Lorsqu’on évoque le renouvellement de l’iconique Coccinelle de Volkswagen, le nom de Giorgetto Giugiaro est immanquablement – et légitimement – avancé. Pourtant, le designer italien est arrivé très tard dans la course. Quelques semaines après un gigantesque test mené en mai 1969 à Wolfsburg et mettant en concurrence toutes les maquettes du projet de renouvellement de la Cox, Kurt Lotz, encore patron de VW pour quelques mois, se rend au salon de Turin où il découvre que les dernières voitures à succès ont été créées par un certain Giugiaro.
Ce dernier se souvient « qu’au mois de décembre, Lotz me contacte pour créer une petite routière. J’avais carte blanche mais il fallait aller vite et proposer rapidement une maquette échelle 1/1. Dès le mois de janvier, je suis à Wolfsburg pour présenter les travaux d’Italdesign et c’est là que les dirigeants me demandent de travailler sur une gamme complète : Passat, Golf et Scirocco. J’étais totalement sidéré ! » Le projet EA337 ci-dessus sera donc celui de Giugiaro…
A la fin des années 1960 effectivement, les programmes de remplacement de la Cox viennent de tous côtés : Auto-Union, Volkswagen, Porsche et même… Pininfarina. Nous révélons ici les propositions du carrossier italien qui a œuvré sur un cahier des charges en provenance de Volkswagen, mais également sur celui de Porsche. Ce dernier est assez extraordinaire puisque Ferdinand Piëch, qui le supervisait, avait implanté le moteur en position centrale sous la banquette arrière ! En mai 1969 donc, toutes les maquettes du programme sont réunies lors de ce fameux test et, aux côtés des propositions de la future VW, une Fiat 128 sert de référence.
Il y a là les maquettes réalisées en interne par Volkswagen, ainsi que celles d’Auto-Union, de Porsche et du carrossier italien. Pininfarina expose quatre maquettes : la EA 266 ci-dessus est une proposition reposant sur l’architecture à moteur central conçue par Porsche, et les trois autres sont réalisées sur le soubassement pensé par Volkswagen, les EA 235 B (avec une maquette fonctionnelle et une autre en plâtre – ou résine ?- peint) et EA 235 B1 fonctionnelle elle aussi.
Que ce soient les projets internes à Volkswagen ou ceux des consultants (Porsche et Pininfarina), tous sont finalement rejetés par la direction de l’époque. Celui de Porsche (EA266) a pourtant atteint un stade proche de la préproduction, mais Rudolf Leiding, le nouveau patron de Volkswagen des années 1970, l’a stoppé juste à temps. Leiding veut aller vite et réformer cette vieille endormie qu’est Volkswagen. Il poursuit l’œuvre de son prédécesseur Kurt Lotz en développant la gamme Audi avec une chaîne de traction à moteur avant.
Et il condamne pour Volkswagen la stratégie Porsche avec son moteur central logé sous la banquette arrière et, humiliation ultime, demande au constructeur de voitures de sport de détruire lui-même les exemplaires du projet EA 266 : un char Tigre se chargera de l’opération durant laquelle un seul exemplaire survivra, aujourd’hui exposé au musée. A partir de cet instant, la rancœur de Ferdinand Piëch envers Volkswagen va aller grandissant, jusqu’à l’épisode durant lequel Piëch entre en guerre avec son cousin Wolfgang Porsche, lorsque le premier voulu prendre le contrôle de Volkswagen et que le second manœuvra pour que l’inverse se passe !
En 1969, lors de ce test gigantesque, nous n’en sommes pas encore là. On comprend toutefois que le changement opéré au début des années 1970 fut réellement vital pour Volkswagen qui bascula – enfin – dans l’ère moderne, en consultant Giugiaro juste à temps. Pour autant, la première maquette de Giugiaro n’arborait pas encore le regard avec ses optiques rondes. Une histoire qui rappelle celle de la première maquette de Twingo comparée à la version définitive !
BONUS : La Golf de Porsche
Le projet EA 266 de Porsche, mené par Ferdinand Piëch, est une voiture d’ingénieurs. Il s’agit d’une berline de 3,59 m de longueur avec suspension McPherson à l’avant et dotée d’un moteur quatre cylindres en ligne, couché sous la banquette arrière.
Son design est enfanté par Anatole Lapine, l’homme qui gèrera plus tard l’intemporelle Porsche 928 d’après le dessin de Möbius. L’inédite architecture permet d’implanter deux coffres à l’avant et à l’arrière, et la hauteur de la voiture est contenue à 1,48 m, un exploit au vu de l’implantation mécanique. Toutefois, les essais des prototypes révèlent la faible habitabilité arrière, l’odeur, le bruit et la chaleur induits par cette disposition originale du moteur.