Retour des maquettistes aux studios ! “Dis , c’est quoi la clay ?”

Pendant le confinement, les maquettes physiques échelle 1/1 étaient délaissées dans leurs studios. Voici revenus les génies du volume. Hommage aux maquettistes “physiques” et ravi de leur retour !

Voilà plus de cinquante ans, en 1969, Harley Earl nous quittait. Pour les amoureux de design, ce génie est à l’origine de nombreuses évolutions de l’univers du design automobile que l’on connait aujourd’hui.

Premier à œuvrer pour que les femmes travaillent au design, premier à imaginer un concept-car avec la Y-Job, il fut surtout le premier à intégrer dans un studio de style un matériau inédit : l’argile, ou clay en anglais…

LIGNES/auto vous propose une balade dans des lieux secrets : les salles de maquettage physique, celles où les écrans de la numérisation 3D côtoient un art finalement peu connu. Il est temps de rendre hommage à cette matière et aux femmes et hommes qui la travaillent au quotidien.

VIDEO LIGNES/auto “ODE A LA CLAY”

MAQUETTE CLAY ECHELLE 1/1
La maquette en clay, échelle 1/1, parfaite complémentarité avec le maquettage numérique 3D, demeure le seul support à partir duquel les différentes directions des groupes automobiles prennent leurs décisions. Cette maquette devient le « référent ».

Cette bivalence entre le numérique et le physique aura donc toujours lieu d’être. La difficulté pour les constructeurs a été de développer les équipes dédiées au design numérique tout en conservant les artistes de la sculpture sur le maquettage physique. Et faire en sorte d’obtenir des équipes à géométrie variable de part et d’autre selon l’avancement du projet.

Car si le numérique fait évidemment gagner du temps, il nécessite une restructuration totale des studios de design de tous les géants de l’automobile. Voici quelques temps chez Renault, on nous expliquait qu’avec le process mis en place au début des années 2000, les heures passées sur un projet en numérique ne représentaient que 12% pour 88% des heures passées pour la réalisation des maquettes physiques. Aujourd’hui, le pourcentage s’est totalement inversé, avec des proportions de l’ordre de 60 à 70% en design numérique contre 30 à 40% en maquettage physique.

Cette évolution a apporté de nombreux changements dans les structures mêmes des bureaux de design, où les modeleurs numériques sont désormais bien plus nombreux que les maquettistes physiques. Lors du développement d’un projet, la phase où l’on a besoin du modeleur physique est plus réduite, mais les constructeurs ne peuvent pas se passer de l’expertise de ces équipes qui sculptent en trois dimensions pour offrir toute l’émotion du projet nécessaire au choix de style, voire au choix de la direction…

Le “tout numérique qui-ne-peut-pas-se-passer-de-physique” est une donnée pérenne. Avec cette organisation des bureaux de design, chaque projet est conçu avec un gain de temps considérable par rapport aux développements des années 1990. Le constructeur peut alors s’engager vers une diversification des gammes, même si certains (comme le groupe PSA) tentent de limiter les silhouettes. Mais ce gain de temps, nécessaire pour affronter la compétition mondiale, est également un gain financier, tout simplement. Au début des années 2010, le gain pouvait être estimé à 50% du coup de développement d’un nouveau produit par rapport aux débuts des années 2000.

Notre propos n’est pas de remettre en cause le développement numérique, bien évidemment ! Grâce à lui, il est possible de créer, dès le début du projet, des propositions extrêmement détaillées, jusqu’à l’intérieur des optiques qui est numérisé. Et ce, sans qu’aucune maquette physique n’ait été réalisée. A ce stade, très en amont du développement, il est souvent fait appel à des maquettes échelle 1 en mousse blanche -ci-dessus en polystyrène – pour jauger les masses et les volumes, plus que les détails.

Le numérique, lui, doit être utilisé au bon moment, à bon escient. Il est puissant : sa puissance informatique correspond à celle du calcul d’un film d’animation de Disney conçu… une fois par mois ! Mais le numérique a un gros inconvénient, c’est qu’il ne permet pas de voir les masses. D’où l’importance de ce stade du maquettage irremplaçable.

LA MAQUETTE CLAY
Concrètement, une maquette en clay se présente comme une structure en nid d’abeille et en aluminium (d’autres matériaux peuvent être utilisés, comme le… bois) à la forme définitive, moins deux centimètres. Elle est ensuite recouverte de pains de clay sur une épaisseur de cinq centimètres. C’est l’opération dite du « massage » : la clay est chauffée et massée pour recouvrir grossièrement la forme en proposant une surépaisseur . La maquette passe ensuite à la fraiseuse qui, grâce aux relevés effectués sur les modèles numériques, réalise la forme pratiquement définitive. Selon le type de fraisage, l’opération peut être effectuée en une nuit ou peut demander jusqu’à trois jours.

LES MAQUETTISTES
C’est alors que l’équipe de trois ou quatre maquettistes investit la maquette pour apporter son savoir-faire, donner une qualité à la forme et surtout, la faire évoluer en fonction des demandes de style, ou des convergences techniques. L’équipe peut travailler jusqu’à trois mois sur une même maquette, maquette qui se déplace beaucoup malgré ses près de deux tonnes… Quant à la quantité de clay utilisée chaque année par un grand groupe automobile, elle frise les 90 tonnes (chiffre Ford).

LA CLAY
Si le maquettiste numérique 3D n’est pas forcément titillé par la sensualité de son clavier (!), le maquettiste physique a un rapport avec la clay très particulier. Comme un sculpteur… Ce rapport avec la matière varie d’un constructeur à l’autre, car la technique employée n’est pas la même au sein de tous les bureaux de design. Chez Nissan au début des années 2010, la clay n’était pas chauffée et le travail était donc différent. Chez Renault comme chez la majorité des constructeurs, la clay est chauffée et surtout, moins grasse.

La clay dispense des sensations olfactives très différentes d’un type à l’autre. Elle peut même varier de couleur. Antony Grade, lorsqu’il arriva en Russie pour le compte de Renault, se souvient d’une argile très noire, pas facile à manipuler. Mais quelque que soit sa texture, la clay confère un certain plaisir à être maîtriser. On a tous réalisé des objets en pâte à modeler !

La clay est en tous les cas plus agréable à travailler que le plâtre qui a fait une sacrée résistance en France et surtout, en Italie. La dernière maquette en plâtre chez Pininfarina fut celle du projet Osée, en 2001 (ci-dessous). Chez Renault, ce fut celle du concept-car Ludo. Le plâtre a disparu des studios de design Renault en 1990, lorsque Patrick Le Quément a imposé la clay.

Mais la clay n’a pas que des avantages. Elle travaille beaucoup et il n’est pas facile de conserver une maquette clay très longtemps. Elle reste en outre assez tendre, il n’est donc pas conseillé de s’appuyer dessus, au risque de dénaturer le style ! Et puis la clay peut générer des “bulles” avec lesquelles il faut se battre car, chez certains constructeurs, la maquettes peut être peinte directement après pulvérisation d’un polyuréthane pelliculant et donc, elle passe au four de séchage !

LE DYNOC
Pour donner à une maquette clay une apparence de vraie carrosserie, elle est recouverte d’un pelliculant appelé Dynoc. C’est un revêtement autocollant disponible en rouleau, comme du papier peint, qu’il suffit de tremper dans l’eau à 60°.

Il est positionné à la spatule, après avoir soigneusement éliminé les bulles et il permet rapidement de juger les lignes de lumière.

LES OUTILS
Évidemment, un bon sculpteur, un bon modeleur n’est rien sans de bons outils. Ils sont parfois d’une simplicité désarmante, comme un simple couteau (« le crayon du maquettiste »). Ils ont parfois été conçus pour une tâche particulière, mais plus encore que les outils, c’est l’œil du maquettiste qui prime. Les mains font ce que l’œil veut ! Les outils sont ceux généralement utilisés dans l’univers de la sculpture, comme les ‘mirettes’. Mais il existe également des outils spécifiques, comme les grandes ‘lisses’ ou les ‘clinquants’, sorte de réglettes de tôle avec ou sans dents qui servent à modeler les surfaces.

Car en automobile on n’accepte jamais un plat, il y a toujours un minium de volume. Les clinquants possèdent presque autant de formes qu’il existe de volumes : concave, convexe, court, en retrait… Ces réglettes peuvent être légèrement pliées pour dessiner le volume. Chaque modeleur dispose de sa propre mallette d’outils, dans laquelle il glisse ses réglettes, son couteau, des chiffons et une petite brosse. Pour racler la clay ? Oui, celle qui reste collée sous les chaussures !

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