Le design Peugeot, mené de main de maître par Matthias Hossann, a tenu à rendre un hommage sympathique au premier concept-car Peugeot, né en 1984, voici donc 40 ans. Nous profitons de cette création virtuelle (ci-dessus) pour revenir sur ce concept-car qui a failli ne jamais voir le jour, mais qui a finalement été un véritable déclencheur pour toute l’équipe de Gérard Welter, alors au design Peugeot. Une équipe, jusqu’alors sous le joug du consultant privilégié, Pininfarina.
Chez Peugeot, pour trouver des concept-cars, il fallait frapper à la porte du consultant privilégié Pininfarina. Le carrossier dessine en 1971 le break de chasse 504 Riviera, mais à l’époque chez Peugeot, aucun « prototype de salon ». Jusqu’à ce que l’équipe de designers menée par Gérard Welter remporte enfin son duel face aux Italiens sur le projet M24 de la 205, ci-dessous.
Cette victoire, même si ce n’est pas la première (la 305 en atteste) a pourtant une valeur symbolique puisque la 205 arrive au moment opportun pour sauver le groupe, rien de moins. On a alors l’impression que la cocotte-minute entrouverte avec ce projet M24, explose en laissant jaillir les projets les plus fous. Ainsi, dans la foulée du lancement commercial de la 205, le directeur de Peugeot Talbot Sport fraîchement nommé, Jean Todt, persuade Jean Boillot, placé à la direction de la marque par Jacques Calvet en cette année 1984, de lancer simultanément le véhicule de série en 1983 et la version sportive à moteur central arrière, la très fameuse 205 Turbo 16 ci-dessous.
Un coup de génie qui titille bien évidemment Gérard Welter lancé depuis 1976 dans la compétition avec ses WM privées engagées aux 24 Heures du Mans. Avec le moteur de la Turbo 16, Welter veut concevoir un engin qui offre tout le contraire de la 205 Turbo 16 : un coupé esthétiquement à des années lumières de la petite berline de Peugeot. L’idée du concept-car est lancée. Ce sera le premier d’une série de trois véhicules de salon (1984, 1986 et 1988) avant une trêve de plus de six années.
La Quasar est dévoilée dans un salon de Paris flamboyant. Les visiteurs aperçoivent dès leur entrée dans le hall 1 du parc des Expositions de la porte de Versailles, un immense ballon représentant la nouvelle Renault Supercinq flottant dans les airs, concluant ainsi des années de recherches pour enfanter une remplaçante à la R5. Mais Peugeot a pris de cours la Régie avec sa brillante 205 de 1983 qui bombe le torse sur le stand de la marque, aux côtés de la Quasar. De la petite Peugeot, le concept emprunte le thème de la calandre à trois barrettes, plus étriquées, et les feux arrière.
Tout le reste est inédit, en dehors de la mécanique de la 205 Turbo 16 qui ramènera à Peugeot les titres de champion du Monde des Rallyes en 1984 et 1985. Mais Gérard Welter n’est pas seulement un staffeur-designer, c’est aussi un féru de compétition et d’architecture. Si le moteur est bien celui de la 205 Turbo 16, Welter précise alors que « nous lui avons collé une admission particulière, des échappements dédiés et la mécanique est porteuse, ce qui n’est pas le cas dans la 205 Turbo 16. Toute l’équipe a mis son cœur là-dedans et il est vrai qu’à l’époque, nous n’avons pas vraiment de politique claire en termes de présentation de concept-car. »
Après la terrible pression que les designers ont subie lors du développement du programme 205, « nous avions besoin au style de notoriété qui ne peut se construire que par le biais de concept-cars. Pour Quasar, tout est parti d’un petit dessin d’Éric Berthet issu, comme moi, de l’école du Gué à Tresmes. Son dessin met en scène une voiture avec les tripes à l’air ! » Un thème qui sera l’une des innovations de cet engin exceptionnel. Il s’en est pourtant fallu de peu que le concept ne soit pas à Paris.
Tout d’abord, la Quasar est assemblée le samedi précédant le salon. Paul Bracq se souvient « qu’elle a été terminée le samedi midi. Elle est partie le dimanche pour les photos presse dans un studio et le mardi matin, elle était au salon ! » En second lieu, lors de l’assemblage du prototype de salon, Jean Boillot craint que la présentation de cette « 205 Turbo 16 concept » affaiblisse le lancement commercial de la série des 200 Turbo 16 nécessaires à l’homologation de la voiture de rallye. Gérard Welter organise aussitôt une séance avec le patron de Peugeot et les deux voitures, afin de mettre en exergue leurs différences nombreuses.
Boillot rassuré, le projet peut poursuivre son développement. Si le style extérieur ne manque pas de panache, le style intérieur enfanté par les designers de l’équipe de Paul Bracq n’est pas en reste. Les années 1980 sont celles du développement de l’ordinateur. Apple a lancé son Macintosh voici quatre ans et l’électronique réalise une percée sensationnelle dans l’univers automobile. La Renault 11 « Electronic » est ainsi la première voiture française avec une instrumentation digitale suivie par la Citroën BX Digit en 1985, alors que la synthèse vocale fait son apparition (laborieuse) sur la Renault 25 de 1984.
La Quasar ne pouvait passer à côté de cette mouvance comme le souligne à l’époque Paul Bracq : « nous avons intégré une instrumentation électronique pour disposer du maximum d’informations. Et ceci sans encombrer le côté passager. L’écran par exemple permet d’avoir un contrôle complet du véhicule et l’affichage du téléguidage électronique avec tracé d’itinéraires ou de plans de ville programmés. On voulait aussi disposer d’une caméra de rétro vision, mais les équipements des fournisseurs étaient trop volumineux. »
C’est la société japonaise Clarion qui a été mandatée pour mettre au monde cette partie électronique du Quasar. La planche de bord n’en est pas vraiment une puisqu’elle est monolithique. Elle ne repose pas sur la baie de pare-brise, mais sur un pied central implanté directement sur la console. Paul Bracq explique que cette solution permet une meilleure ventilation de l’habitacle encapsulé sous une véritable bulle de verre. La Quasar est la véritable sensation du salon. Qui aurait imaginé Peugeot capable à l’époque de lancer un pareil projet ? La gamme est alors constituée d’une 205 qui accueille la silhouette deux portes et la GTI.
Pour le reste, la 104 est encore présente, la 305 est entrée dans la seconde moitié de sa vie alors qu’en haut de gamme, la 505 est au faîte de sa carrière. En revanche, la 604 vivote… Comme le conclut le dossier de présentation du concept-car Quasar, « dans cette mosaïque de l’imagination, le rêve et la réalité vous appartiennent. » Quelques mois après l’exposition parisienne, la 309 est dévoilée, mais les futures 405 et 605 se peaufinent déjà. « Pour Peugeot, pour le centre d’études de la Garenne et le design, Quasar est une carte de visite fabuleuse ! » s’exprimait Paul Bracq sur le stand Peugeot en 1984.