Céline Manetta, designer Citroën : les ailes de la passion

Ils sont nombreux les designers automobiles à vouer une passion indéfectible pour le monde de l’aviation. Mais une femme vole au-dessus de ces messieurs, exerçant son art de peintre de l’air et de l’espace, aujourd’hui adoubé par l’Armée de l’Air. De son travail, il ressort une émotion et une atmosphère qui ne peut que séduire. Toujours en mouvement, comme le sujet de ses toiles, Céline met son énergie chaque semaine dans son premier métier de « senior designer intérieur » chez Citroën.

LIGNES/auto : Votre passion automobile remonte-t-elle à votre enfance ?
Céline Manetta : Ma passion remonte sans doute à l’âge des jouets ! Je n’avais pas de Barbie, je jouais avec des Meccano (ci-dessous) ou les trains HO de mon père, qui a possédé une Panhard PL17. Mais j’ai toujours aimé les voitures. Je me souviens même avoir participé et gagné à un concours de dessins dans AUTOplus quand j’étais adolescente…

Vos diplômes en poche – bac Arts Appliqués et BTS esthétique industrielle – vous voulez rapidement entrer dans le monde du travail…
C.M. : Après le BTS, je voulais arrêter les études pour entrer dans le concret. J’ai envoyé une lettre pour un entretien chez PSA, mais j’ai reçu une réponse négative… Je me suis dit mince, c’est trop tôt. Alors j’ai cherché un stage chez Renault et j’ai rencontré Jean-François Venet à cette occasion. Il était plutôt enthousiasmé par ma démarche et m’a ouvert les portes dans la foulée. Sauf qu’un stagiaire doit être étudiant, et moi, je n’étais plus étudiante !

Jean-François Venet, à gauche, lors de l’étude du concept Renault ARGOS

Et donc, retour à la case universitaire !
C.M. : J’ai sollicité le directeur de l’Institut Européen du Design pour demander à passer le diplôme d’étude supérieure de concepteur designer, même si j’avais six mois de scolarité en retard ! J’ai rattrapé ce temps perdu en bossant dur et j’ai pu finaliser mon stage chez Renault.

Forcément, c’est un endroit magique avec des personnages qui le sont tout autant ?
C.M. : J’étais au Design Avancé à Boulogne Billancourt au milieu de pointures : Jean-Pierre Ploué, Anne Asensio, Alexandre Malval, Axel Breun ou d’autres encore, comme Thierry Metroz…

La dualité entre le mouvement et la plénitude caractérise le Japon où Céline est partie chercher “du travail” !

Un stage qui ne débouche pourtant pas sur un emploi ?
C.M. : Après mon stage, j’ai terminé mon diplôme, et puisque de toute façon je n’avais pas la possibilité de mettre en avant ma petite expérience de designer automobile, je décide de réaliser un beau voyage : un aller-retour au Japon ! (ci-dessus)

Pour changer de métier ou décompresser ?
C.M. : Non, pour trouver un travail ! C’était mon rêve d’aller en Asie, je voulais vivre là-bas. J’y suis allée sans même avoir écrit un courrier, car je savais que la réponse aurait été négative. A l’époque, la mentalité dans le milieu était assez masculine, ce qui commence à changer. Alors je suis allée directement frapper à la porte du studio de Mercedes à Yokohama. Ma chance a été de rencontrer Olivier Boulay qui dirigeait ce studio. Il a été totalement stupéfait de ma démarche et a même douté lorsqu’il m’a vue débouler avec mon petit portfolio dans son bureau !

Le centre de design Mercedes à Sindelfingen

Quel culot ! Et ça débouche sur quoi ?
C.M. : Il m’a expliqué que ce n’était pas possible de m’embaucher ici, au Japon, car justement Mercedes avait implanté ce centre de style pour s’imprégner de la culture locale. Ils n’embauchaient que des japonais. Mais Olivier Boulay a quand même transmis mon CV à la maison mère, en me disant qu’il fallait d’abord que je découvre la culture Mercedes avec au moins deux ans à Stuttgart. Personnellement, je n’y croyais pas trop…

Et ça a finalement fonctionné ?
C.M. : Et oui ! J’ai été appelée par la maison mère pour un entretien ! Ils me confirment qu’ils ont édité un contrat et que je pouvais commencer à travailler avec eux, d’abord dans les anciens locaux du style, puis au cœur des studios modernes de Sindelfingen. J’étais dans le département des concept-cars. J’y suis restée de 1996 à 1998, date à laquelle j’ai rejoint le studio de design intérieur à Côme en Italie jusqu’en 2000.

1996 marque donc le début véritable de votre carrière de designer ?
C.M. : Oui, c’était mon premier job de designer. Mais je regrette de n’avoir pas fait suffisamment d’années dans le département style des voitures de production chez Mercedes. J’aurais aimé emmagasiner plus d’expérience chez eux. C’est vrai que les deux dernières années Mercedes en Italie étaient sympathiques. C’est en Italie que j’ai fait la connaissance de mon mari, mais là-bas, l’ambiance de travail n’avait rien à voir avec celle, très rigoureuse, de l’Allemagne ! J’avais envie de rentrer en France.

Et vous repoussez à nouveau la porte du groupe PSA ?!
C.M. : Oui, en 2000 j’ai passé un entretien avec Gérard Welter. Le courant est passé immédiatement entre nous car j’avais étudié dans le même lycée que lui, au Gué à Tresmes (ci-dessous, Gérard Welter lorsqu’il est retourné au lycée Gué à Tresmes, vers Meaux) Comme Sylvain Henry. C’est certain que cela a joué en ma faveur. Et en plus, Gérard était un fan de Mercedes, et lorsqu’il a vu mon CV, il m’a donné ma chance.

Quel genre de patron était-il pour vous ?
C.M. : Gérard était assez dur. Tout le monde le craignait un peu car il avait tout appris sur le tas, c’est quelqu’un qui savait de quoi il parlait. Mais l’ambiance à la Garenne, avant de basculer à l’ADN de Vélizy, était extraordinaire. On avait là-bas tous les corps de métier, de la plasturgie à la tôlerie, tous ces métiers qu’on a depuis sous-traités… On a perdu ce savoir-faire. Chez Peugeot, j’ai entre autres signé l’intérieur du concept-car 907. (ci-dessous)

2000-2020, vous venez de célébrer vos 20 ans chez PSA ?!
C.M. : En 20 ans, j’aurais travaillé pour les trois marques, Peugeot, DS et Citroën. Depuis 2007 je suis Citroën en tant que sénior designer intérieur où j’ai pu réaliser l’intérieur de la C5 Airscape avec sa sellerie en bracelet de montre que DS en collaboration avec les selliers réutilisera par la suite… (ci-dessous)

J’ai également réalisé l’intérieur du C-Aircross (ci-dessous) et de son dérivé série C3 Aircross, ou encore celui du Berlingo. Sans compter toutes les études qui n’ont pas abouti. On reste une toute petite équipe de sept personnes au design intérieur, alors on est sur la brèche tous les jours !

Et vous avez une… seconde vie : artiste peintre pour l’armée de l’Air !
C.M. : Je crée des toiles depuis au moins dix ans, voire plus ! j’ai commencé par peindre des voitures, et mes toiles sont en exposition permanente sous le nom de GIO à la galerie Vitesse à Paris, rue de Berry (http://galerievitesse.fr/les-artistes/). Mais j’adore aussi la forme des vieux avions, au même titre que j’admire celles des voitures anciennes, celles qu’on appelle les Classiques.

J’ai commencé à aller au salon du Bourget, puis à des meetings aériens. J’ai même emmené mon fils à qui j’ai passé le virus : il est pilote à 18 ans et veut entrer dans l’armée de l’Air !

Comment accède-t-on au métier de peintre pour l’armée de l’air ?
C.M. : C’est un concours ouvert à tous. Il faut exposer ses travaux, qu’il soient des sculptures, des toiles ou des photos. On monte alors un dossier et on est rappelé pour proposer deux œuvres physiques devant un jury. Lors de ma présentation en 2019, j’ai proposé une petite aquarelle et une huile sur toile aux dimensions généreuses de 50 x 100 afin de mettre toutes les chances de mon côté.

Et résultat…
C.M. : J’ai été reçue en 2019. C’est un contrat renouvelable et on représente l’armée de l’Air à travers notre art. C’est pour cette raison qu’il faut une certaine stature, car on représente l’armée. On n’est pas carriériste, on ne touche pas de salaire, mais notre agrément est signé par le Général. On doit être une trentaine, dont une dizaine est agrée à vie. Aujourd’hui, j’ai déjà des travaux de programmés, notamment deux toiles à réaliser pour illustrer la Guerre du Golfe.

Le tiroir de la nouvelle C4 était déjà présent dans le concept-car C-Aircross…

Existe-t-il des passerelles entre votre métier de designer et cette passion ?
C.M. : Des passerelles ? Non, l’automobile est un travail de plus en plus pointu. Néanmoins, j’arrive à garder dans mes dessins de style les mêmes rappels graphiques qu’en peinture. Mais sur la réflexion en elle-même, il n’y a pas de lien !
Propos recueillis par Christophe Bonnaud

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