Alors que Porsche s’apprête à dévoiler sa Taycan, première d’une nouvelle ère 100% électrique (et donc témoin d’une mutation inimaginable voici seulement une décennie), LIGNES/auto revient sur quelques événements de la marque Allemande et ce deuxième volet évoque le portrait de l’homme par qui tout à commencer : Ferdinand Porsche.
Ferdinand Porsche eut à peine le temps de découvrir la vraie première sportive portant son nom, la 356. Il disparut le 30 janvier 1951 laissant la destinée de la firme aux mains de son fils « Ferry ». Pourtant, c’est bien lui qui créa en 1930 le Porsche Konstruktionsburoà l’origine du mythe…
Région de Reichenberg, à la fin du XIXesiècle. Anton Porsche est un père meurtri par la mort de son fils aîné. La fratrie ne compte alors plus que deux fils, Oskar et Ferdinand qui n’a alors que quinze ans (il est né le 3 septembre 1875). C’est à ce dernier qu’Anton désire plus que tout offrir à terme les commandes de la petite entreprise familiale de serrurerie. Ferdinand Porsche, du haut d’une adolescence toute axée sur la curiosité, n’a pas cette vision. Lui, c’est l’électricité – cette fée créée si récemment – qui le motive. A 18 ans, Ferdinand dote la maison du paternel d’une imposante installation électrique à lampes à incandescence qui illumine la demeure à la grande surprise de son père.
Jusqu’alors très dur, Anton consent à laisser Ferdinand voler de ses propres ailes, notamment à Vienne où il tentera de trouver son premier travail. Autodidacte, Ferdinand Porsche s’élèvera seul dans la hiérarchie des différentes entreprises dont il croisera la route. D’abord chez Bela Egger, spécialisé dans les équipements électriques, puis, en 1898, chez Jakob Lohner, grand carrossier de Vienne chez qui Porsche va dessiner ses premières voitures, électriques évidemment.
Toujours à la recherche de la perfection, curieux avant-tout, Porsche quitta Lohner pour Austro-Daimler où il perfectionna ses compétences et, dès 1910, s’attaqua à des motorisations thermiques de grosses cylindrées, avec arbres à cames en tête, déjà ! Sa curiosité et sa soif de découverte l’amena à dessiner des moteurs d’avions, notamment un… quatre cylindres à plat refroidi par air ! Il y conçut également un tracteur d’artillerie car la première guerre mondiale vint modifier le cours de sa vie… Après le conflit, Ferdinand suivit plusieurs voies, toutes dictées par sa passion de l’automobile. Chez Daimler, il participa à l’étude des Mercedes SS et SSK de la fin des années 1920, mais, contrairement à ce que ses créations pouvaient laisser croire, Ferdinand Porsche était depuis de longue années hanté par un projet fou : concevoir une voiture populaire, ce que ni Austro-Daimler, ni Mercedes n’imaginaient à l’orée des années 1930.
Les racines du génie de Ferdinand Porsche, et la date même de la naissance de la société Porsche, prennent alors corps dans le terreau de son propre bureau d’études qu’il fonde en décembre 1930 au 14 de la Kronenstrasse (ci-dessous). C’est à Stuttgart que naît ainsi l’officine « Dr. Ing. h.c. Ferdinand Porsche G.m.b.H Konstruktionsburo für Motoren Farhzeug und Wasserfahrzeugbau ». Ce début des années 1930 est, en Allemagne, surtout marqué par la montée en puissance d’Adolf Hitler.
Deux ans après sa création, le bureau d’études Porsche répond à l’appel d’offre du Führer qui projette pour le IIIeReich la production d’une voiture pour tous, la voiture du peuple. La fameuse Volkswagen. Ce projet captera une grande part des ressources du Porsche Konstruktionsburo et, dès 1938, le prototype définitif est présenté après que des soldats SS ont parcouru plus d’un million de kilomètres à bord des 60 prototypes de présérie fabriqués l’année précédente. Avec ce projet, Porsche présenta l’architecture d’une imposante usine qui structurera la ville de Wolfsburg. Hitler posera la première pierre de l’usine en 1938. Outre la satisfaction du chancelier allemand, toujours impatient mais connaisseur des choses de l’automobile, cette étude jettera finalement les bases techniques de la future vraie première Porsche, la 356.
Il est de coutume d’écrire que Ferdinand Porsche a répondu à un appel d’offre venant de l’entourage d’Adolf Hitler. La réalité est quelque peu différente. Ses deux concurrents pour prendre en mains ce projet étaient juifs, et donc rapidement écartés par l’équipe de la « Compagnie de développement de la voiture populaire ». Ensuite, Porsche plongea malgré l’une des demandes d’Hitler qui était, aux dires de certains, totalement irréalisable : un prix de seulement 1000 Marks pour la futur Volkswagen. Enfin, le budget alloué était misérable et permit tout juste au bureau d’études de terminer les programmes en cours.
Pour répondre au planning extrêmement serré du projet Volkswagen, il se dit que l’équipe de Ferdinand Porsche a largement puisé son inspiration dans l’étude de la Tatra T97 de l’ingénieur Hans Ledwinka. La rumeur n’en fut pas une puisque, bien plus tard (en 1961), Volkswagen fut condamné à verser près de trois millions de Deutschmark à Tatra. Mais Hans Ledwinka mourut à peine six ans plus tard sans n’avoir jamais rien reçu au titre de dédommagement…
Qu’importe, l’Europe est à feu alors que le projet de celle qui deviendra la Coccinelle voit le jour. Hitler saura se souvenir que Ferdinand Porsche a répondu à un cahier des charges contraignant et le nomme « coordinateur de l’effort industriel du IIIeReich » et pendant le deuxième conflit mondial, Porsche conçoit de nombreux véhicules pour la Wermarcht dont le très célèbre char Tigre. On l’imagine facilement, de 1938 à la fin du conflit en 1945, la Coccinelle s’est peu vendue car l’argent des livrets fournis aux potentiels acheteurs fut détourné pour l’effort de guerre. Ce sont donc les Anglais, après la signature de l’armistice qui relanceront la production du modèle. La Coccinelle permit finalement à l’Allemagne vaincue de gagner la bataille de l’industrie automobile. Déjà…
Pendant ce temps, Ferdinand Porsche déloge son bureau d’études de Stuttgart pour l’implanter en 1944 à Gmünd, en Autriche où il est finalement arrêté puis relâché grâce à des témoignages l’excluant de toute tentative politicienne dans ces années sombres. Il est même invité en France l’année suivante pour évoquer un projet de voiture du peuple à la française, faisant suite à l’instauration du plan Pons. Mais sur le territoire français, Ferdinand Porsche et son fils Ferry sont emprisonnés à Dijon pour avoir employés de la main-d’œuvre déportée.
C’est au cours de ces huit mois que la santé de Ferdinand Porsche est évidemment mise à mal. Après sa libération en 1946, il ne survivra que quatre années, victime d’une crise cardiaque. Il décèdera le 30 janvier 1951. Il eut juste le temps de découvrir les premiers exemplaires de la 356. Mais pas le succès qui allait découler du lancement de cette toute première Porsche… Et de la Grande Histoire qui en découla.