Xanae a 30 ans : quand Citroën perdait un incroyable procès !

Enfin, ça bouge au style Citroën en ce milieu des années 1990. En attendant l’arrivée de Jean-Martin Folz aux commandes du groupe PSA, Arthur Blakeslee, le patron du style, lâche du lest et des projets au style distinctif voient le jour. Premier d’entre eux : Xanae !

Les années 1990 sont celles du développement du concept monospace. Née au cours de la décennie précédente dans le segment du haut de gamme avec l’Espace de Matra et Renault (1984), cette nouvelle architecture habillée d’une carrosserie monovolume intéresse bien évidemment Citroën. La réponse que le constructeur va donner sera forcément distinctive. Sous le regard affûté de Luc Epron à la tête d’un département « marketing-produits » qui n’hésite pas à sonder de nouveaux marchés encore inconnus (le Berlingo inventera celui des Ludospace avec son rival Kangoo), Citroën a donc sa propre vision de ce que doit être la berline volumique annoncée par les stratèges de la marque.

Luc Epron rédige un cahier des charges qu’il soumet au centre de style Citroën où Arthur Blakeslee confie à Dan Abramson et ses équipes le soin de traduire cette berline volumique en un concept-car programmé pour le salon de Paris 1994. C’est Mark Lloyd, embauché par Arthur Blakeslee, qui va prendre en charge le design extérieur de ce concept-car alors que Marc Pinson va s’occuper d’inventer un habitacle cocon et cossu. Ce programme engage le bureau de design vers de nouveaux horizons. Les projets qui suivent le concept-cars Xanae vont bien au-delà de la pensée unique et vont imaginer cette notion de voiture volumique pour d’autres programmes.

Ce sera par exemple le cas de la C3 Lumière ci-dessus qui arrivera quatre ans plus tard et donnera naissance à la C3 de série, une petite berline commercialisée en 2002 et assez révolutionnaire dans son approche conceptuelle. Luc Epron pousse ses équipes vers des projets qui doivent conserver l’esprit berline et ne pas s’aventurer sur des architectures technique comme celle du Renault Scénic dévoilé en 1996, après avoir été révélé sous la forme d’un concept-car en 1991, ci-dessous.

Coïncidence ou signe des temps, le prototype Xanae se trouve être positionné exactement entre ces deux présentations. De l’espace : oui, du volume : oui, mais avant tout, du style. Et du confort bien-sûr, surtout celui des passagers ! On retrouve ainsi à bord de Xanae les gènes d’une berline et l’habitabilité généreuse d’un haut de gamme. La hauteur est contenue, contrairement à celle des monospaces qui commencent à poindre dans les plans produits des différents concurrents. L’équilibre des masses est maîtrisé.

L’architecture des ouvrants est originale avec une seule porte côté conducteur, et deux à ouverture antagoniste du côté des passagers. Heuliez avait déjà défloré ce concept avec sur son break AX Évasion avec deux portes battantes côté passagers et une seule côté conducteur. En 1994 lors de la présentation de la Citroën Xanae, le constructeur est dans une phase de renaissance.

Il faudra certes attendre l’arrivée de Vincent Besson (successeur de Luc Epron) et celle de Jean-Pierre Ploué en 1999 au style pour porter ce renouveau à son paroxysme. Force est de reconnaître que Luc Epron et le style Citroën (Marc Pinson, Oleg Son notamment) ont lancé des programmes ambitieux qui vont servir de socle à la résurrection de la marque à l’aube des années 2000. Et au véritable décollage de la carrière de Jean-Pierre Ploué.

La Citroën Xanae a tant à dire qu’elle est pensée comme un concept roulant. Quelques journalistes purent même en prendre le volant, ce que je fis en 1995 dans les rues de la ville gallo-romaine d’Autun (Augustodunum, capitale des Éduens où toute la plus noble jeunesse des Gaules se réunissait) mettant ainsi face à face un véhicule futuriste qui évoquait déjà les années 2000 et un cadre pour le moins historique.

D’une longueur de 4,20 m, la Xanae offre une habitabilité royale et surtout, inaugure le parebrise panoramique que quelques Citroën, voire Citroën DS (à l’époque, c’était une “ligne premium” dans la gamme Citroën…), emprunteront par la suite.

Cette période de l’entre-deux, vécue lors de la fin de règne de Blakeslee, n’est pas pour autant divine ! Au bureau de design autant qu’au sein d’un groupe tenu de mains de fer par Jacques Calvet, le redémarrage impose des efforts surhumains ! Luc Epron obtient néanmoins un feu vert tardif pour dériver du concept-car Xanae un véhicule de série apte à prendre pied dans le fameux segment des monospaces compacts.

Mais Jacques Calvet ne croit visiblement pas trop au concept et débloque une enveloppe budgétaire assez ridicule pour développer le véhicule de série qui prend le nom de Xsara Picasso. Ce dernier doit reprendre de très – trop ? – nombreux équipements existants dans la gamme PSA, que ce soit les aérateurs de la Peugeot 206 pour l’intérieur ou une plateforme à l’origine pas conçue pour un monospace.

Si le concept-car repose sur un soubassement de Xantia, plutôt d’un gabarit généreux, le véhicule de série doit se contenter d’une plateforme plus compacte. Et pourtant, le style enfanté par Donato Coco et le génie des architectes font de ce puzzle du groupe PSA une véritable réussite : la Xsara Picasso bien pensé pour la famille, offre de vrais atouts, comme les trois sièges arrière de même largeur. Alors que le concept-car est en passe de devenir réalité avec le Xsara Picasso, en interne le groupe doit faire face à un procès pour le moins inattendu.

Le designer Antoine Volanis, ancien styliste de Matra à qui l’on doit les Bagheera et Murena, aurait proposé à Citroën au début des années 1990 une étude de berline volumique qui, d’après lui, ressemblait terriblement au concept-car Xanae. Nous n’avons jamais vu cette proposition et nous ne pouvons donc pas la commenter. Cette étude aurait même été présentée à Fiat, avec trois sièges indépendants… à l’avant, et ce, avant l’arrivée de l’autre concurrent du Scénic, le Multipla… Nous pouvons juste publier aujourd’hui des esquisses signées Mark Lloyd, dont l’une date de la fin 1993.

Mais contre toute attente, le service juridique de Citroën dédaigna sans doute un peu trop l’affaire et c’est bien Volanis-David qui gagna son procès face à Citroën-Goliath. Le constructeur l’a dédommagé d’une somme rondelette ! Une première dans l’univers design des consultants automobiles qui laissa des traces, notamment en termes de rédaction des contrats ! Une première qui restera… une première, puisque Jean-Pierre Ploué, dès son arrivée fin 1999 aux commandes du bureau de design Citroën, mit fin aux consultations extérieures (Volanis, Pininfarina et surtout, Bertone.)

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