Les secrets de la genèse de l’A390. Interview d’Antony Villain, directeur du design Alpine.

Philippe Krief, CEO Alpine, et Antony Villain, Directeur du Design Alpine au Mondial de Paris, le lundi 14 octobre.

L’Alpine A390 est l’une des grandes vedettes du Mondial automobile de Paris qui se tient à la porte de Versailles jusqu’au dimanche 20 octobre et qui de mieux qu’Antony Villain, le patron du design de la marque pour en parler ? Il n’est pas nécessaire de revenir tout au long de cet entretien sur tous les détails stylistiques de l’A390 déjà abordés dans un précédent post (https://lignesauto.fr/?p=35354), mais plutôt d’évoquer les secrets de sa genèse et de lever un (petit…) coin du voile sur l’avenir de la gamme Alpine.

LIGNES/auto : Après l’arrivée de l’A290, première voiture du Dream Garage annoncé en 2021, le concept-car A390-B est-il le véritable marqueur du renouveau d’Alpine ?
Antony Villain : c’est effectivement un chapitre important. L’A290 est un modèle qui nous permet d’attirer de nouveaux clients, et c’est aussi un client d’œil à l’héritage avec entre-autres l’A106 et la R5 Alpine (ci-dessous). Tout ceci fait sens. Avec le Dream Garage, l’idée de départ était de proposer une voiture plus personnelle avec l’A290, une voiture plus polyvalente pour emmener la famille et partir plus loin avec l’A390 (mais toujours avec une sensation de pilotage proche de celle d’une A110 nous certifie Antony) et l’A110 pour s’amuser. Le Dream Garage annonçait notre volonté de proposer une voiture pour chaque catégorie d’usage. On avait donc vraiment besoin de cette A290 sur la base de la R5 E-TECH. Avec l’A390, on commence à inscrire un langage formel défloré par Alpenglow. C’est le registre formel du futur produit.

Sauf qu’en termes d’identité, vous être très différent d’une A110…
On n’est pas complètement différent. En fait, on a poussé les curseurs. Avec l’A110, on est très proche de la philosophie berlinette et elle fait le lien avec le modèle originel. Avec l’A390, on a les mêmes ingrédients, mais on les a poussé vers plus de futurisme parce qu’on n’a pas à se rapprocher d’un modèle historique. Il n’en existe pas !

Quels sont les ingrédients que vous évoquez ?
Les codes Alpine sont bien présents avec l’avant en “V” alors que les optiques sont bien présentes mais traitées dans une identité beaucoup plus sharp et plus modernes. On fait également référence au modelé latéral qui est sculpté différemment et étire la voiture, et enfin, on a la lunette arrière très A110 mais dessinée de façon exacerbée. On a donc une écriture qui est beaucoup plus futuriste. Ce qui est intéressant, c’est qu’on a créée entre l’A110 et l’A390 notre terrain de jeu pour tous les futurs modèles. L’A110 s’appuie sur le rétro, celle-ci est très futuriste, et on a entre les deux largement de quoi nous exprimer pour le futur.

Ce fameux Dream Garage annoncé en 2021 par Luca de Meo fut une réelle surprise. Il a été difficile de trouver rapidement le concept stylistique de l’A390 ?
La genèse de l’A390 s’est opérée en deux étapes. On avait commencé avant l’arrivée de Luca de Meo et on travaillait sur une idée d’un objet comme celui-là, mais qui n’était pas du tout sous cette forme-là. Sur la plateforme qui s’appelait alors CMF-C, on travaillait sur ce projet avec un contenu technique qui est finalement celui de l’A390, mais le style n’était pas du tout comme ça.

Avant l’arrivée de Luca ? C’était un programme en perruque ?
Non, pas du tout, c’était un programme officiel pour compléter l’offre aux côtés de l’A110. On était au stade d’avant-phase du projet où l’on travaillait les proportions, sans faire de style qui était neutre et générique.

Quand Luca de Meo arrive, il se retrouve donc un peu comme avec la R5 E-TECH. Aviez vous déjà une maquette ?
Oui, il y avait une maquette, mais Luca de Meo a pour habitude de juger le concept architecture et style en même temps, avec une approche très cartésienne. Et quand il a vu la maquette d’avance de phase, il n’y a pas trop cru car évidemment, la maquette est alors basée sur les proportions et pas sur le style. Ça l’empêchait de se projeter… On a présenté la maquette une fois, deux fois et on n’avançait pas. Alors, avec Laurens van den Acker (directeur des design du groupe Renault), on a décidé de faire du style sur notre package architectural, en conservant les bonnes proportions.

Et Luca de Meo a été séduit ?
Oui, c’était en fin d’année 2020, un peu avant l’annonce du plan Renaulution… Et comme Luca est un homme de produit, il a donné quelques indications comme allonger un peu la voiture. Le développement de l’A390 n’a pas été fait un une seule étape. Le thème originel était plus compact et on l’a finalement allongé au maximum des possibilités de la plateforme. À ce moment-là, Luca a dit banco, on y va !

Vu la rapidité de l’exécution, on imagine que la genèse était un peu spéciale ?
Le chemin critique était plutôt pour ce qu’il y a sous la peau, avec une technologie très évoluée, mais pour le développement du style, on a été dans un schéma assez standard avec notamment un passage par le stade de la maquette Clay.

Aujourd’hui, l’équipe du design est d’environ une cinquantaine de personnes. Et au moment du lancement du programme A390, vous étiez combien à travailler au design ?
À cette époque, on était seulement 10 pour travailler en parallèle sur l’A290 et l’A390 !

La nouvelle signature lumineuse se retrouvera-t-elle désormais sur tous les futurs modèles ?
À l’avant, oui, à l’arrière il y aura forcément quelques petites évolutions…

Et le diffuseur mobile, c’est imaginable en production de série ?
Non, mais si on l’a montré, c’est parce que ça nous intéresse. Aujourd’hui on travaille beaucoup le thème de l’appui et sur les véhicules électriques, il nous faut améliorer la traînée surtout sur autoroute et ce principe apporte une partie de la solution.

Cette Alpine du segment C+ était prévue pour être accompagnée de deux crossovers des segments supérieurs, notamment pour l’international. Or, l’un de ces deux crossovers (segment D ci-dessous) a disparu des radars. Il est au musée ?
Non, le véhicule n’a pas disparu et on a bien une dernière silhouette qui entre dans le plan produit. Mais à ce jour, elle n’est pas figée. On a pour elle plusieurs scenarii . À l’époque, il n’y en avait qu’un seul, mais aujourd’hui il en existe plusieurs. Pour cette dernière silhouette, toutes les pistes sont ouvertes mais aujourd’hui, elle n’est pas encore figée.

Tout ceci indique que les A110, A110 Cabriolet et A310 produites sur la nouvelle plateforme APP et annoncées pour les années 2027-2028 sont figées ?
La future A110 est très avancée. On est également en train de travailler sur la silhouette 2+2 (future A310) et la silhouette du segment E est elle aussi bien dans les temps…

Pour faire vivre Alpine, on comprend qu’il faille des produits avec plus de volume aux côtés de la triplette A110, A110 Cabriolet et A310, mais est-ce que ces trois-là suffiront à faire vivre la plateforme APP ?
Oui, absolument, ça suffit. Pourtant cette plateforme peut aller encore plus loin et on pourrait concevoir d’autres silhouettes, mais Luca de Meo ne nous laisse pas partir sur ce terrain. On est au contraire très challengés pour évidemment sortir des projets rentables !

La Manufacture Alpine Dieppe Jean Rédélé a produit en décembre 2023 sa 20 000ème A110 depuis le lancement de la production le 1er décembre 2017.

Dieppe assurera l’assemblage de la prochaine A390 de série en 2025. L’usine a-t-ele la capacité à assembler cette première Alpine, avec des volumes conséquents qui vont avec ?
Oui, et ça évolue au quotidien. Aujourd’hui on fait un peu plus de 4 000 A110, mais il ne faut pas oublier que dans le passé, Dieppe a produit plus de 30 000 voitures, notamment lors de l’assemblage des Renault Espace . Donc dans sa configuration actuelle, l’usine est capable d’assembler beaucoup plus que le volume des A110. Dieppe va monter en puissance avec l’arrivée de la A390, avec toute la logistique qu’elle impose avec les moteurs qui proviendront de l’usine de Cléon ou encore, la caisse en blanc qui arrivera du site de Douai.

Merci à Antony Villain pour sa disponibilité et à l’équipe de communication d’Alpine.

BONUS
Il n’y a pas que l’A390-B au Mondial !

La marque Alpine annonce au Mondial que « l’année 2024 marque un tournant pour la marque en plein déploiement de sa stratégie et de son ambitieux plan produit. Pas moins de trois nouveautés sont présentées en première mondiale à cette 90e édition du Mondial de l’Automobile de Paris, sans oublier l’Alpine A290, tout juste lancée depuis l’été dernier. »

Lors de la conférence de presse du lundi 14 octobre, Philippe Krief, CEO Alpine, et Antony Villain, Directeur du Design Alpine, ont dévoilé au public le show-car A390_β, le prototype roulant Alpenglow Hy6 à moteur V6 alimenté par hydrogène ci-dessous, ainsi que la série limitée et exclusive A110 R Ultime.

ARCHIVES : un projet de crossover Alpine inconnu dévoilé ci-dessous

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