monocorps est totalement dégagé.

En conclusion, nous citerons une phrase de Matthias Hossann de 2023 expliquant qu’un concept-car, « c’est un laboratoire d’idées avec une vision projetée de la marque qui nourrit l’imaginaire, porte une vision forte en mettant en scène un nouveau langage de forme et une nouvelle expérience à bord. »

Polygon est très fort sur le second point avec effectivement une expérience réellement nouvelle à bord, avec sa révolution dans la manière d’appréhender la conduite de la voiture de monsieur tout le monde, au cœur de cette décennie 2020. Pour le langage de forme, l’ensemble tutoie la caricature. Le duo 208 et 2008 de 2027 nous contredira certainement. Et on l’espère sincèrement !


EN COULISSE : Gilles Vidal, le petit caillou dans la chaussure
Le retour de Gilles Vidal chez Stellantis, annoncé le 25 juillet 2025, a été salué par tous, notamment en interne où l’image de ce grand designer n’a pas été écornée par son passage à l’ennemi Renault, de 2020 à 2025. Gilles Vidal est de retour depuis le mois d’octobre comme directeur du design pour les marques européennes de Stellantis. En clair, il reprend peu ou prou le poste de Jean-Pierre Ploué qui a quitté le groupe à la rentrée. Pour Gilles, tout se présentait bien puisqu’il devait rendre compte directement à Jean-Philippe Imparato, alors à la tête de tout ce qui concernait l’Europe chez Stellantis.

Le duo Vidal-Imparato se reformait, puisque Gilles opérait naguère comme patron de design de la marque, et Jean-Philippe comme patron de Peugeot. On doit à ce duo de sacrés modèles, dont on extraira le fabuleux concept-car e-Legend, ci-dessus. Tout s’annonçait donc pour le mieux lorsque, patatras, le 8 octobre dernier, six jours après l’arrivée de Vidal à son poste, Jean-Philippe Imparato est nommé patron de la marque Maserati et remplacé, au poste de responsable de la région Europe élargie et des marques européennes, par Emanuele Cappellano. Jean-Philippe Imparato passe donc sous la responsabilité de ce dernier, tout comme Gilles Vidal. L’Italie reprend des forces dans l’organigramme de Stellantis, au bonheur de certains, au désarroi d’autres…

Et Ralph Gilles dans cet organigramme ? L’ex alter égo de Jean-Pierre Ploué pour les État-Unis a été nommé ce même 8 octobre 2025 « Chief Design Officer ». Comprenez : grand patron du design monde de Stellantis. Il a profité de cette annonce pour nommer Scott Krugger comme responsable design des marques américaines dans le groupe Stellantis. Scott Krugger a donc les mêmes fonctions que celles de Gilles Vidal, mais pour les marques d’outre Atlantique. L’époque où Jean-Pierre Ploué traitait quasi-directement avec Carlos Tavares est définitivement révolue…
