ALPINE : interview d’Adrien Acquitter, designer intérieur. De Ferrari à Alpine !

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Depuis 2021 et le plan « Renaulution » où l’on apprit qu’Alpine devenait une marque à part entière, avec une gamme ambitieuse, l’équipe de design s’est renforcée. Parmi les designers, il en est un dont le pedigree nous a interpelé : Adrien Acquitter a quitté le design Ferrari pour rejoindre l’équipe d’Antony Villain. Nous l’avons rencontré pour en connaître un peu plus sur ce designer qui, à ses -rares- heures perdues, s’illustre avec d’exquises esquisses qu’il préfère aux dessins numériques…

Pour votre formation, vous choisissez d’abord l’école de design à Nantes, pourquoi ?
« Quand je me suis dirigé vers le design, après mon bac, j’ai d’abord intégré l’école de design de Nantes (https://lecolededesign.com/fr). Elle m’intéressait parce que je voulais d’abord avoir cette première expérience pour conforter mon choix orienté vers le design auto. C’est une école réputée dans le design industriel en général. En principe, les premières années des écoles spécialisées comme celle-là ne sont pas axées d’emblée sur une spécialisation. Ces premières années permettent d’apprendre les bases. Alors je me suis dit que j’aurai toujours possibilité de changer d’école si jamais cela ne m’avait pas plu. »

Mais vous êtes quand même passé ensuite par Strate Collège en région parisienne !
« Oui, car j’ai voulu me spécialiser rapidement dans le Design Transport. J’ai eu plusieurs entretiens à Strate (https://www.strate.design/) et à l’ISD notamment – aujourd’hui connue sous le nom de Rubika (https://rubika-edu.com/) -. Strate me proposait d’entrer directement en deuxième année, ce qui n’était pas possible avec l’ISD à l’époque. Alors j’ai choisi Strate, mais ça aurait pu être l’une ou l’autre, je n’avais pas de préférence. »

A ce moment-là, vous ambitionnez de devenir designer inter ou exter ? Est-ce déjà le moment d’un tel choix ?
« Ce qui m’intéressait, c’était avant tout de devenir un designer automobile, mais je n’avais pas de préférence entre le design inter ou exter. Disons que les ¾ des étudiants se dirigent vers le design exter, mais je pense que c’est bien de rester ouvert et de ne pas se fermer des portes. »

Aujourd’hui, vous êtes spécialisé dans le design intérieur chez Alpine. Mais vous signez certaines esquisses du design extérieur du concept-car Alpenglow, ci-dessus…
« Je suis au design inter, et pour l’Alpenglow, c’était spécifique parce que l’architecture de la chaine de traction nécessitait une symbiose entre l’extérieur et l’intérieur, notamment avec les réservoirs d’hydrogène. »

Durant vos études et votre formation, vous faites un premier passage chez Renault en 2014…
« On avait un partenariat avec Renault pour un échange d’environ six mois avec des designers. J’ai travaillé sur le projet de la Clio V. C’était très enrichissant car on travaillait autant sur l’intérieur que l’extérieur et même sur les couleurs et matières ! A l’époque, on avait présenté nos travaux à Laurens van den Acker au technocentre… »

En 2014, vous entendez déjà parler d’Alpine dans les couloirs du design ?
« Il y avait déjà le projet Gran Turismo (ci-dessus) et oui, on sentait un frémissement. J’imagine que c’était déjà le début de l’étude de l’A110 . »

La recherche de stage pendant les cinq années d’études semble compliquée aujourd’hui avec le nombre d’étudiants. Vous choisissez de faire le vôtre au sein de la société Kiska en Autriche. Étonnant ?
« Non, car la société est assez tournée vers l’automobile au final. Il faut savoir qu’en 4e année on a un stage obligatoire à faire à l’étranger, ou un échange avec une autre école. Je voulais être au cœur d’une entreprise, entouré de professionnels, afin de progresser plus vite. J’ai choisi Kiska (https://kiska.com/). Ils ont une section Design Transport et travaillent avec les motos Husqvarna et KTM. Ils travaillent également avec des constructeurs automobiles comme Audi, Opel et d’autres grandes marques. Allez là-bas, ce n’était pas me fermer les portes, au contraire. J’ai travaillé sur tous types de véhicules, c’était très enrichissant au sein d’une petite structure où j’étais entouré de nombreux designers de nationalités différentes. »

Et puis, vous arrivez dans une entreprise mythique : Ferrari, ci-dessus !
« J’ai effectué un travail pour eux durant mon année de diplôme, et j’ai passé un entretien à Maranello où j’ai rencontré le responsable du design. Il m’a proposé un stage de fin d’études que je n’ai pas refusé ! Après mon stage, ils m’ont tout simplement proposé une embauche et je suis resté à Maranello plus de six ans. »

C’est quand même quelque chose de travailler à Maranello !
« Loger et travailler ici quand on est passionné de sport automobile, oui, c’est assez incroyable. Pouvoir aller à l’usine, rencontrer les responsables, c’était assez fou et ça reste une période que je ne regrette pour rien au monde ! »

Où ce centre de design est-il implanté ?
« Il est en plein cœur de l’usine . C’est un bâtiment récent dédié au design et aux personnalisations pour certains clients. Être au cœur de l’usine, c’était important pour le design, afin de montrer que tout commence ici. »

Pininfarina est-il encore consultant à l’époque ?
« Quand je suis arrivé, il y avait encore quelques relations sur des projets. Mais les véhicules qui sortent aujourd’hui sont exclusivement dessinés par le design Ferrari. Personnellement, j’ai commencé mon travail par la Pista, le face lift de la 488 et il y a eu l’incroyable SF-90. J’ai œuvré sur ce projet pendant trois ans au moins. Mais j’ai suivi aussi la Monza, qui a bénéficié d’une gestation assez courte, et le projet du crossover Purosangue. »

Vous quittez ensuite Ferrari. Vous en aviez assez des pasta ?
« Avant de partir vers l’Italie, je m’étais dit que j’allais là-bas pour cinq ans, pour au moins suivre un projet de A à Z.  Je suis resté plus de six ans et j’ai eu envie de changer. Non pas parce que j’avais l’impression d’avoir fait le tour, car j’aurais pu rester 20 ans chez Ferrari. Chaque projet qui arrivait était incroyable, et on avait envie de travailler sur chacun de ces programmes, mais j’avais envie de faire autre chose. »

Adrien Acquitter, également amoureux et doué dans l’univers de la photo…

Et vous appelez Antony Villain pour le rejoindre ?
« Pas directement. J’ai d’abord contacté Laurent Negroni, designer Alpine, qui était intervenant quand j’étais étudiant à Strate. Je l’ai appelé pour savoir s’il recherchait des designers, et tout s’est fait vite. Antony Villain m’a rappelé et expliqué le futur de la marque et les projets en cours. J’ai été immédiatement séduit car c’était un sacré challenge et une nouvelle expérience de participer à l’expansion de la gamme. C’est ce que je voulais : retrouver une autre équipe et d’autres projets. »

LIGNES/auto a récemment interviewé Frédéric Duvernier, responsable du style extérieur de Lancia. Il évoquait une sorte d’équipe commando. C’est la même chose au design Alpine ?
« Notre équipe est une petite équipe comparée par exemple à celle de Gilles Vidal (design Renault). Nous sommes cinq designers au style intérieur, plus le responsable. Au design extérieur, ils sont un peu plus nombreux, mais, oui, on reste une petite équipe. »

Concept-car Alpenglow de 2022 : le soin des détails, dessinés par Adrien Acquitter.

Vous êtes dédiés à Alpine ? Si Gilles Vidal a besoin d’aide, vous pourriez faire des échanges ?
« Nous sommes dédiés exclusivement au design Alpine et je pense qu’ici nous avons déjà beaucoup de véhicules à développer ! »

Vu le plan produit ambitieux, vous n’êtes peut-être pas assez nombreux ?
« Si, pour l’instant on fonctionne bien comme ça. On verra pour la suite. »

Puisqu’on évoque le plan produit, étiez-vous au courant du Dream Garage et des trois premiers modèles Alpine lors de votre arrivée ?
« Oui, j’avais connaissance des trois véhicules annoncés (A290, Crossover C-XO GT et A110 ci-dessous) mais pour la suite du programme, l’après Dream Garage, je l’ai appris en interne plus tard. Le plan produit est ambitieux, et j’aime relever les challenges. »

Alpine a désormais des visées internationales, et notamment Américaines avec les deux futurs D-XO GT et E-XO GT. On dessine différemment lorsqu’on s’adresse aux clients américains ?
« Alpine ne vise pas seulement le marché américain. Nous allons arriver dans d’autres pays. Mais côté design, je dirais que ce n’est pas fondamentalement différent. Il faut juste prendre en compte un peu plus de normes et de contraintes à absorber, mais notre dessin sera le même. On ne va pas changer notre design en fonction de la région. Les Alpine qui seront vendues hors Europe resteront des Alpine. Et je pense que c’est ça qui fait le succès de la marque à l’étranger : l’histoire d’Alpine, ce qu’elle transmet et son design de sportive à la française. »

Deux crossovers viendront s’ajouter au C-XO GT compact de 2024 : les D-OX GT et E-XO GT plus généreux en gabarit.

Antony Villain vous a-t-il parlé des mots clés du design Alpine ? Que sont-ils ?
« Pour le design intérieur, c’est la légèreté qui va primer. Pas seulement visuelle, mais physique. Dès le premier coup de crayon, on va dessiner une pièce pour son utilisation et sa fonction, et donc la légèreté, un élément fort de l’ADN Alpine. »

L’axe conducteur, le soin du détail, la légèreté… quelques mots clés du design intérieur des futures Alpine…

C’est toujours compliqué d’entendre parler de légèreté avec les voitures électriques. Comme avec les 2,6 tonnes de la Lotus Eletre, marque qui privilégiait la légèreté…
« Alors, les problèmes de batteries, ce n’est pas mon domaine d’expertise ! Ce que je peux vous affirmer, c’est que pour le design intérieur des Alpine, la sensation de légèreté sera bien présente. Mais on s’appuiera aussi sur la notion de pilotage évidemment. On va mettre l’accent sur la partie conducteur, ce qu’on appelle « l’axe conducteur » qu’on devine sur l’Alpenglow et sur le concept-car A290. Ensuite, la légèreté passe par le traitement des petits éléments et des détails. Pour le design extérieur, il existe toujours des astuces pour procurer cette légèreté, en jouant sur le découpage de couleurs, sur les proportions et plus simplement, sur le dessin original ! »

A bord du concept-car A290. Joshua Reer (design intérieur) et Gaëtan Fumaz (couleurs & matières)

Quand on est une marque avec de plus faibles volumes que ceux des géants, est-on soumis à la même volonté d’utiliser à bord des matériaux durables ?
« Oui, bien sûr, on réalise forcément un gros travail sur ce thème, comme nos concurrents. Et on y arrive. Ca fera même partie de notre communication sur les intérieurs. On essaye de maintenir l’identité de la marque, sans se fermer vers quelques chose de trop rétro, et en se projetant dans le futur de la gamme en créant nos nouveaux intérieurs. »

Côté écrans, serez-vous obligés de puiser sur les étagères de la banque d’organes du groupe Renault ou allez-vous avoir votre liberté d’action ?
« Pour l’IHM, c’est effectivement plus ou moins transversal dans le groupe. Pour les écrans, on a de grandes libertés et on est en train de développer notre propre vision, typée avec l’ADN Alpine, pour les projets en cours. Vous le verrez bientôt, mais c’est trop tôt pour en parler. »

Finalement, vous avez bien plus de boulot que chez Ferrari !
« Non, c’est à peu près identique, car il ne faut pas oublier que Ferrari a quand même une gamme riche, et beaucoup de voitures uniques ou en série limitée. »

Dessin d’Adrien Acquitter de l’Alpine A310 V6 Gr.4.

A côté de votre métier, vous avez quelques respirations artistiques…
« J’ai certains hobbies qui touchent notamment l’illustration, la photo ou la vidéo. Ce qui est valorisant, c’est que je peux aussi les intégrer à mon domaine professionnel. C’est d’ailleurs un souhait de Laurens van de Acker de pousser les designers à s’exprimer en dehors de leur travail quotidien. »

Dessin d’Adrien Acquitter de l’habitacle de la F1 Ferrari 312T de Niki Lauda

Pour compléter ce sujet, la longue interview d’Antony Villain (ci-dessous), responsable du design Alpine, réasliée lors de la présentation du concept-car A290 est à lire ici : http://lignesauto.fr/?p=28873



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