FORD RS2.00, la belle démarche du ‘restomod’

Comme pour tous projets, les premiers croquis jettent les bases du travail. Michaël Barthly prend les commandes !

Après la Renault 17 réinterprétée par le designer Ora Ïto ci-dessous ( https://www.ora-ito.com/studio/design/ ) et la SM Concept de DS Automobiles (https://www.dsdesignstudio.paris/fr/ ), Ford réinvente également l’une de ses icônes : la RS 200 du championnat du monde des Rallyes 1984. Le déroulement du projet est pourtant bien différent de ceux des Renault et DS Automobiles.

Ora Ïto devant la R17 restomod. C’est le fils du parfumeur, styliste, architecte, philosophe, peintre et sculpteur : Pascal Morabito. Voir le bonus en fin de sujet…

Si Renault a fait appel à un designer extérieur pour sa R17, l’équipe de design de DS Automobiles a quant à elle répondu à une demande du patron qui allait à l’encontre de la politique design tracée jusqu’alors : « non au restomod ou rétro design » disait-on chez DS. Chez Ford, c’est une petite équipe interne qui a développé le projet pour le 40e anniversaire de la RS 200 de 1984, ci-dessous, et il a été totalement adoubé par la direction du design. C’est bien comme ça que doivent se passer les belles histoires, non ?

40 ans séparent ces deux Ford RS : la RS 200 de 1984 au fond et la Ford RS2.00 de 2024.

La Ford RS 200, pour ceux qui sont nés au début de ce siècle, ça ne veut peut être pas dire grand-chose. Mais pour les « anciens » né au millénaire dernier, ça veut dire beaucoup. Elle nous évoque une période sportive faste : celle du championnat du monde des rallyes de la catégorie reine : les « Groupe B ». Une période où s’entredéchiraient les Lancia, Audi et Peugeot, auxquelles Ford et d’autres encore se mêlaient à ces combats spectaculaires.

Soyons honnête, la RS 200 (200 pour 200 exemplaires produits comme l’exigeait alors la réglementation) n’a pas remporté de manche mondiale, mais le suédois Stig Blomqvist, champion du monde des rallyes en 1984, l’a menée à la victoire dans une manche du championnat d’Europe en 1986. Ainsi donc, la bête fête ses 40 ans. C’est une gamine !

Superbe illustration numérique d’Antonin Cohen.

Elle revit grâce à une équipe de designers* qui manient autant la console de jeux vidéo que celle de leurs outils numériques de conception. Si le boss du design, Amko Leenarts les a laissé ouvrer sur ce projet, et même déborder du cadre convenu en amont, c’est parce que cette passion est dans l’ADN sportif de la marque et que ce genre de travail booste l’esprit de créativité.

Artwork signé par Robert Engelmann.

L’un de nos confrères rédacteur, Steve Saxty, est au départ de ce programme inédit. Il a rédigé une collection d’ouvrages sur les Ford secrètes et, avec Leenarts, a songé à réaliser cette Ford RS2.00 pour compléter son livre « RS Special ». Les designers se sont emparés avec passion de ce projet mais sont allés bien plus loin que les quelques esquisses dédiées à l’ouvrage de Steve.

De gauche à droite, Michaël Barthly, Amko Leenarts, Freddie Holmes de CarDesignNews, Marcus Classen et Robert Engelmann.

La RS2.00 existe ainsi dans de nombreux fichiers numériques détaillant à la fois le design extérieur et intérieur. Le boss précise assez vite que cette petite équipe a travaillé sur son temps libre pour concocter un modèle virtuel en 3D. Un travail en perruque en quelque sorte ! Un travail pourtant largement soutenu par la direction du design et qui prend le nom de SDW « SkunkDesignWorks »

Avantage d’une telle organisation parallèle, ce sont les créateurs eux-mêmes qui prennent les décisions. Un peu comme si le gamin dans le magasin de bonbons n’était plus guidé dans ses choix par sa mère castratrice mais par sa seule conscience et gourmandise ! Résultat, le bonbon – pardon, la RS2.00 SDW – finale est le résultat de l’exacte vision de l’équipe commando.

Dessin de la structure habitacle biplace signé Robert Engelmann.

Ce n’est donc pas fort dommage que cette Ford hommage ait été conçue ainsi. Bien au contraire, puisqu’elle a permis aux designers d’expérimenter de nouveaux outils et logiciels. Et même si elle est à l’origine 100% numérique, la Ford RS2.00 a quand même été réalisée à échelle réduite en Clay. Le potentiel créatif de l’équipe est ainsi mis en valeur. LIGNES/auto aime bien quand la Clay fait de la résistance…

Est-ce que le travail de l’équipe des designers Renault et ceux de DS Automobiles ont été autant mis en valeur avec la R17 et la SM Tribute ? Dans le premier cas, il s’agissait de surfer sur la mode du restomod et de poursuivre la série des concepts dessinés par des designers hors automobile. Dans l’autre cas avec la SM, il s’agissait de répondre à une demande pressante du patron de la marque et d’occuper le terrain en attendant le projet D85 le mois prochain, on l’espère…

La force de la Ford RS2.00, contrairement – pour l’heure – à ses deux copines françaises, est qu’elle est conçue pour être transposée dans l’univers des jeux vidéo où le constructeur dispose de diverses franchises. Elle permet donc de toucher un public très différent du classique client qui clique sur le site de vente de la marque ou pousse les portes de la concession. C’est un peu ce qu’a vécu la F1 avec la série Netflix en déployant, grâce à cette dernière, un rajeunissement très sensible de ses supporters !

Debout, Michaël Barthly et assis, de gauche à droite : Robert Engelmann, Karthick Pamisetty, Antonin Cohen, Łukasz Wojkwoski.

En termes de design, l’équipe qui a créé la RS2.00 s’est appliquée à respecter la demande qui avait été faite à Ghia lors de la conception de la RS 200 de 1984 : un engin moins brutal que ceux de la concurrence, mais qui n’en était pas moins performant. Ainsi, la RS2.00 semble accessible en évitant un habillage trop agressif au profit d’une esthétique « presque ludique. »

Pour une connexion visuelle entre l’habitacle, le pilote et la route – ou la piste – les designers ont opté pour une verrière totale faisant abstraction des montants de pare-brise. Sur ce plan, la Ford RS2.00 met en scène un concept vu sur de nombreux concept-cars, à commencer ci-dessous par la Bertone Chevrolet Testudo (n°1-1963) de Giugiaro, la Pininfarina Ferrari Modulo (n°2-1970) de Paolo Martin, la Pininfarina Citroën Osée (n°4-2001) de Nicolas Jardin, la Racoon Renault de Mark Walters (n°3-1993)…

…et ci-dessous, la Renault TréZor (n°5-2016) de Yann Jarsallé  ou encore, plus près de nous, la Colombe (n°6-2022) issue des travaux de Thomas Busson – aujourd’hui designer intérieur chez Maserati – ou l’Enigma (n°7-2024) de Pininfarina.

Ce concept permet de mettre en lumière un habitacle visible presque intégralement de l’extérieur. C’est un thème que défend depuis longtemps LIGNES/auto d’une carrosserie qui pénétrerait à bord et inversement, où l’exter et l’inter ne ferait qu’un. A bord de la Ford RS2.00, les sièges sont composés de pièces flexibles adaptables à toutes les morphologies et leur système de retenue peut s’adapter pour donner différentes sensations en filtrant ou accentuant les mouvements de la voiture.

Mariant l’héritage d’un modèle sportif âgé de 40 ans avec une vision ludique capable d’attirer une clientèle plus jeune, la première itération de la Ford RS2.00 (appelée Apex Hero) mériterait évidemment un passage à l’échelle 1, même comme une pièce unique. Sur ce plan, la Renault 17 et la SM Tribute ont atteint l’âge adulte… Mais ravir les anciens que nous sommes, tout en poussant les jeunes à désirer la marque est une démarche délicate. Elle est ici parfaitement maîtrisée.

*L’équipe de la RS2.00
Michael Barthly, Fabien Berger, Marcus Classen, Antonin Cohen, Hamza El Hadiyin, Robert Engelmann, Joerg Fedkovic, Jürgen Hoffmann, Woon-Chul Jung, Thomas Kalker, Filip Krnja, Daan Leenarts, Amko Leenarts, Damian Lottner, Bo Ma, Marco Merzmann, Kartick Pamisetty, Bjoern Raasch, George Saridakis, Steve Staxy, Kai Schöne, Arun Shouan, Claudia Steinam, Daniele Trosa, Patrick Verhee, , Lukasz Wojkowski, Greg Wright

Le coup de cœur de LIGNES/auto
Cette illustration ci-dessous vous paraitra sans doute joliment réalisée, sans plus. Mais pour certains d’entre nous, elle nous projette dans une période magique : celle des maquettes TAMIYA au 1/12e que nous allions chercher le cœur battant – en nous allégeant d’une somme conséquente – lorsque nous étions adolescents !

Pour les connaisseurs, cette illustration est directement inspirée de celles des boîtes de maquettes 1/12e du géant japonais TAMIYA et le clin d’œil n’est pas anodin : il démontre que l’équipe de design, jeune et sans doute pas forcément accro au montage fastidieux de ces maquettes aux centaines de pièces plastiques, a néanmoins créée cette connexion avec un public disons, un peu plus âgé. Comme entre la RS200 de 1984 et la RS2.00 de 2024. Ce n’est pas simplement un détail, C’est une démarche qui séduit.

BONUS: Quand Ora ïto s’imprégnait de Citroën et non pas de Renault

Ora Ïto a créée en 2011 la sculpture UFO qui s’inscrit dans les « transformations génétiques » provenant de sa vision artistique. Le designer explique alors qu’elle est “basée sur le futur des transports, mélangé à l’une des voitures les plus célèbres au monde, la Citroën DS. UFO allie le rêve au formel, l’avenir à la technologie.

Ora Ïto expliquait en 2011 que “l’idée de travailler avec plusieurs entités permet à toutes les transformations génétiques de diffuser un message universel à l’industrie automobile, à travers la vision artistique et de nouvelles orientations jamais explorées auparavant.” La sculpture mesure 36 x 30 cm pour une hauteur de 11 cm.

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