Membre du comité de direction du groupe Renault, Laurens van den Acker est celui à qui répondent les directeurs de design des marques du groupe Renault (Gilles Vidal pour Renault, Anthony Villain pour Alpine et Miles Nürnberger pour Dacia). C’est un poste équivalent à celui de Gorden Wagener chez Daimler, Adrian van Hooydonk au sein du groupe BMW ou encore Jean-Pierre Ploué chez Stellantis, division Europe.
Comme il nous l’explique, ce nouveau rôle a bien changé ses habitudes de travail. “Je ne participe plus au day to day – ces réunions d’avancement au quotidien des programmes- . Je ne le fais plus car je ne veux plus le faire, j’ai désormais des responsables pour ça. Dans mon nouveau job, j’ai un contact direct avec le comité de direction, auquel j’appartiens, pour la vision du design du groupe. Je reçois là des directions précises et je peux vous dire que Luca de Meo vient très souvent au design.“
Vient-il une fois par mois ou plus souvent ? “Il n’y a pas de règle. Je l’ai vu par exemple les deux derniers jours (entretien réalisé le 1e septembre). Luca de Meo a un vrai feeling pour le produit et pour la marque. Pour le business aussi !” Pour Laurens van den Acker, le programme de développement de la nouvelle Mégane E-TECH Electric (100% électrique donc…) a démarré voici au moins cinq ans. Bien avant la ‘Renaulution’ qui a insufflé un véritable élan dynamique avec l’arrivée du nouveau CEO du groupe, Luca de Meo.
Cinq ans, c’était encore bien tôt pour décider de pousser le curseur vers le 100% électrique. Une Mégane thermique était-elle dans les projets également ? “Non, le projet était 100% électrique, on n’a pas eu d’état d’âme. A son arrivée, Luca a même poussé encore plus loin les curseurs de la sportivité, de l’attractivité et de l’émotion de ce projet. On savait lors du lancement du programme que Renault devait se renouveler, et c’était d’autant plus le moment de le faire que l’industrie automobile est en pleine révolution. Même notre travail a changé. Il ne consiste plus à renouveler un modèle par un autre, en évoluant pas à pas. Les petits pas, c’est terminé ! On est en pleine révolution et ça se voit avec l’arrivée de la Mégane 100 % électrique. C’est un choix symbolique.”
En termes de design, la nouvelle Renault profite évidemment d’une toute nouvelle plateforme (la CMF-EV) dédiée au 100% électrique. “Si nous avions fait une nouvelle plateforme multi-énergie, nous n’aurions pas pu arriver à un tel bon résultat.” Il est vrai que la CMF-EV adopte un bloc avant totalement nouveau, très compact, avec des brancards resserrés car le volume du moteur EV est d’un tiers inférieur à celui d’un moteur thermique, et un plancher quasi plat grâce aux batteries de seulement 11 cm d’épaisseur.
Le bloc de climatisation migre sous le capot et libère un volume généreux au niveau de la planche de bord. Cette architecture est une vraie aubaine pour les designers ! “Oui, mais il y avait un sacré enjeu de savoir comment utiliser cet espace. Ne rien mettre, c’était dommage, car il ne faut pas que l’ensemble fasse pauvre. En mettre trop aurait en revanche caché l’avantage de ce sentiment d’espace. Il fallait trouver un entre-deux idéal. Nous avons donc valorisé l’espace de la meilleure façon possible.“
Et la pièce maîtresse de l’intérieur, c’est bien sûr l’Open R, cet écran qui regroupe dans un même ensemble celui de l’instrumentation pour le conducteur (12 pouces) et celui de l’info-divertissement (9 ou 12 pouces). L’Open R est la résultante des travaux menés sur les concept-cars Trezor de 2016, SymbioZ de 2018 et Morphoz de 2020. “C’est vrai, l’avance de phase du programme Mégane était déjà engagée à l’époque de TreZor.” (ci-dessous)
Le concept-car proposait déjà ce concept d’écran unique, mais il n’avait pas encore les aérateurs intégrés de part et d’autre du premier écran. “Non, mais ce type d’innovation doit être décidée très en amont, car il n’est plus question de le proposer une fois le programme lancé. C’est extrêmement complexe d’intégrer les aérateurs dans l’Open R et je dois dire que les ingénieurs se sont un peu arraché les cheveux, mais ils ont joué le jeu et nous ont suivis ! “
Mégane E-TECH Electric fait donc le pari d’un écran géant… Laurens van den Acker tempère, car pour lui, le choix n’est pas d’avoir le plus grand écran possible. “On voulait avoir les infos facilement accessibles sur une seule surface. Quand vous avez des écrans dispersés devant le conducteur, sur la planche de bord et sur la console, vous êtes un peu perdus. Avec l’Open R, vous avez toutes les infos sans être distraits et les résultats des tests clientèles ont été très encourageants !“
Et Laurens van den Acker précise que ce concept peut être facilement implanté sur d’autres modèles. Comparée à sa rivale légitime – la Volkswagen ID.3 – la Mégane offre des boiseries ciselées au laser sur les contre-portes qui se prolongent jusque derrière le corps de planche, et son environnement chaleureux répond à la froideur de l’Allemande. Sur ce plan, Laurens nous coupe rapidement d’un « je ne peux pas parler de ça. » A bord, il semble bien que la partition française sonne plus juste que l’Allemande.
Dans le contexte environnemental mais aussi et surtout, législatif très contraignant en Europe, la Mégane E-TECH Electric arrive à point nommé. Ce qui n’empêche pas de rêver à des véhicules davantage tournés vers la passion, comme Alpine qui doit présenter d’ici à 2024 un véhicule crossover basé sur cette plateforme, peut être avec deux machines électriques.
Tout comme Patrick le Quément et pas mal de designers encore dans les murs du centre de design Renault, Laurens van den Acker est un grand passionné de la marque Alpine. Quelle fut sa réaction lorsque Luca de Meo l’a relancée avec trois futurs modèles ? “J’ai sauté de joie ! Franchement, c’est formidable parce que pour être honnête, la situation que Luca a trouvée à son arrivée après quelques années turbulentes n’était pas bonne. A son arrivée, on voulait lui montrer le potentiel d’Alpine mais on n’a même pas eu à le convaincre. Dans sa tête c’était clair. S’il s’était juste intéressé à diminuer les coûts, il aurait été facile de tuer à nouveau Alpine et d’arrêter la F1. Il a redonné de l’espoir et de l’envie à tout le groupe et ça nous a donné le souffle nécessaire pour créer cet esprit positif !“
Et de conclure “qu’on est au début de l’aventure, et cette aventure est pleine de passion et d’émotion. Et si on ne savait pas concevoir de beaux projets avec les équipes du design qu’on a formées et avec les équipes de Gilles le Borgne à la direction de l’ingénierie, on ne mériterait pas d’être là !“
Propos recueillis par Christophe Bonnaud le mercredi 1er septembre. Merci aux équipes de communication Renault et à la disponibilité de Laurens van den Acker.