A Amiens, émouvante exposition-hommage à Robert Opron

C’est à Amiens, en Picardie – ville de naissance de Robert Opron – que se tient actuellement une exposition hommage au grand designer disparu en mars dernier (1932-2021). Elle regroupe de nombreux documents inédits rassemblés par les organisateurs auprès de Geneviève Opron, elle-même présente le jour du vernissage. LIGNES/auto y était…

PHOTO PETER GUENZEL

C’est – pour l’heure- le seul événement public qui rend hommage à ce grand designer. Cette exposition est à l’origine l’idée de passionnés regroupés au sein de l’association ‘L’tchiote auto 80’ : Michel Lamy, le président et Francis Levant, Jean Gadenne et Alain Congretel, ce dernier lecteur de… LIGNES/auto trimestriel.

Comment ne pas saluer leur initiative. Mais un sentiment confus nous envahi à la sortie de cette superbe exposition, lorsqu’on se rend compte qu’un hommage digne de ce designer est né de cette petite équipe de passionnés : n’était-ce pas au constructeur d’organiser un tel événement ? Le design, voire le “style”, ça reste quand même des histoires de femmes et d’hommes, non ? Savoir qu’à l’origine de cette exposition on trouve une poignée de passionnés mais absolument personne de Citroën laisse un goût amer. Robert Opron, c’est quand même la GS (voiture de l’année ci-dessous), la SM, la CX et tant d’autres projets !

Dans son projet, la petite équipe a réussi à convaincre la ville d’Amiens, mais pas seulement. Ont été à côté d’elle le président de la maison de l’architecture, Jean Louis Maniaque, le vidéaste Rémi Blondel, Guillaume Vinchon l’administrateur de la maison de l’architecture, sans oublier Gauthier Gillmann du Musée de Picardie et commissaire de l’exposition.

Dans les différentes salles de l’exposition, vous remonterez le temps avec les périodes que Robert Opron a vécues chez Simca, Arthur Martin, Citroën, Renault ou encore Alfa et Ligier. Le tout émaillé de documents souvent inédits, la plupart issus des archives personnelles de Robert Opron, prêtées pour l’occasion par son épouse Geneviève.

A l’extérieur de la Maison de l’Architecture en ce samedi 4 septembre, une vingtaine de collectionneurs avaient rassemblé plusieurs véhicules signés par Robert Opron, dont une Citroën SM Mylord carrossée par Chapron ainsi qu’une… Fuego et une Alpine V6. Saluons également les divers clubs et associations qui ont répondu à l’invitation (Euro SM Club, Citroën SM Club de France, GAVAP, l’Agence CX, l’Amicale Flaminio Bertoni, le club André Citroën Allemagne ou encore Citrosfeer Vlanderen Belgique.

Ce samedi 4 septembre, lors du vernissage de l’exposition, madame Geneviève Opron ci-dessus, s’est vu remettre la médaille de la Ville par la Maire, madame Brigitte Fouré. Elle était entourée d’une quinzaine de membres de sa famille. Parmi eux, l’arrière-petit-fils de Robert Opron, aujourd’hui lycéen à Amiens.

Plongez avec nous au cœur de cette exposition avec quelques-unes des pépites qui y sont présentées. Commençons par la période Simca. Opron a tout juste 26 ans lorsqu’il pousse les portes de ce bureau de style…

FORD FORZA – DOCUMENT GAUTHIER GILLMANN

Évidemment, tout le monde pense à son véhicule show-car : la Fulgur de 1959 exécutée à la demande… du journal de Tintin ! Mais la période Simca sera aussi l’occasion, pour Robert Opron, de nouer de vraies relations professionnelles avec quelques designers ou modeleurs qui vont le suivre chez Citroën, à l’image de Jacques Charreton et de Basile Allamat.

Bien avant que Simca ne créée la 1100 avec son hayon – c’était en 1967 et Robert Opron avait quitté l’entreprise depuis cinq ans… – le designer français va innover avec cette maquette bicorps dont la compacte Simca s’est visiblement inspirée, ci-dessus.

C’est ensuite deux grandes vitrines qui dévoilent des croquis de Robert Opron, réalisés lors de sa période chez Arthur Martin où il entre après deux années passées chez Simca. Le constructeur automobile a fait valoir son droit de non-concurrence. Chez Arthur Martin, Robert Opron devient le directeur du style de la société.

De nombreux croquis de différentes époques sont disséminés tout au long de l’exposition, comme ce piano ci-dessous qui nous a fait immédiatement penser au piano Pleyel conçu par Peugeot Design Lab en 2012. Pas forcément dans la forme, bien entendu, mais dans la façon d’approcher cet univers nouveau avec l’esprit de “designer”.

En 1962, Robert Opron entre chez Citroën. Cette période est bien évidemment richement représentée, avec là encore, quelques inédits. Ci-dessous, parmi les nombreuses photographies d’époque, voici une scène de l’atelier de maquettage de la rue du Théâtre à l’arrivée de Robert Opron chez le constructeur français.

On y découvre ci-dessus, deux maquettes du projet AP qui va dériver par la suite vers le fameux projet F où il est alors question de concevoir un véhicule intermédiaire entre la 2CV et la DS…

DÉCOUVREZ LE PROJET F VU PAR ROBERT OPRON DANS LE TRIMESTRIEL LIGNES/auto#04 DISPONIBLE ICI : https://lignesautoeditions.fr

Chez Citroën, aux côtés de Flaminio Bertoni, Robert Opron ne va pas cacher son amour de la DS, sans oublier d’ajouter qu’il n’aime pas l’Ami 6 enfantée par l’Italien. A la mort de ce dernier en février 1964, il prend la direction de la petite équipe de création. Il peut compter sur elle, comme toujours, avec comme piliers, Michel Harmand, Jacques Charreton, Henri Dargent ou Jean Giret.

Les projets qui cassent les codes de l’architecture automobile des années 1960-1970 vont alors pulluler dans les bureaux de style de la rue du Théâtre, tout près de Javel, puis dans les vastes locaux de Vélizy à la charnière entre les années 1960 et 1970.

En 1964, à la mort de Flaminio Bertoni, le rôle d’Opron évolue mais l’équipe est encore très petite et le “patron” n’hésite pas à coucher sur le papier ses propres idées. Elles sont parfois sublimement mises en volumes par Jean Giret.

L’aventure avec Citroën durera de 1962 à la fin de l’année 1974. Cette année-là, Bernard Hanon – futur patron de la Régie – le débauche après avoir vu la Citroën CX au salon de Paris 1974. Robert Opron, qui ne veut pas vivre l’arrivée de Peugeot, le grand rival de toujours, quitte alors sans regret sa marque fétiche pour accéder à un poste nouveau chez Renault.

Il arrive en plein développement du programme VBG des Véhicules Bas de Gamme. Il participe pleinement aux créations des innombrables maquettes avec des solutions originales, comme des vitres circulaires sur les portes avant ou encore, une vitre arrière verticale prenant toute la hauteur du côté de caisse ci-dessous. On sent que les projets de petites Citroën sont encore en lui et il espère que la Régie saura mettre en œuvre ses idées pour Renault. Mais ça ne sera pas le cas.

Chez Renault, il déploie la stratégie de collaboration avec des designers extérieurs à la marque. Gaston Juchet avait amené Giugiaro, Opron complètera les intervenants extérieurs pour booster davantage ses équipes. Au moment de renouveler la R5, Renault tergiverse (ci-dessous, la proposition de Gaston Juchet) et c’est finalement la maquette de Marcello Gandini qui est retenue pour ce projet 140. Robert Opron est alors entouré de géants du design, comme Gaston Juchet, Michel Jardin, Marc Deschamps ou encore Jean-François Venet.

Parmi les programmes qu’il a suivi chez Renault, celui de la R25 a permis à la Régie de se réimplanter sur le marché de la voiture haut de gamme. Ce projet a vu une compétition serrée entre la proposition de Gaston Juchet et celle de Jean-François Venet. C’est le premier qui remportera la mise, mais Robert Opron n’est plus tout à fait aux affaires…

Il vient d’apprendre que son projet d’implantation d’un bureau de design aux États-Unis est stoppé. Les caisses de la Régie sont vides, le PD.G Bernard Hanon laisse place à Georges Besse, et Robert Opron quitte le constructeur le 8 janvier 1986.

Il rejoint alors le groupe Fiat en Italie où il va pousser de jeunes talents à s’exprimer sans filtre. Le résultat ? La fameuse Alfa Romeo SZ ci-dessous. L’aventure dure quatre ans chez Fiat puis Robert Opron va créer son propre bureau de création. Il œuvrera notamment pour Ligier et ses voitures sans permis.

Mais même retraité, Opron n’a de cesse de mettre sur le papier ses idées, et toutes ne concernent pas que l’automobile . Ci-dessous, on découvre une chaussure de sport à suspension au niveau du talon ou encore une bague couvrant deux phalanges…

La DS est évidemment restée dans son cœur et il n’a eu de cesse de lui trouver une succession, comme ici avec son dessin de la C7 appelée Rebelle. Homme du nord, taiseux mais actif dans l’ombre, Robert Opron n’a pas eu la reconnaissance méritée de son talent auprès du grand public. Alors, oui, il y a eu des accrocs dans sa carrière (son départ de Renault notamment), oui, il a abusé parfois de sa position pour défendre ses idées, voire certains partenaires, mais il reste l’un des rares designers à avoir signé -ou dirigé les équipes qui ont signé- de grands projets chez les deux principaux constructeurs français de l’époque… Peu de créatifs peuvent s’en enorgueillir.

Cette exposition a lieu jusqu’au 30 octobre 2021 à la Maison de l’Architecture, 15 rue Marc Sangnier à Amiens (80 000) Entrée gratuite.

Merci aux bénévoles et acteurs de la mise en place de cette exposition, à commencer par le commissaire Gauthier Gillmann, mais aussi toute la sympathique équipe de la Maison de l’Architecture des Hauts de France, une ancienne forge superbement réhabilitée. Remerciements également à Juliette Charlot, Alicia Teihoarii et Lucile Prudenzano pour la communication.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est LOGOActus_BD-1024x367.jpg.

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