Exclusif : ”j’ai piloté le concept Z-11 Berlinette”

Nous avons interviewé Richard Flan, la seule personne qui ait piloté le concept-car Z-11 Berlinette ! Les fidèles savent que le projet Renault Z11 Berlinette a une saveur particulière pour LIGNES/auto. Après en avoir révélé les toutes premières photos dans l’ouvrage « Concept-cars et prototypes d’études Renault » paru en 2020, grâce à Patrick le Quément et Jean-Marie Souquet, nous avons dévoilé par la suite le cahier des charges de ce concept-car qui devait concrétiser le retour en série de la Berlinette dans la gamme Renault, dès 2001.

Aujourd’hui, c’est avec une certaine excitation que nous vous proposons un sujet inédit grâce à de nouvelles photos du Z11, issues des archives de Patrick le Quément, et à l’entretien avec Richard Flan, le chef de projet technique à l’époque. C’est lui qui a piloté ce concept-car lors de deux séries de prises de vues. Ces photos devaient alimenter le dossier de presse Renault du salon de Genève 2001, où devait être dévoilé ce nouveau coupé sportif biplace à moteur central.

Il n’en a finalement rien été car le projet a été brutalement stoppé. Patrick le Quément, ci-dessus, raconte les coulisses de la genèse de ce concept-car sur le site « Drivent to write » que nous vous recommandons vivement : https://driventowrite.com. Il nous a autorisé à publier les nouvelles photos inédites de ce concept-car peint en gris (voir plus bas dans ce post), très abouti et aux performances supérieures à celles de la plupart de ses concurrentes de l’époque, comme nous allons le découvrir.

Comme pour tous les concept-cars Renault, un concours est organisé au design pour le projet Z11. Axel Breun, Benoit Jacob (dessin ci-dessus de 1999) et Nicolas Dortindeguey sont en final.

Richard Flan, aujourd’hui chez Ampère (la conception des véhicules électriques de la gamme Renault, mais pas que…) était à l’époque de la genèse du Z11 (1999-2000) « chef de projet technique. Je suivais tous les concept-cars de ces années-là et j’ai rejoint le programme Z11 dès le début. Je préparais avec l’équipe tous les jalons, les plannings pour les designers… jusqu’au moment où le concept-car arrivait sur le stand du salon. »

L’un des dessins signés Axel Breun de mai 1999…

Précisons dès maintenant que Richard est nourri à l’essence, au sport et affectionne autant la technique que le pilotage. Il œuvrait aux côtés de Patrick le Quément, « quelqu’un d’exceptionnel, j’ai un grand respect pour lui et j’ai eu une chance énorme de travailler avec quelqu’un comme lui. » Richard était donc totalement intégré au design. « C’était l’époque où Michel Jardin supervisait la cellule concept-car au design. Je laissais évidemment la créativité à l’équipe de Michel, mais je participais aux revues avec plusieurs étapes, dont celle des dessins, des quatre ou cinq maquettes échelle 1/5 puis l’étape du choix définitif avec Patrick le Quément. Et tout de suite après, j’élaborais le plan de référence. Je travaillais 100% au design ! »

C’est finalement le projet de Nicolas Dortindeguey qui est retenu.

Au design, certes, mais avec une connaissance très aboutie de la technique et de l’architecture ! « On avait notre propre studio pour les concept-cars et l’équipe technique avait un travail passionnant et… complexe, ne serait-ce que du point de vue de la cinématique des portières, très loin de celles plus classiques de la série ! On inventait tout sur nos propres maquettes. On s’occupait entièrement du châssis car les concept-cars roulaient, et plutôt bien pour certains (dont le Z11, on va le voir…) J’avais un atelier spécifique et une équipe de techniciens et de mécanos, capables de concevoir des châssis uniques. On a réalisé celui du Z11 à Sandouville dans un atelier dédié. J’avais aussi un motoriste capable de tout câbler. Et puis on ramenait le châssis fonctionnel au design pour l’embarquer ensuite chez l’un de nos prestataires. Pour le Z11, c’était G-Studio à Turin » ci-dessous.

Une fois le châssis livré à G-Studio à Turin, le concept-car Z11 est assemblé.

Pour ce programme, l’entreprise s’interrogeait dès le départ sur la possibilité de produire un petit concept sportif concurrent de la Lotus Élise. Voire, comme ce fut finalement le cas, de l’élaborer en collaboration avec la marque anglaise. « Au début, on a eu pas mal de discussions pour le produit de série : est-ce qu’on part d’un châssis de Lotus ou est-ce qu’on produit le nôtre ? » Une partie de l’entreprise va travailler sur ce thème et commence alors à sortir la calculette. L’idée était d’envoyer un châssis Lotus dans le site industriel Alpine de Dieppe où serait produit la « Berlinette » de série. Tout se met en place, jusqu’au jour où l’entreprise a démontré la non-rentabilité du projet. Celui-ci avait pris la dénomination de PCS (Petit Coupé Sportif) et cette version de série abandonnée différait principalement du concept-car Z11 par l’absence des petites portes à ouverture suicide à l’arrière qui permettait d’accéder facilement aux rangements derrière les deux sièges.

Il faut bien se remémorer que les deux programmes (concept-car Z11 et coupé de série avec Lotus) ont été menés de front. Richard Flan précise cependant que le concept-car ne reposait pas sur la plateforme Lotus, mais bien sur un châssis inédit. « On a fait le Z11 dans notre coin, pour que ça marche rapidement. On ne pouvait pas se permettre de faire des aller-retour en Angleterre comme l’ont fait les designers Nicolas Dortindeguey pour l’extérieur et Pontus Fontaeus pour l’intérieur. On fonctionnait comme un commando car le concept-car devait être présenté en fin d’année 2000. Alors on a construit notre propre châssis en aluminium et on lui a greffé le moteur de la Clio RS de l’époque. »

Après avoir débuté avec un moteur… à l’avant, le cahier des charges revient très vite à une architecture avec moteur central arrière.

Arrive le moment du couplage du châssis réalisé par l’équipe de Richard Flan et la « carrosserie » du concept-car chez G-Studio. « On a livré le châssis avec le moteur, les suspensions et tout fonctionnait parfaitement. G Studio l’a habillé en vue de le dévoiler à Genève 2001, même si les notes évoquaient d’abord le Mondial de Paris 2000. » Et finalement, Louis Schweitzer, patron de Renault stoppe le projet en toute fin d’année 2000… « Oui, le projet de série est bloqué assez tard, en même temps que le concept-car. C’était d’autant plus dommageable que nous avions innové sur beaucoup de points avec nos partenaires. Ils avaient proposés de belles innovations comme notre molette à commande haptique pour sélectionner les informations à diffuser sur l’écran… et d’un seul coup, on a été obligé de leur dire que finalement on ne sortait pas la voiture. »

Mais avant l’arrêt de la Z11, le concept-car a pu prendre la route pour les deux séances de prises de vue. Et Richard Flan se souvient très bien de ces deux moments très spéciaux. Qu’a-t-il ressenti lorsqu’il a vu le concept-car terminé ? « Finalement c’est compliqué d’exprimer un sentiment lorsque la voiture est terminée, car on l’a suivie depuis le début, et même à l’état de maquette on est monté presque tous les jours à bord ! Alors quand j’ouvre la porte pour la séance photos, ce n’est pas la première fois ! J’ai dû l’ouvrir une centaine de fois lors du processus de conception ! »

Parlons dynamique et partons sur les routes de France ! « Avec le concept-car dans sa première teinte bleue – ci-dessus -, on est parti dans la Creuse pour avoir une ambiance typée circuit. Le service de communication de Renault en avait loué un pour la circonstance. On a embarqué la voiture dans un camion et arrivé sur place, on l’a mis en piste. Le photographe Patrick Sautelet* s’est rapidement montré dubitatif car il nous disait que la voiture était bien, mais sa peinture au soleil était trop pailletée et nuisait à la qualité de ses photos. »
*Patrick Sautelet était un brillant photographe automobile qui, en 2008, a rejoint l’équipe de LIGNES/auto pour fonder le magazine print éponyme (2008-2010).

« Il y a trop de paillettes dans votre bleu nous disait-il ! On est néanmoins allé au bout de toute la séance photos pour fournir les documents au service de communication avant le Salon de Genève. Sur la piste, j’extraie le potentiel de la voiture assez fort, et Patrick Sautelet me dit qu’elle est trop parfaite, qu’elle est super efficace mais que du coup, elle reste trop à plat dans les virages et que sur les photos, l’effet dynamique n’y est pas ! Il aurait fallu plus de souplesse pour qu’elle prenne un peu d’appui. L’impression de vitesse était absent. »

Et lorsque l’équipe rentre à l’atelier, « on a compris que Patrick Sautelet avait raison. S’ouvre alors un débat : est-ce que c’est la bonne idée de la présenter en bleu ? Et là, Isabelle Charles (chargée des couleurs et matières du projet) nous dit qu’elle a dans ses travaux un super gris qui marche bien ! Et donc, on a repeint le concept-car. La voiture bleue et la grise sont en fait le même véhicule. Huit jours après notre retour, le Z11 était gris, quinze jour après, il partait pour la seconde séance de prises de vue, cette fois dans la région de Montpellier. »

Grise ou bleue, cette nouvelle « Berlinette » avait les mêmes dessous. Est-ce qu’elle a néanmoins bénéficié de quelques modifications de réglages pour l’assouplir ? « Non, nous n’avions pas le temps de modifier le réglage des suspensions. Elle roulait vraiment très bien, avec une boîte de vitesses séquentielle robotisée et comme nous avions fait la mise au point dynamique, on ne voulait plus rien toucher ! » Et surprise, cette boîte de vitesses n’était pas pilotée au volant car « le produit ne voulait pas de palette, donc on avait un levier. Il faut vous remettre dans le contexte, nous étions à la fin des années 1990. » Rappelons que Renault introduit sa boîte double embrayage Getrag en 2010, alors que la première boîte séquentielle chez Ferrari (F355) ne date que de 1994.

Les premiers tours de roues ont pourtant marqué Richard qui se souvient avoir piloté une voiture « qui marchait super bien ! Le premier rapport était un peu long vu la capacité dynamique du concept. On était plutôt en présence d’une boîte de course. Mais passé la première, d’un seul coup, ça devenait exceptionnel et génial ! On avait presque un effet turbo. Une véritable transformation. On aurait pu changer le 1e rapport, mais on n’avait pas le temps. »

Richard Flan aux commandes du concept-car.

« Au démarrage, le Z11 partait doucement et d’un coup, vous montiez les rapports à la volée avec la boîte séquentielle : ‘ boop… boop…’ Ça devenait un jeu vidéo avec une boîte aussi rapide, et on ne levait pas le pied entre chaque rapport. Aujourd’hui, ça semble normal, mais au début des années 2000 personne ne conduisait un engin pareil ! J’étais au volant de Gran Turismo ! » C’était donc une digne héritière d’Alpine ? « Ah oui ! Totalement. Un châssis aluminium et un moteur 2.0 de 200 ch. La Berlinette aurait dû être légère, mais attention, le concept-car était forcément un peu plus lourd que ce qui était prévu pour le modèle de série. »

Ce privilège d’avoir piloté celle qui aurait dû être une Renault marquant le renouveau de la Berlinette a-t-il été partagé avec d’autres ? « Je pense être le seul à l’avoir pilotée ! Dans l’équipe, il y a sans doute un mécano qui l’a testée au moment des essais de calibration sur les pistes de Aubevoye. » Et Louis Schweitzer l’a-t-il pilotée ? « Non, il ne l’a pas conduite. Il a pris la décision d’arrêter le programme… » Et après l’arrêt du programme, Richard Flan explique que « cela a été forcément compliqué, car je suis accro aux voitures de sport, et là c’en était vraiment une. Le Z11 avait pour moi vraiment quelque chose de spécial. Je remettais enfin les pieds dans une vraie voiture de sport. »

« Je ne peux pas dire autre chose qu’il y avait de la déception, mais j’ajouterai : de la déception mesurée, car personnellement, j’ai enchaîné sur le concept-car Talisman. On l’avait même commencé et ça été un super boulot avec Stéphane Janin, un designer exceptionnel. Mais bon, ce n’était pas un concept avec une fibre très sportive et moi, mes globules rouges sont en forme de losange et les blancs sont tatoués Renault Sport, alors… »

Louis Schweitzer (au centre aux côtés de Georges Douin et de Patrick le Quément) est celui qui a mis un terme au projet Z11 fin 2000. Dans le même temps, il songeait déjà à la future Dacia Logan (2004) à bas coût. Fallait-il prioriser les budgets à l’époque ?

Richard Flan a la délicatesse de nous préciser que le designer extérieur du projet Z11, Nicolas Dortindeguey « a pris cet arrêt avec plus de difficulté que moi, car lui travaillait sur la version de série avec des aller-retour en Angleterre. » Quant à Pontus Fontaeus, le designer intérieur du Z11, il a quitté Renault après l’arrêt du projet. Aujourd’hui, Richard roule pour Ampère, mais il n’a pas oublié ses passions multiples au volant de son Spider Renault Sport. « Jaune, bien sûr. C’est la référence ! » Une référence qui aurait pu être formidablement renouvelée au début du troisième millénaire par la « Berlinette » !

Le Spider Renault Sport (ici dans sa définition sans pare-brise) est né en 1995. Moins de quatre ans plus tard, le projet Z11 démarrait pour une succession qui avait de grandes ambitions !

LIGNES/auto remercie Patrick le Quément et Richard Flan pour leur disponibilité.

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