

Célébrons en cette année 2025 un anniversaire insolite : les 20 ans de trois concept-cars français dévoilés en 2005 : la Renault Zoé, la Peugeot 20-Cup et la Citroën C-Sportlounge. Trois univers différents qui révélaient les multiples facettes du génie français. Car oui, le design automobile bleu-blanc-rouge est souvent – et surtout – une histoire de concepts forts, comme ici une citadine mutine, une sportive à trois roues et un crossover luxueux et dynamique qui manie le sabre !
RENAULT ZOÉ

En 2005, le design Renault démontre son savoir-faire dans un univers où il excelle : la petite urbaine. Deux ans avant la commercialisation de la deuxième génération de Twingo – plutôt fade et voulue par Carlos Ghosn -, Zoé est au contraire une espiègle bien sympathique. Cette année-là, on n’évoque pas encore la fée électrique, et la Renault Zoé dévoilée cette année-là cache sous son minuscule capot avant un moteur thermique de 1.6 litre, 16 soupapes turbocompressé, développant 100 ch. C’est une prouesse d’avoir pu le loger dans ce petit engin de 3,45 m de longueur (la Twingo II de 2007 mesure 3,68 m).

L’architecture de cette Zoé vermillon est radicale. Elle rappelle celle de l’Argos, avec son asymétrie et ses trois places. Le siège arrière se love dans un espace relativement confortable, au côté d’un volume dédié au coffre. On peut accéder à ce dernier par l’ouverture de la petite vitre latérale gauche ou plus simplement, en ouvrant le hayon qui dispose d’une cinématique intéressante, puisque la partie basse vient coiffer la vitre, limitant son encombrement à l’ouverture. Cette petite Zoé fourmille d’astuces pour faciliter la vie en zone urbaine. La porte côté passager, grâce à ses charnières pantographes, offre un accès sans contrainte jusqu’à la place arrière.

Taillée pour la ville, la Zoé adopte également un habitacle épuré, à l’image de ceux des concept-cars qui l’ont précédée. On doit le dessin de cet intérieur à Stéphane Janin qui prendra trois ans plus tard la responsabilité du studio des concept-cars, en succédant à ce poste à Michel Jardin en 2008. Aujourd’hui, Stéphane est responsable de la cellule du design avancé du groupe GAC à Milan. On reconnaît sa griffe avec un travail minutieux pour rendre fonctionnel le moindre espace : l’assise des sièges dispose de petits tiroirs à ouverture latérale, la planche de bord est presque semblable à une aile d’avion et elle est évidée, telle une simple feuille enroulée sur la traverse avant. Elle cache un énorme espace de rangement.

Cette atmosphère de sérénité et de légèreté est parachevée par des sièges d’une extrême finesse, alors que les commandes font appel au thème du Touch Design développé sous la direction de Patrick le Quément. Le style extérieur est signé Antony Villain, aujourd’hui responsable du design Alpine. Le pare-brise adopte une forme panoramique qui maximise la visibilité, elle-même renforcée par la présence de deux demi-pavillons conçus en verre incrusté de LED.

Michel Jardin, alors responsable des concept-cars me confiait que cette innovation technique a été dénichée lors d’une visite au salon du meuble de Milan. « C’est à partir d’une table dotée de ces LED que nous avons eu le déclic ! C’est un verrier Suisse spécialisé qui a conçu ces deux demi-pavillons. »

L’identité de Zoé adopte le logo enchâssé dans la tôle, alors que les deux demi-calandres logées sous les optiques reçoivent des cercles concentriques en relief qui hypnotisent le regard. A bord, les couleurs et matières de cette petite voiture futée sont signées Paul Stamper, qui passe ainsi du coupé de prestige Fluence, à la mini-urbaine avec le même talent et les mêmes ambiances. La Twingo II de 2007 ne reprendra hélas rien de ce concept-car.

Tout savoir sur l’inédit projet aérodynamique Renault W84 AIR-O, c’est ici https://lignesauto.fr/?p=32549
CITROËN C-SPORTLOUNGE
Cet OVNI à la gueule de tuyère a suscité de belles réactions. Il révèle autant un designer hors-pair (Frédéric Soubirou) que les prémices d’une ligne « Citroën-DS » et confirme la maturité des travaux menés par l’équipe de Jean-Pierre Ploué. En 2005 sur le stand Citroën du salon de Francfort, ce spectaculaire engin d’un jaune vif illumine la grisaille de ce mois de septembre. « Je l’avais imaginé en gris, un très beau gris » nous confiait alors son designer Frédéric Soubirou. Perdu : l’engin pétille et pas seulement par sa couleur. Son nom : C-Sportlounge.

Le briefe de départ de ce concept-car qui restera un jalon fort de l’histoire du style Citroën des années 2000-2010 est à la fois simple et complexe. Simple, parce que Jean-Pierre Ploué, alors patron du design Citroën depuis cinq ans, sollicite ses designers pour créer « une nouvelle génération de véhicule entre la berline et le monospace » se souvient Frédéric. Compliqué, « car Jean-Pierre ne voulait pas de connotation monospace, mais un engin sportif et statutaire » ajoute-t-il. Comme tous les projets de concept-cars, une compétition interne a lieu entre les designers de la marque.

C’est donc le dessin de Frédéric Soubirou qui est retenu. Le designer qui est aujourd’hui responsable du design extérieur de la marque DS Automobiles, a vécu la transition entre Arthur Blakeslee (ex-patron du design Citroën jusqu’à l’arrivée de Jean-Pierre Ploué en fin d’année 1999) et Jean-Pierre Ploué. « J’ai passé mon diplôme chez Citroën et j’ai un peu connu l’ère Blakeslee. Quand j’apprends l’arrivée de Jean-Pierre Ploué, j’ai en mémoire l’Argos de chez Renault. En tant qu’étudiant, savoir que Ploué prenait les rênes nous motivait car on sentait qu’il allait se passer quelque chose ! »

Un dépoussiérage en quelque sorte ! « Quand il arrive, Jean-Pierre Ploué constitue son équipe mais moi je venais de terminer mon stage sans suite directe. Heureusement, quelques semaines après, il me recontacte par le biais de Marc Pinson et il me prend à l’essai. Le premier travail que j’effectue, c’est le siège de la C4 ! Mais je travaille aussi sur quelques intérieurs et extérieurs de projets et tout ça plait à Jean-Pierre, notamment un sketch sur la première génération de Picasso. Il m’intègre alors à l’équipe ! »

La belle vie donc ? Pas tout à fait. « Ça n’a pas été tous les jours facile parce que Jean-Pierre voulait quand même des gens très expérimentés, et moi je débutais, donc j’ai eu la vie dure ! J’ai bossé sur le coupé C4 en compétition avec Alexandre Malval (aujourd’hui responsable du centre de design avancé Sophia Antipolis de Mercedes) qui a remporté le projet d’ailleurs. » Et puis Frédéric Soubirou réalise le casse du siècle en voyant son projet retenu pour le concept-car C-Cportlounge. Un projet démarré avec les petits croquis caractéristiques de Frédéric, au stylo Bic, qui pourraient tenir sur un Post-it ! « Je continue parfois à réaliser ces petits dessins » nous confie-t-il.

« Désormais, chez DS, je dessine moins, j’ai d’autres responsabilités. Mais aujourd’hui encore, pour comprendre certaines choses, je suis obligé de passer par là. » Le briefe de la C-Sportlounge veut donc réinventer la berline monocorps en lui donnant les attributs d’une sportive et un statut de voiture haut de gamme. « J’ai proposé cette forme monolithique qui a plu d’emblée à Jean-Pierre. Il voulait néanmoins quelque chose de plus statutaire encore, sinon on allait retomber dans l’univers du monospace. Et c’est ainsi qu’est né le fameux sabre. »

Le sabre, c’est ce jonc aluminium qui prend naissance sur l’aile avant et qui tente une remontée sur le pied de pare-brise (ci-dessous, en 1). Une tentative qui s’arrête au tiers afin de donner du dynamisme et surtout, de désolidariser le pavillon du vitrage en lui conférant cet aspect flottant caractéristique des DS ! « Grâce à ce sabre, on a une lecture franche d’un capot avant fort malgré un pare-brise très avancé. A l’avant, on voulait aussi affirmer le caractère de la voiture en abandonnant les calandres assez fines des précédents concepts. Celle de la C-Sportlounge est une sorte de tuyère et elle est encadrée par des écopes sur le côté. Ça amène le volume monolithe qui est couplé avec un arrière pas du tout conventionnel, dans l’esprit du shooting-brake. Mais il n’y a pas que cela sur cette voiture. On a aussi inventé les bas de caisse chromés flottants que l’on voit aujourd’hui chez tous nos concurrents. » (en 2, ci-dessous)

Il est important de remettre le concept-car C-Sportlounge dans son contexte, car à l’époque, on ne parlait pas encore de ligne Citroën DS dans le groupe PSA. Si le C-Sportlounge marque un temps fort dans l’histoire du design de la marque, c’est parce qu’il va entraîner la naissance de la DS5 en 2011, une voiture née dans la souffrance car foulant un segment nouveau. Une souffrance que Frédéric Soubirou aura (un peu) connue lors de la genèse de « son » premier concept-car.

« J’ai mille anecdotes sur cette voiture car c’est ma première. Celle qui a ouvert une belle série pour moi avec la DS3, la DS Revolt ou encore la Survolt. Mais en interne, ce n’était pas évident en 2004 – 2005 d’imposer ses idées quand on est jeune, avec peu d’expérience. Avec le responsable du projet d’alors, Mark Lloyd, c’était tendu et je découvrais en plus la réalité de la réalisation d’un concept-car avec notamment un planning extrêmement serré ! »
Tout savoir sur le révolutionnaire concept-car Citroën Oli, c’est ici : https://lignesauto.fr/?p=26024
PEUGEOT 20-CUP

Coincée entre les deux monstres que sont le coupé 907 à moteur V12 (ci-dessus à droite) issu de la talentueuse équipe menée par Gérard Welter (1942-2018) et la berline 908 RC quatre places à moteur central arrière (ci-dessus à gauche), la microscopique 20-Cup ravive le thème de la sportive à trois roues. Elle annonce la 207, comme la 20-Cœur avait précédé la 206 en 1998. Le design de la 207, dévoilée en janvier 2006, est donc défloré dès le salon de Francfort, en septembre 2005, par les deux exemplaires du concept 20-Cup.

C’est est un engin à trois roues qui évoque inévitablement l’Asphalte de 1996. Lui aussi tente de cloner l’univers de la voiture (avec le bloc avant de la future 207) et celui de la moto avec son unique roue arrière articulée sur un train monobras. Le rêve de Gérard Welter d’enfanter une véritable trois roues est exhaussé, car les deux Asphalte avaient des roues jumelées à l’arrière. Pas la 20-Cup.

Évidemment, en tant que Peugeot, elle offre un dynamisme et des sensations de pilotage de premier plan. Assis au ras du sol, sanglé dans un habitacle confiné pour deux, le conducteur sait qu’il dispose d’un engin dont le centrage des masses est déplacé vers l’avant. C’est là qu’est implanté le nouveau moteur issu de la collaboration avec BMW. Ce bloc 1600 cm3 à injection directe et gavé par un turbocompresseur développe 170 ch. Avec son poids plume de 500 kg, soit celui d’une Citroën 2CV (!), la 20 Cup décuple les sensations de conduite. C’est une traction et son bras unique à l’arrière ne fait office que de guidage. A bord, l’originalité vient du volant qui dispose d’un écran central dont la lecture est facilitée par l’inclinaison de son affichage en fonction de l’angle donné à la direction.

L’idée de la voiture trois roues sera perpétuée cinq ans plus tard avec le concept électrique EX-1 de 2010 ci-dessous. Quant à la 20-Cup, elle donnera naissance en 2006 à la série de compétition « Spider 207 », une 20-Cup à quatre roues et moteur central.

Tout savoir sur le dernier grand concept-car Peugeot : Inception. C’est ici : https://lignesauto.fr/?p=27239
