En attendant la Twingo 4… Genèse de la Twingo 2 : pourquoi ce loupé ?

Les trois premières générations de Twingo sont très différentes les unes des autres. La quatrième ci-dessus reprend le thème monocorps du modèle original.

Le 6 novembre, Renault dévoilera la quatrième génération de Twingo (ci-dessus) qui reprendra le thème esthétique et monovolume de la première, née en 1992, mais dans une définition 100% électrique. Ceux qui ont vécu la présentation de la première Twingo à l’occasion du Salon de Paris 1992 ci-dessous, se souviennent sans doute de la liesse qui l’a accompagnée. À tel point que certains ont comparé cette présentation à celle de la DS d’octobre 1955 : la foule était dense et tout le monde voulait toucher cette drôle de puce sympathique.

Les exemplaires de la Twingo exposés au salon de Paris 1992 ont souffert : des milliers de personnes ont testé la banquette coulissante, les sièges et secoué ce sympathique engin !

On doute que la 4e génération ait le même impact, simplement parce que le contexte est différent et que la Twingo 4 arrivera hors salon. Pour autant, la filiation entre les deux générations 1 et 4 est bien présente, ce qui ne fut pas le cas avec les deux générations intermédiaires. Si la génération 3 voulait ressembler à une petite R5 Turbo avec ses ailes arrière élargies ci-dessous (mais avec son moteur arrière, elle perdait TOUT de sa légendaire modularité), la deuxième génération reste la plus décriée.

La troisième génération de Twingo partageait ses dessous avec la Smart et la plateforme commune “Edison” à moteur… arrière ! Elle singea la R5 Turbo, rien de moins.

Et comme on aime bien les vilains canards à LIGNES/auto, nous allons vous raconter sa gestation dans une période compliquée pour Renault : les années 2000. Renault vient alors de célébrer son centenaire en 1998 avec le splendide concept-car VelSatis enfanté par Florian Thiercelin.

Le thème de sa lunette arrière verticale et panoramique sera repris sur la berline Mégane en 2002 ci-dessus et sur l’Avantime de 2001. C’est également à cette date que la grande berline VelSatis est lancée. Pendant encore quatre ans, jusqu’en 2005, Renault est placé sous la direction de Louis Schweitzer, et c’est donc lui qui choisira le design de la Twingo 2 tant dénigrée.

Carlos Ghosn n’est pour rien dans le choix malheureux du design de la deuxième génération de Twingo.

Si Carlos Ghosn prendra bel et bien la direction du constructeur français en 2005, il est au Japon pour s’occuper de Nissan lorsque le programme W89 de la deuxième génération de Twingo est lancé, notamment dans le tout nouveau centre de design Renault implanté à Barcelone ci-dessous. Situé dans un bâtiment industriel de la rue Trafalgar, le Centre de design de Barcelone a été le premier de la marque en Europe hors du territoire français. Ouvert en 1999, inauguré en mai 2000, il a depuis fermé ses portes lorsque Laurens van den Acker a pris le poste de directeur de Renault Design Industriel.

Ce centre Espagnol avait été suivi par celui implanté dans le quartier de la Bastille à Paris. Et ces deux centres ont œuvré sur l’avenir de cette Twingo 2 comme on va le voir. En 1999, le studio de Barcelone travaille principalement sur le projet du Scénic 2 (programme J84) qui sera commercialisé en juin 2003. Les designers présents alors en Espagne sont Vincent Pedretti, arrivé en mars de cette année-là, et Florian Thiercelin, arrivé en mai. Tous les deux viennent du centre de design DDI de Guyancourt en « ressourcing ».

La proposition du Renault Scénic 2, enfanté au studio Renault de Barcelone. Designer Vincent Pedretti.

S’y ajoute le designer Ulfert Janssen, designer FASA (filiale espagnole de Renault). Le 1er septembre, Florian Thiercelin retourne sur les bases de Guyancourt et est remplacé par Jérémy Leng qui va travailler sur le design intérieur du Scénic 2, mais également sur les premières études de la Twingo 2, ci-dessous. Un second designer FASA vient renforcer l’équipe avec Teofilo Plaza. Tout ce beau monde est sous la direction de Thierry Metroz. La cellule commando de Barcelone effectue un travail remarquable. Le projet du Scénic de Vincent Pedretti, en concurrence avec le projet de Guyancourt, est retenu.

Dans le même temps, le second studio externe à Guyancourt est implanté à Paris dans le quartier de la Bastille. Il est inauguré en juin 2003 et placé sous la responsabilité de Fabio Filippini. Pour Patrick le Quément, directeur de Renault Design Industriel, « il s’agit d’assurer la richesse de l’offre, avec de petites équipes qui vivent au cœur même d’une capitale culturelle comme Barcelone et Paris. » Le programme du renouvellement de la Twingo prend alors une seconde direction : le projet devient le W44 et, après Barcelone, Paris devient un nouveau concurrent interne sur ce programme. C’est ici que François Leboine va dessiner une sympathique proposition ci-dessous, qui aurait franchement méritée d’être retenue. Certains ont écrit que Carlos Ghosn avait écarté cette maquette mais ce n’est pas la vérité.

C’est, comme on l’a lu plus haut, Louis Schweitzer qui a opéré ce choix comme le confirme Patrick le Quément « Carlos Ghosn n’était pas impliqué dans le projet Twingo 2, il n’était à l’époque pas impliqué dans le développement des produits Renault. Le modèle préféré du département Design avait été dessiné par François Leboine, qui faisait alors partie de l’équipe de Fabio Filippini à Paris. Ce projet s’inspirait largement de la Twingo de première génération. Il avait notre préférence. »

On peut lire à travers la loupe : “thème retenu”. Mais ce thème retenu l’était parmi tous ceux proposés par François Leboine. Hélas, ce n’est pas celui retenu au final !

Le modèle finalement choisi en interne respectera malheureusement la volonté du produit dirigé par Rémi Deconinck, qui aurait demandé de s’inspirer des… Citroën Saxo et Peugeot 106 ! Patrick le Quément souligne à propos du choix final du thème de style que « le modèle choisi représentait l’orientation stylistique souhaitée par la direction de la planification des produits, dirigée par Rémi Deconinck. Le PDG Louis Schweitzer a choisi de suivre cette approche, et c’est ainsi que l’héritage d’une grande voiture a été détruit. »

Propositions du designer Teofilo Gracia exécutées au tout début du projet W89 dans le studio de Barcelone, début 2000.

Dessinée sous la responsabilité de Fabio Filippini, la proposition de François Leboine projetait pourtant l’optimisme de la première Twingo dans un futur gai et joyeux… avant d’être rejetée face à la maquette définitivement retenue. On doit cette dernière à Stéphan Barral, une proposition qui a été modifiée par le designer Satoshi Tanaka, auparavant auteur d’une autre proposition teintée de Citroën C2, ci-dessous. Stephan Barral avait dans le même temps pris en charge le développement de la Modus.

Patrick le Quément, alors directeur du design Renault, avec derrière lui la maquette du japonais Satoshi Tanaka et la Modus dont va s’occuper Stéphan Barral.

À ces multiples projets, nous tenons à en ajouter un autre ci-dessous, en provenance de la première période de la genèse de ce programme effectué à Barcelone. On ne parlait pas encore de la W44 mais bien de la W89. Son auteur Markus Haub « était l’un des designers de Barcelone » se souvient Patrick le Quément, « et il a passé un peu de temps également à Guyancourt. Il a quitté ce travail pour devenir un artiste dont j’apprécie ses tableaux. Je lui en ai d’ailleurs acheté un certain nombre ! » Markus explique d’ailleurs que ce projet est le premier sur lequel il a travaillé en 2000 dans le studio espagnol, avec une maquette à l’échelle 1/1, avant que ce programme ne se transforme en X44.

Et cette fameuse – belle – maquette de François Leboine qui aurait dû remporter tous les suffrages ? Il n’en existe visiblement plus de trace, malheureusement. Seulement ces croquis publiés aujourd’hui. Lors d’une interview pour LIGNES/auto, nous avions recueillis le sentiment de François après la non-sélection de son projet. « Ce que l’on ressent est proportionnel au temps passé sur le projet. La déception est proportionnelle à l’engagement. Et l’engagement, c’est du temps. Plus le temps passe, plus la maquette évolue, plus on approche de la phase de série et du Graal de voir son véhicule rouler un jour dans la rue, plus la déception est forte de ne pas avoir été retenu ! Alors oui, clairement, ce soir-là, je suis rentré de mauvaise humeur ! »

« Mais le designer travaille sa capacité à rebondir. C’est un peu comme chuter la première fois à moto, si on ne remonte pas très vite dessus, il y a peu de chance qu’on y remonte très rassuré plus tard… » Pour se ressourcer, François Leboine rejoint alors… le studio de design de Barcelone en avril 2007. Il crée là-bas un programme de mobilité urbaine avant-gardiste avec un panel de véhicules, du scooter à la voiture quatre places.

François Leboine, Patrick le Charpy et Eric Diemert.

« Dans ces projets » se souvient François, « il y a la voiture qui porte les gènes de Twizy. En septembre, on reprend le projet et je m’occupe de la proposition deux places, quatre roues (il existait alors une proposition une place à trois roues). On part sur ce thème avec un maquettiste et Éric Diemert. On développe l’ergonomie avec des blocs de mousse, on imagine le châssis, on relève la courbure de pare-brise sur un scooter BMW C1. On allait bien au-delà des connaissances strictement automobiles. » Une autre histoire vouée à une mobilité urbaine intelligente débute alors qui a trouvé, avec la Mobilize Duo ci-dessous, une héritière bien dans son temps. Quant à François Leboine, il est aujourd’hui à la tête du design de Fiat. Vous pouvez (re)lire son interview ici : https://lignesauto.fr/?p=41145

Quant à la Twingo 4 – dont on découvre l’intérieur ci-dessous – en réinterprétant le concept de la Twingo de 1992, elle possède déjà une jolie carte dans son jeu. Suffisant pour s’ouvrir les portes d’un véritable succès ? Aujourd’hui, c’est avant-tout une question de prix. Avec 20 000 € affichés, cette nouvelle génération tient-elle un second atout imparable dans ses mains ?

La commande de signal de détresse se trouve encapsulée dans une gélule translucide au milieu du bandeau de la planche de bord, évoquant le “nez de clown” de la 1ère génération. Ci-dessous, la banquette redevient coulissante !

BONUS : LA TWINGO EN DATES

TWINGO 1 : première maquette : W60 de Jean-Pierre Ploué – 1988, profondément modifiée avec élargissement et gain en gabarit ci-dessous. Présentation : salon de Paris 1992. Véhicule trois portes.

TWINGO 2 : premiers dessins (ci-dessous designer Mark Haub) : W89 – 1999, puis changement d’appellation du programme en X44. Présentation : salon de Genève 2007. Véhicule trois portes.

TWINGO 3 : Annoncé par les deux concept-cars Twin’Z et Twin Run ci-dessous en 2013. Plateforme Mercedes/Smart à moteur arrière. Présentation : 2014. Véhicule quatre portes.

TWINGO 4 : annonce le 15 novembre 2023 de la renaissance de la Twingo avec le concept Twingo Legend ci-dessous. Révélation du modèle de série : 6 novembre 2025. Commercialisation en 2026. Véhicule quatre portes.

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