Archives : Renault Espace, 4 petites histoires dans la grande histoire

Christophe Bonnaud

Profitons de l’arrivée de la nouvelle génération de l’Espace (un Austral allongé à sept places) pour revenir sur cette légende du monospace familial. Voici quatre coups de projecteurs sur des particules de vie de ce véhicule pas comme les autres.

Histoire 1
Évolution du style, de Matra à Renault

Cette histoire se passe pratiquement à la fin du développement du projet de la première génération d’Espace. Après avoir présenté son concept à Peugeot qui l’a refusé, Matra a changé l’architecture technique en abandonnant le moteur transversal des Talbot Simca d’origine, pour un moteur implanté longitudinalement. Ce moteur est emprunté à la banque d’organes Renault, car ce dernier s’est montré intéressé par le produit.

En haut, la maquette Matra définitive, en bas, celle de Renault après quelques modifications : capot recouvrant légèrement la calandre, boucliers, protections latérales, poignées de portes ainsi que le pavillon de couleur caisse. Photos : Jean-Marie Souquet

La maquette P23 qui découle de ces changements profonds est donc la dernière signée par Matra à recevoir – enfin ! –  l’aval du constructeur. Cependant, l’équipe de style Renault, menée par Jacques Nocher, va apporter la touche maison en équilibrant certaines lignes, quelques détails, et en propulsant la voiture dans l’univers plutôt haut de gamme. Notamment en proposant un moteur 2.0 l, ce que les premières études sur base Simca se refusaient.

La maquette d’habitabilité avec une modularité 100% Renault. Celle-là même qui fera peut-être défaut à la nouvelle génération. Photo : Jean-Marie Souquet

Voici pour la première fois les deux maquettes mises face-à-face pour mieux appréhender les évolutions de détails. Là où se niche le diable… Le travail a été exécuté en avril 1983 sous le nom de “Van Matra-Renault”.

De la maquette Matra P23 en haut à celle de Renault, peu de changement, mais ils font la différence, comme cette ligne du hayon abaissée pour suivre celle des flancs. Photos : Jean-Marie Souquet

Histoire 2
La maquette qui a tout changé

La force de l’Espace, c’est sa modularité intérieure, celle dont Matra n’avait pas développé le concept pour la proposition Peugeot, ni sur celle proposée à l’origine à Renault. Et pour cause, les premiers prototypes reprenaient une banquette arrière… Comme l’Espace de 2023 ! Le projet Matra arrivé chez Renault va emprunter les travaux effectués sur le programme VVA (Véhicule Vert Alpine) de 1979, transformé ensuite en VGR (Véhicule Grande Randonnée) en 1980 avant d’être abandonné.

Le projet “Véhicule Vert Alpine” devenu ensuite “Véhicule de Grande Randonnée” dispose d’un habitacle à la modularité proche de celle que l’Espace de 1984 proposera..

Dans le programme de l’Alpine développée par le Berex avec le designer Yves Legal, les architectes avaient imaginé une « Alpine Ambulance » (oui, oui…)

Maquette d’habitabilité du véhicule VVA Alpine devenu VGR Renault. Photo : Jean-Marie Souquet

Renault a repensé à ce concept « pin-pon-pin » pour proposer à bord de l’Espace des sièges indépendants. Un concept également défriché dans les années 1970 par le programme VBG (voir sur ce site). Ce dernier a offert à l’Espace ces sièges avant qui se retournent pour converser avec les occupants arrière.

A bord, la modularité est étudiée pour tous les types de véhicules, y compris cette variante ambulance avec deux brancards ! Photo : Jean-Marie Souquet

Les innovations à l’origine conçues pour le bas de gamme se retrouvent donc en haut de gamme. Rien ne se perd. Il suffit de bien choisir sur les étagères quelques innovations en prenant soin de les dépoussiérer.

Photo : Jean-Marie Souquet

Histoire 3
De la tôle, au grand désarroi de Matra

Louis Schweitzer, patron de Renault à l’époque, va changer l’histoire de l’Espace avec la quatrième génération du genre. Cette nouvelle génération ne sera plus industrialisée en matériaux composites chez Matra, mais faite de tôle, et produite chez Renault. L’accord scellé entre les deux entreprises tient compte d’un dérivé « coupé Espace » dont la production reviendra à Matra. C’est le futur Avantime (ci-dessous) qui se profile.

Dessin de Thierry Métroz, aujourd’hui du responsable du design DS et auteur du design de l’Avantime

Ce dernier connaîtra hélas des soucis d’industrialisation, notamment avec ses portes à double cinématique. On connait la suite avec des volumes de production bien en deçà des objectifs. S’y ajoutera l’incompréhension avec la sortie quasi simultanée des Avantime et berline Vel Satis. Il est intéressant de noter que pour le Scénic de 1996, Louis Schweitzer avait abandonné l’idée de produire ce véhicule inédit en matériaux composites au profit de la tôle, avec les investissements lourds qui allaient avec. Le succès a donné raison au patron à cette époque. L’histoire ne s’est pas répétée avec l’Espace en tôle…

A Boulogne, devant le studio de design, une maquette de l’Espace 4 est dévoilée à Louis Schweitzer et le projet délaisse Matra pour être industrialisé chez Renault. Photo : Jean-Marie Souquet

Histoire 4
Le coupé Espace avant-gardiste

Pendant trois ans, de 2014 à 2017, une cellule appelée « projets spéciaux » sera créée par Laurens van den Acker avec l’ambition de créer un lien entre le savoir-faire de Renault Design et les décideurs de l’entreprise. Elle doit être une force de propositions internes et les projets qui seront réalisés derrière les murs de cette entité n’ont aucune vocation à concurrencer les concept-cars. Les « projets spéciaux » créés avec des équipes réduites, sorte de commandos, doivent proposer des silhouettes ou véhicules qui pourraient compléter la gamme.

À l’époque, Volkswagen ou même Mercedes font envie avec leurs gammes aux multiples silhouettes. Ainsi, des breaks sportifs sur base de Mégane et Talisman, une silhouette Talisman Shooting Brake (ci-dessous) ou encore un coupé Espace (ci-dessus) sont réalisés à l’échelle 1/1 dans des délais ultracourts. Car l’une des forces de cette cellule est de ne pas passer par des maquettes Clay puisque les projets sont intégralement gérés en numérique.

De 2014 à 2017, les « projets spéciaux » ont été révélés lors de grandes présentations face à la direction et aussi les responsables de toutes les régions du monde, pour convaincre et tenter d’inclure ces nouvelles silhouettes au plan produit. Mais après tous les patrons que Laurens van den Acker aura côtoyés en seulement une décennie (Patrick Pélata jusqu’en 2011, Carlos Tavares jusqu’en 2013, Jérôme Stoll jusqu’en 2018), Thierry Bolloré alors n° 2 de Renault n’a pas donné plus de suite à ces projets internes. Le coupé Espace a loupé le coche…

LIRE “Le nouvel Esapce efface l’erreur stratégique de Carlos Ghosn. Sans audace” ici : http://lignesauto.fr/?p=28223

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