

Nous sommes à la fin des années 2000. Une période importante, car elle sera impactée par la crise de 2008 suite à l’affaire américaine des crédits et de leurs taux « subprime »* Une période où les entreprises mondiales sont sur la réserve. Est-ce ce qui explique l’arrêt d’un inédit programme Peugeot ? Sans doute pas, car les effets de la crise se ressentiront plus tard sur le groupe PSA. Et chez ses concurrents. Ce projet d’une rivale Peugeot à la MINI est l’une des tentacules du programme Urban Distinctives composé de quatre modèles dévoilé en 2008, dont les trois premiers ont été révélés en première mondiale dans le livre « Concept-cars et prototypes d’études Peugeot » paru aux éditions BJB, ci-dessous.
Pour se rafraîchir la mémoire en ces temps chaotiques, un résumé officiel de la crise de 2008 : https://www.economie.gouv.fr/facileco/comment-crise-a-t-elle-commence#

Ces quatre nouvelles voitures étaient toutes positionnées dans les segments A et B car, comme le soulignait Jérôme Gallix, le directeur du design Peugeot de l’époque, « Peugeot voilait élever son niveau. Mais la marque n’avait alors pas grand-chose de plus à proposer que Citroën. Au vu de la banque d’organes, je me suis calé sur les voitures du segment A et B, par rapport aux plateformes dont je disposais. Dès qu’on sortait de cet univers, on devenait sous motorisé, avec des petites roues. Il fallait rester dans notre périmètre de jeu. »

Dans ce programme, il y avait la très fameuse 204 Cabriolet revival (ci-dessus et ci-dessous) conçue sur la plateforme de la 207. Le groupe souhaitait pourtant évoquer une autre icône que la 204 cabriolet. « Chez Peugeot, certains pensent que ce projet doit être issu de la 205. Pour eux, c’est le monument à faire revivre. J’ai réussi à convaincre Xavier et Thierry Peugeot que même s’ils avaient raison sur le fond, dans le pouvoir de séduction d’un revival, il faut que le saut temporel – sur l’aspect du produit et des techniques de fabrication – apporte une perception très moderne de la voiture. Or, la 205 était déjà très moderne. Il était trop tôt pour imaginer un revival pour elle. J’ai expliqué que le modèle qui se prêtait à cette démarche était la 204. En plus, j’y voyais un vrai message, car c’est l’un des premiers projets sur lequel Gérard Welter a travaillé dans sa version cabriolet, avec Paul Bouvot. »

Autre voiture appartenant aux Urban Distinctives, le petit SUV du segment A ci-dessous capable de remplacer dans le plan produit la 1007 et ses deux larges portes coulissantes. Jérôme Gallix se souvient que dans ce programme, « les projets n’étaient pas des produits ajoutés à la gamme. Ils venaient remplacer des silhouettes que je voulais voir disparaître. » Comme la 1007…« Habituellement, un 4×4 exprime la virilité, la puissance, mais le segment A des petites voitures ne dispose pas de ces attributs. Il fallait donc que ce soit un objet très féminin. La directrice du programme des Urban Distinctives, Florence Banos, avait de l’appétence pour ce petit 4×4 dessiné par Attila Bocsi. Tout ceci prouvait qu’on était sur la bonne voie. » Ce petit 4×4 reposait sur une plateforme Mitsubishi. Rappelons que PSA avait alors signé en 2005 un accord avec le constructeur japonais afin de produire ensemble des véhicules 4×4, un marché en pleine expansion en Europe.

Troisième modèle du plan Urban Distinctives ci-dessous, une berline volumique du segment B à l’architecture surprenante, avec un pare-brise vertical et une habitabilité exceptionnelle. Cette voiture n’a bizarrement pas été présentée lors de la grande exposition au musée de l’Aventure Peugeot consacrée aux concept-cars inédits.

Cette troisième silhouette était sans doute la plus clivante, et on peut comprendre qu’elle ait été mise à l’écart… comme les trois autres silhouettes, car les Urban Distinctives sont arrivées lorsque Bruno de Guibert a été remplacé par Gilles Boussac aux commandes du produit. « Ces différentes maquettes n’ont hélas pas été prises en considération, même si Xavier Peugeot était avec nous ! » se souvient Jérôme Gallix. Grégoire Olivier et Gilles Boussac stoppent les quatre projets juste après le départ du designer en 2009. Ce dernier sera remplacé par Gilles Vidal en 2010…

Il reste donc un regret : que Peugeot n’ait pas osé industrialiser la quatrième silhouette ci-dessus destinée à s’attaquer au marché des berlines premium du segment B. Il faut replacer ce projet dans le contexte de l’époque. Chez le voisin Citroën, la DS3 était en chantier et donc, devenait une concurrente directe de la « MINI » à la sauce Peugeot. Jérôme Gallix explique « qu’à l’époque, la MINI a un pouvoir d’attraction très fort, et si Peugeot prétend à tutoyer le haut de gamme dans le segment B, il faut mettre un produit à la hauteur en face. »

Mais à l’époque, le plan produit de Peugeot ne doit pas trop faire d’ombre à celui de Citroën. Cette proposition de Peugeot premium du segment B repose sur la plateforme de la 207 de l’époque (4,04 m de longueur), avec le même empattement (2,54 m) et les mêmes porte-à-faux. Jérôme Gallix reconnaît aujourd’hui « que le style de cette maquette a vieilli, mais la voiture n’aurait pas fait honte dans le paysage de l’époque. »

« Je voulais proposer une berline qui attaque le sommet de ce qu’on pouvait alors trouver sur le marché. Une démarche identique à celle de la 205 GTI en son temps. Si cette petite Peugeot avait vu le jour, j’aurais tout fait pour qu’elle ne reçoive pas de motorisations diesel ! » Les designers de de cette MINI à la sauce Peugeot sont Thomas Fournier et Boris Reinmoller. « Boris jouait dans la perfection du style du moment, plutôt que dans un dessin qui montre un objet sorti de nulle part. Thomas Fournier lui, a converti le dessin de Boris en 3D, en maintenant l’enthousiasme et les espoirs de ces sketches, jusqu’au stade du volume. Si on avait vraiment dû produire la voiture, il aurait fallu que l’on sorte un style plus libéré que sur cette proposition, où on sent la voiture un peu étriquée et trop simple »

Cette maquette de la MINI version Peugeot n’a pas d’intérieur, mais Jérôme Gallix pense que cette proposition aurait pu bénéficier du même niveau d’équipement qu’une Citroën DS3. Depuis, MINI est devenue une gamme à part entière, et DS a quitté le giron de Citroën en 2014 pour devenir une nouvelle marque française. Toutes deux aux destinées différentes. Et Peugeot (jusqu’à aujourd’hui) n’a pas eu de véritable rivale à opposer à la MINI. Mais se profile le retour du label GTI… “Je voulais proposer une berline qui attaque le sommet de ce qu’on pouvait alors trouver sur le marché. Une démarche identique à celle de la 205 GTI en son temps” : le projet de Jérôme Gallix voyait finalement assez juste !
