2020-2024 : trois concept-cars Renault. Que reste-t-il de nos amours ?

Que reste-t-il des concept-cars présentés au fil des ans par les différents constructeurs ? On les oublie parfois aussi vite qu’un bonheur éphémère, et pourtant, ils portent en eux le les gènes des voitures de demain. C’est leur rôle. Alors profitons de la présentation du concept Renault Emblème pour remonter un peu le temps, et mettre en relief les innovations des trois derniers concepts de la marque ciblant à peu près le même segment.

Les Renault Morphoz de 2020 et Scécnic Vision de 2022 sortent de leur courte hibernation pour découvrir avec nous leur frère Emblème. « Qui de nous deux inspire l’autre ? Qui de nous deux speed l’autre » chante M. Nous sommes dans le thème…

En 2020 en pleine pandémie de Covid, François Leboine – alors responsable des concept-cars Renault, et aujourd’hui responsable du design de la marque Fiat chez Stellantis – nous expliquait lors de la présentation de Morphoz, que son équipe visait à « créer des concepts les plus beaux possibles qui racontent des histoires les plus intéressantes possibles. Ce qui change avec un programme de série, c’est la pureté du design qu’on pousse jusqu’au bout parce qu’on échappe aux contraintes et aux compromis industriels. C’est tout le plaisir du concept, d’une histoire qu’on raconte avec un design qui n’est pas dans le compromis parce que le concept-car, c’est tout sauf un compromis ! »

Morphoz, pour ceux qui avaient “poney-piscine” lors de sa présentation, c’est une sorte d’avant-phase d’un crossover compact, du gabarit d’un Scenic, 100% électrique et qui a la particularité de changer de silhouette selon qu’il est utilisé dans un contexte urbain ou autoroutier. Les blocs avant et arrière s’allongent en même temps que l’habitabilité progresse.

Vidéo de présentation du concept Moprphoz de 2020 : https://www.youtube.com/watch?v=hEoFbkXeZ4U

« On est parti de cette idée explorant la famille avec un véhicule qui soit dans l’animalité, avec une grande capacité à s’adapter à nos usages, le tout dans un environnement qui évolue. Ce concept est finalement cohérent avec un futur où il doit s’adapter à notre environnement. Morphoz s’appuie sur une approche raisonnée de l’automobile, où on se pose la question du besoin, du nécessaire et de la capacité à s’adapter. » nous expliquait François Leboine. « L’idée dès le départ portait sur une réflexion sur l’usage, auprès d’une famille contemporaine : comme elle est à géométrie variable, on a fait la voiture qui va avec, qui est également à géométrie variable. »

À bord, de nombreuses recettes travaillées depuis les années 1970 par Renault, comme le siège passager qui se retourne, prennent place dans une ambiance colorée qui évoque alors celle du concept-car Citroën CXPerience dévoilé deux ans plus tôt.

Que reste t-il de ce concept quatre ans après ? Tout d’abord, un langage formel qui a habillé la Megane E-TECH commercialisée en début d’année 2022. Mais entre-temps, Gilles Vidal (ci-dessus avec la Megane E-TECH) a pris les commandes du design de la marque Renault en 2020, et il a mis dans ses bagages l’excellent responsable des concept-cars Peugeot de l’époque (Sandeep Bhambra). Le non moins excellent François Leboine (ci-dessous, désormais chez Fiat) a migré chez l’adversaire. Il fallait donc que la griffe précédente soit soigneusement retaillée, et le langage formel de Morphoz a fait long feu.

Pour autant, il n’est pas insultant d’écrire qu’il y a un peu d’avance de phase du Morphoz dans le deuxième concept-car visant ce segment du crossover (SUV ?) du segment C : le Scenic Vision de 2022 ci-dessous. Ce dernier annonce pratiquement le design du Scénic de série qui sera commercialisé un an plus tard (5e génération de la famille Scénic née en 1996). Gilles Vidal nous précisait néanmoins que « ce concept-car Scénic Vision est la première vraie expression de la nouvelle équipe. » Pour ce qui est de la signature lumineuse, c’est une évidence…

Vidéo de présentation du Scénic Vision : https://www.youtube.com/watch?v=5n6G93JZfRo

Comme le disait si justement François Leboine en 2020, « on n’écrit pas les mêmes histoires avec les mêmes réponses et les mêmes objets. » Et l’histoire du Scenic Vision, c’est donc celle de Vidal et d’une nouvelle page du design Renault qui s’ouvre avec l’arrivée du patron du design Peugeot dans les murs de Guyancourt. On peut aujourd’hui avancer que la griffe Vidal, vue sur ses premiers travaux, avait une petite fragrance de Lion. Elle a été conçue dans l’urgence pour répondre aux demandes de Luca de Meo d’élargir l’offre des produits dans un segment C où la marque peinait auparavant.

Et l’opération est allée bien au-delà (ci-dessus) si l’on compare le plan produit de Renault avec celui de ses concurrents. En moins de quatre ans, le constructeur au losange – redessiné pour l’occasion – a dévoilé et/ou commercialisé ses R4, R5, Twingo, Mégane E-TECH, Scénic E-TECH, Austral, Espace, Rafale, Captur, Symbioz si ma mémoire ne me fait pas défaut…

Le Scénic Vision de 2022 ci-dessus est évidemment très différent du Morphoz né deux ans avant. En dehors d’un design qui pose les bases d’un langage formel que le récent concept Emblème va pourtant métamorphoser, l’habitacle semble nettement plus techno que le cocon modulable de Morphoz. On y retrouve par exemple l’écran d’information qui court tout le long de la largeur du véhicule. Mais contrairement à celui de l’Emblème, celui du Scénic Vision est repoussé jusque sur la base du pare-brise.

Sur ce plan-là, deux réflexions :
1-
le Scénic Vision semble plus moderne que l’Emblème en repoussant cet écran le plus loin de la vision du conducteur à la base même du pare-brise. À la décharge du concept-car Emblème, sa structure au niveau de la baie de pare-brise est sans doute plus proche de celle d’un véhicule apte à une production, même si Renault assure que le concept restera à l’état (unique) de manifeste.
2- le Scénic Vision met en avant les progrès réalisés dans le vitrage, capable à court termes de recevoir une projection directe sur un marouflage dédié à la base du pare-brise. La Neue Klasse de BMW dévoilée à Munich en septembre 2023 présentait cette fameuse projection sur toute la largeur du pare-brise. La question de la projection d’images sur les vitrages intéresse évidemment beaucoup les designers. Mais ce n’est pas celle retenue par l’Emblème qui conserve un écran. D’où une réalité industrielle qui confirme que l’esprit de cette planche de bord devrait rapidement voir le jour.

Dessins : Maximilian Kandler

On est ici assez loin du concept Morphoz qui inaugurait ci-dessus le désormais très connu écran en « L » qui apparut sur les Megane E-TECH et Austral. Un écran qui, dans le concept-car de 2020, restait proche d’un positionnement classique (près du conducteur, ci-dessous) et avait la délicatesse de se replier et de disparaître dans la planche de bord en mode de conduite autonome. Mais de conduite autonome, on ne parle plus trop aujourd’hui…

En 2020 sur le concept Morphoz, l’écran est proche du volant et du conducteur (en 1). Celui du Scénic Vision de 2022 viendra migrer à la base du pare-brise, en 2. Dessin Damien Durand.

Le concept-car Scénic Vision explorait à bord un design prospectif que Renault annonçait officiellement pour 2028. Or, l’Emblème de 2024 donne le ton des intérieurs des futures Renault des années 2026 à 2030. On n’y retrouve pas grand-chose de l’intérieur du Scénic Vision… Dans ce dernier, c’était la fête aux Widgets, mais le concept de disséminer de multiples petits écrans n’a semble-t-il pas été retenu pour le futur… L’avenir nous contredira peut-être.

L’habitacle du Scénic Vision de 2022 était annoncé comme l’architecture des Renault de 2028. Le concept Emblème de 2024 semble le démentir !

Ce que nous écrivions en 2022 ne serait donc plus tout à fait d’actualité : « À bord du concept-car, nous ne sommes plus dans le Scénic de 2024, mais nous voyageons jusqu’en 2028. Cet intérieur prospectif, toujours conçu avec le fil rouge de l’économie circulaire avec des matériaux recyclés et recyclables, apparaîtra tout ou en partie dans de futurs modèles. » À priori non, à en juger l’intérieur plus sobre du concept Emblème ci-dessous.

En revanche, le concept Scénic Vision a un point commun avec l’Emblème : l’architecture de sa chaîne de traction ci-dessous avec un moteur électrique à l’arrière, alimenté en énergie par une pile à combustion (à l’arrière également) et un réservoir d’hydrogène logé à l’avant.

Vous me direz qu’on s’éloigne du design mais en fait, non : les designers mangent leur pain blanc avec les plateformes EV 100% électriques (moteur EV et batteries uniquement) et seront nettement plus contrariés par l’encombrante chaîne de traction à pile à combustible et hydrogène, si elle est programmée un jour au-delà des seuls véhicules utilitaires. Fermons la parenthèse…

Les trois concept-cars diffèrent très nettement en termes de conception et matériaux à bord. Sur le Scénic Vision, les matériaux sont très « techniques » et le panneau de porte est par exemple recouvert d’un ensemble dichroïques qui, en contact avec la lumière, transmet des variations de couleurs selon son environnement ci-dessus.

À bord de l’Emblème, retour à des matériaux plus chaleureux et principalement du tissu. Cela ne nuit pas pour autant à la technologie puisque des informations peuvent être diffusées au travers ce tissu, y compris des commandes. Ce que BMW avait également mis en avant sur son concept-car iNext ci-dessous en 2018.

Dans le concept Emblème, on trouve donc plus de chaleur à bord, plus de tissus et de matériaux que l’on pourrait tout à fait retrouver chez soi, dans son salon. Ce sont les nouvelles orientations qui découlent des recherches sur les véhicules à délégation de conduite (être chez soi à bord) et en même temps, des recherches sur la durabilité de ces matériaux qui sont pour la grande majorité issus de recyclage et sont bien sûr eux même recyclables. Ci-dessous, le panneau de porte du concept Emblème.

Il faut désormais oublier les deux précédents concept-cars Morphoz et Scénic Vision et se focaliser sur l’Emblème ci-dessous qui définit le nouveau langage formel des futures Renault. La VRAIE griffe Vidal en quelque sorte. On y découvre plus de simplicité sur les flancs (remarquez la souplesse de l’embouti qui abandonne les lignes de carre franches et rigides) et – sur ce concept -, une silhouette de “shooting brake”. La surface vitrée est toujours aussi limitée comparée à celle des parties tôlées. Le grand becquet en arrière du pavillon est désormais obligatoire sur les véhicules EV qui recherchent un coefficient aérodynamique le plus efficient…

Si nous ne sommes pas emballés par le bec avant qui supporte le logo, nous apprécions le nouveau langage formel de la signature lumineuse ci-dessous qui, à l’avant comme à l’arrière, joue avec la géométrie du losange Renault. Un concept plus élégant que l’actuel, assez compliqué, bien que très efficace au moment du restylage de la Clio.

La comparaison de ces trois concept-cars est évidemment polluée par les changements qui se sont opérés chez Renault dans les équipes de design entre 2020 et aujourd’hui. Néanmoins, elle permet de rappeler l’importance de ces manifestes qui, même s’ils ne détiennent pas tous la vérité de demain, ouvrent de nombreuses portes dont certaines débouchent sur des univers inédits pour la série. Et vous, lequel des trois préférez-vous ?

BONUS : ET LES VOLANTS ?
En 1970, le volant de la Citroën SM a fait couler beaucoup d’encre avec son méplat et sa branche unique. Une forme en symbiose avec celle, ovale, des compteurs. Aujourd’hui, cela fait un certain temps que les volants ne sont plus ronds. Ils s’approchent de plus en plus de la forme rectangulaire avec des coins arrondis.

Celui du concept Morphoz jouait avec un moyeu en verre cristal lumineux assez ‘techno’, alors qu’on aurait bien vu celui du Scénic Vision dans… une Alpine ! Le volant du concept Emblème se veut bien plus cosy et rassurant. Notons qu’il embarque le logo Renault en partie supérieure, sur une sorte de bec, comme le logo frontal sur la carrosserie. Ce volant a même un petit côté vintage, avec sa grosse et unique branche horizontale que l’on trouvait à la fin des années 1970 sur certaines américaines, comme la Chevrolet Caprice, ci-dessous. “Gilles et Sandeep, on est bien d’accord, le rétro design c’est pour les R4, R5 et Twingo, n’est-ce pas ?!”

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