Il s’est écoulé quatre années entre la présentation du concept-car ASL (Aero Sport Lounge) et celle de la DS N°8. Et pourtant, la seconde a bénéficié du premier dès le début de sa genèse, grâce au manifeste qui en a découlé (voir notre post dédié à la DS N°8). Vous êtes parfois nombreux à trouver que les concept-cars ne se retrouvent pas souvent dans la rue. Aujourd’hui, on peut féliciter l’équipe de design de DS Automobiles d’avoir tenu ce pari (ci-dessus), même si évidemment, les contraintes réglementaires, de coûts et d’industrialisation – sans compter “votre” avis lors des tests clientèle – ont fait évoluer le concept vers un véhicule plus acceptable par tous !
Toutefois, nous n’irons pas jusqu’à écrire comme DS Automobiles le dit à propos de la DS N°8, “qu’elle s’inscrit pleinement dans l’avant-gardisme de la DS originelle présentée en 1955, de la SM lancée en 1970, et de l’esprit pionnier qui anime la marque depuis sa création en 2014.” Cela ravive le débat sur la légitimité de DS Automobiles qui, lors de son déménagement de la maison de ses parents Citroën, a embarqué dans ses valises les bijoux de famille que sont les DS et SM originelles…
La DS N°8, malgré ses nombreuses qualités indéniables, n’offre pas de contraste révolutionnaire face à ses rivales, contrairement à la DS de 1955 face à une Peugeot 403 taillée comme un parpaing* (ci-dessus) et pourtant dévoilée la même année que la Citroën. La faute ne vient pas de la DS N°8, mais des législations et autres contraintes qui, comme nous le disait le designer Benoît Jacob “réduit le couloir des possibles.” (à lire ici : https://lignesauto.fr/?p=36291) Fermons le débat…
*J’aime la 403, première Peugeot dessinée par Pininfarina. C’est sincèrement vrai… n’écrivez pas !
Revenons à nos moutons… Dessiné comme la DS4 par le designer extérieur Thomas Duhamel, le concept-car ASL (dessin ci-dessus) adopte en 2020 le thème d’une berline dynamique, pour tenter de mettre un frein au déferlement des SUV. Un thème qui servira de base au concept stylistique de la DS N°8. On y trouve ainsi les grandes roues, une posture de SUV en partie basse et une silhouette effilée avec un long museau doté en avant de deux “ailerons” désolidarisé du capot.
Ci-dessus, Thierry Métroz nous explique que l’inspiration ASL pour le développement de la DS N°8 se retrouve également dans la signature lumineuse, autant à l’avant que sur la poupe. “De part et d’autre du Luminascreen, on retrouve les LED verticaux affinés et sur la DS N°8, on a introduit dans les projecteurs huit petits éléments comme autant de diamants qui renforcent l’identité. Comme sur l’ASL, le logo est lumineux.” Peut-on diffuser des messages sur cet écran Luminascreen ? “Pas encore, car c’est réglementé. Mais il est allumé en permanence.“
Le temps long de développement de la D85 devenue DS N°8 entre 2019 et 2024, a permis au designers de laisser fuiter quelques indices sur la nouvelle identité lumineuse et la calandre Luminascreen : on les voit ci-dessus dans une version évoluée sur le concept E-Tense Performance de 2022.
À l’arrière (ci-dessus) outre le concept fastback du concept ASL, la DS N°8 reprend les light blade latéraux verticaux. C’est la première fois sur une DS de série. Pour Thierry Métroz, “l’avantage est évident car on reconnait instantanément une DS de loin ! Nous avons également conservé les feux “écailles” que nous avons réinventés avec des écailles tridimensionnelles.“
Le concept-car de 2020 ne s’est pas contenté d’inspirer les designers pour le thème du style extérieur, il a également posé toutes les bases du design intérieur, et même celles d’un choix de matériaux et de “couleurs et matières” fortement défiché par le concept ASL.
On reconnait immédiatement la similitude d’idée pour les sièges notamment, avec leur appuie-tête intégrés (un chauffe-nuque y est implanté sur la DS N°8) et le drapé de la sellerie. Un travail mené par l’excellente équipe de Vincent Lobry. Ce dernier a travaillé trois ans chez Louis Vuitton avant son arrivée chez Citroën – il y a presque 20 ans ! – puis chez DS Automobiles. Il est au côté de Thierry Métroz ci-dessous, aidé du fidèle Jean-Philippe Vanhulle, responsable sellerie (à droite).
À l’intérieur, le concept ASL fait la part belle, non pas aux écrans, mais à la projection d’informations sur le matériau de planche de bord. DS continue-t-elle de travailler sur ce concept pour 2030 ? Thierry Métroz nous répond que “la volonté de la marque est de faire disparaître les écrans. Aujourd’hui nous disposons de la technologie pour aboutir à cet objectif comme nous l’avons testé sur nos manifestes. Le travail se fait en collaboration avec nos fournisseurs et l’ingénierie chez nous.”
“Le point dur à passer est : comment pilote-t-on les différentes fonctions sans interaction tactile ? Il faut tout d’abord une reconnaissance vocale au top niveau, et ensuite trouver ce nouveau système d’interaction. On travaille sur le ‘tracking’ de l’œil qui marche bien (suivi de l’œil par une caméra qui, avec l’IA, anticipe le geste du conducteur ou du passager). C’est quelque chose qui marche et est assez performant.” On se satisfera donc sur la DS N°8 d’un écran central géant (9 x 40 cm) pour l’infotainment et d’un combiné associé à une HUD pour le conducteur, ci-dessous.
Terminons ce tour d’horizon des communautés entre le concept ASL et la DS N°8 par un détail qui n’en est pas un : la pièce maîtresse du panneau de porte avant, en prolongement de la planche de bord (comme sur l’ASL). Cette pièce propose plusieurs fonctions, dont celle de poignée. Et il est vrai que la première sensation est qu’on n’ose pas y toucher tellement elle semble une petite œuvre d’art à elle seule. Thomas Bouveret, responsable du design intérieur des Alfa-Romeo et DS Automobiles et Thierry Métroz (ci-dessous) reconnaissent que lors des premiers tests, une partie des clients a eu cette même réaction. Mais pour l’avoir testée, nous pouvons confirmer que cette solution esthétique est très solide !
Cette pièce ci-dessus intègre également la partie audio et comme l’idée était de ne pas ajouter d’élément supplémentaire, “nous avons décidé de perforer la feuille d’aluminium avec des découpes laser. Il fallait obtenir 50% de perméabilité pour le son, et nous avons effectué un énorme travail avec le fournisseur et avec Focal. En termes de rigidité, cette plaque résiste à plus de 5 kg en pression et permet de répondre à la performance acoustique attendue.” Une troisième fonction est ajoutée : la signature lumineuse sur la tranche qui évoque les DRL extérieurs. “Et cette lumière permet, porte ouverte, d’être vue par les deux roues…“
Cadeau LIGNES/auto : le texte de “l’essai du concept ASL” publié par l’auto-journal en 2020 et rédigé par l’auteur, à télécharger en cliquant sur le bouton dédié.
BONUS : SM TRIBUTE en petite série, où en est-on ?
Lorsque nous avons rencontré Thierry Métroz au studio de design de DS Automobiles, nous avons évoqué avec lui le sujet publié par nos confrères anglais concernant une éventuelle production en petite série de la SM Tribute. Ce concept inspiré de la SM de 1970 a été présenté en septembre à Chantilly. Voici ce qu’il nous dit officiellement : “on a passé une première étape en montrant la Tribute à Chantilly, avec un accueil excellentissime, et là on est sur le dossier. On aborde plusieurs questions : combien ? petite ou moyenne série ? Tout ça est excitant. Je suis optimiste de nature.“
La production serait forcément sous-traitée ? “Tout dépend de l’option. Si on veut en produire industriellement, il faudrait se greffer dans l’usine Maserati avec la base de la Gransturismo. Mais cela impliquerait de gros outillages. Si on décide d’en produire une série limitée, il faudrait regarder chez les carrossiers français car on aimerait la faire en France, mais il n’y a plus de carrossier chez nous… Alors on regarde plusieurs options de carrossiers en Italie.” Et pourquoi pas Touring Superleggera, une société italienne. Qu’en pense le grand patron John Elkann, héritier de la dynastie Agnelli, qui vient de prendre temporairement les rênes de Stellantis après le départ de Carlos Tavares ?
LIGNES/auto remercie Thierry Métroz, Thomas Bouveret, Vincent Lobry, Cyprien Laurentie , Marie Guidolin et toute l’équipe de DS Automobiles pour leur disponibilité.