SM de DS Automobiles : la cerise en quête de son gâteau…

Faut-il rappeler que la SM et la DS ont quitté l’héritage légitime de Citroën, pour rejoindre la marque DS Automobiles créée en 2014, voici dix ans. La « ligne DS » dans la gamme Citroën fut une aubaine pour le réseau, capable de vendre des Citroën mieux équipées, à l’image « premium », avec une marge plus consistante. Depuis 2014, DS Automobiles s’est muée en une marque véritablement premium, adepte du « savoir-faire Français » qu’elle défend de manière cohérente, en faisant appel à un artisanat qui ne demande qu’à être exposé à la lumière pour exister. Bravo sur ce plan.

Ce concept s’inscrit dans l’héritage de DS Automobiles : la SM revient sous la forme d’une étude de style présentée à Chantilly Arts & Élégance.

Tout savoir sur la genèse de ce concept sur le site de DS DESIGN STUDIO PARIS, ici : https://www.dsdesignstudio.paris/fr/

Hélas, la stratégie de DS Automobiles reposait en partie sur une diffusion chinoise qui n’eut pas lieu. La DS9, produite là-bas, donnait un premier coup de griffe à ce « made in France » qui ne le dit pas mais voulait le suggérer… La DS9 produite en Chine ne sera pas remplacée en l’état. Elle le sera par le projet D85 d’un crossover qui tarde à arriver sur le marché, bien que la voiture – qui sera produite en Italie – soit prête. Faire partie d’une famille de 14 enfants chez Stellantis demande des concessions : chacun son tour !

Trouver sa place dans le calendrier n’est pas simple et DS Automobiles semble trop loin dans la file d’attente. Côté stratégie, on peut effectivement mettre en avant le peu d’activité de la marque sur la dernière année, à part soutenir sa gamme de quatre modèles par des séries spéciales. Même la DS4 E-Tense 100 % électrique n’est pas encore dévoilée. Et nous sommes mi-septembre… Résultat, le réseau doit vivre avec ses DS3 ci-dessous (née en 2018), DS4 (née en 2021), DS7 (née en 2017 et restylée en 2022) et le stock de DS9. Bref, il tire la langue et les ventes de janvier à août de cette année ont chuté de 25 % avec 12 713 voitures vendues en huit mois (sources CCFA). Voilà posé le décor, pas folichon.

Mais derrière les chiffres, il y a des femmes et hommes qui composent l’équipe de DS et qui bossent en se prenant la tempête en pleine figure, mais en croyant fermement au succès d’une marque dont le potentiel est important. À condition d’accélérer le processus de mise en place de l’offensive produit. Une offensive dont parlait Carlos Tavares en juillet dernier, en affirmant que « 20 nouveaux produits Stellantis seront lancés cette année » et il concluait que le recul du chiffre d’affaires du groupe de 14% lors du premier semestre (par rapport à 2023) serait potentiellement contré par cette offensive produits, « si nous parvenons à bien la mettre en œuvre. » La fameuse file d’attente.

Parmi les femmes et hommes dont nous parlons, nous nous intéresserons au département du design mené par Thierry Métroz. En 2014, dès la naissance de la marque, Jean-Pierre Ploué, patron des directeurs de design des marques, l’a logiquement permuté de la direction du design Citroën à celle du design de DS Automobiles. Thierry Métroz a depuis constitué une solide équipe avec des talents reconnus, qui a donné naissance notamment à une splendide DS4 ci-dessus, socle d’une nouvelle gamme. La prochaine DS, la D85 (crossover 100% électrique qui reposera sur la plateforme du récent Peugeot 3008) est prête et devrait enfin percer l’écran d’ici décembre. On espère avant… Dès lors, question timing, on ne peut pas incriminer l’équipe de design qui ronge son frein.

Concept SM de DS Automobiles sur la piste du centre de design de La Ferté Vidame

Et puisque l’on parle des femmes et des hommes, c’est-à-dire de l’âme de la marque, nous ne pouvons pas occulter l’arrivée d’un nouveau patron de la marque en juin 2023 : Olivier François, ci-dessous, qui conserve en parallèle la direction de la marque Fiat. Ironie de l’histoire, l’homme a commencé sa carrière chez… Citroën.

En arrivant dans les murs de DS Automobiles, Olivier François a quelque peu bousculé l’ordre établi. Un concept-car, prévu pour 2024 a été soigneusement rangé dans la coulisse et le nouveau patron martèle « qu’il y a une vraie place sur le marché pour une marque premium en France. » Et pour les dessiner, Olivier François ne serait pas contre injecter une petite dose de rétro-design dans les lignes des futures DS, considérant qu’il s’agirait même d’un atout. Chez nos confrères d’Auto Infos Distribution, il n’hésitait pas à dire le 30 mai dernier « qu’il faut retrouver l’âme et l’esprit de ce qui faisait de la DS ce qu’elle était »

Il s’agit là d’une stratégie opposée à celle que soutenait l’équipe de design. Souvenons-nous de l’anniversaire des 50 ans de la SM, en 2020. Peu avant cette date, LIGNES/auto avait demandé à Thierry Métroz (ci-dessus) s’il existait dans les cartons un concept-car de SM. La réponse fut alors très claire : « je m’interdis formellement – et la marque avec moi -, de dessiner et de concevoir des concept-cars revivals. Moi vivant (les gars de l’équipe se marrent quand je dis ça dans le studio) on ne fera pas de concept-car revival, même si tout le monde attend ça. Je sais très bien que vous attendez tous un concept-car inspiré de la DS d’origine de 1955 ou de la SM de 1970… » Tiens donc…

Et le directeur du design de DS de poursuivre : « on a bien d’autres histoires à raconter. On construit une marque, ce n’est pas rien !  On a comme objectifs de se tourner vers l’innovation, vers la technologie et l’avant-garde. Notre mission est d’imaginer le futur, de faire bouger les lignes en matière de style. C’est très excitant et… chronophage. » Encore une histoire de chronomètre qui tourne, qui tourne. Ferdinand Piëch, qui fut l’instigateur du positionnement de la marque Audi dans l’univers des marques premium, a mis 30 ans pour y arriver. Et dans un tout autre contexte que celui, perturbé, que vit l’automobile aujourd’hui. Alors ?

Alors il est des moments où il faut manger son chapeau (cela est arrivé à chacun d’entre nous, un jour ou l’autre, non ?) et le design devra peut-être grignoter son haut de forme. Mais ici, à LIGNES/auto, nous penchons plutôt pour la stratégie de l’équipe de Métroz, plus complexe et ambitieuse, de ne pas tenter de réinventer les icônes d’hier. De ne pas pondre une DS ou une SM trop simplistes, s’inspirant de leurs lignes plutôt que de seulement les suggérer. Nous venons de découvrir la Renault 17 du designer Ora Ïto. Voici aujourd’hui la SM revue par DS Automobiles.

Vous pensez sans doute également au concept-car Peugeot e-Legend de 2018, ci-dessus. Gilles Vidal, alors patron du design Peugeot (aujourd’hui à la tête de celui de Renault) avait expliqué que « ce n’est pas un revival, mais un message qui tend à prouver que la voiture autonome électrique de demain n’est pas nécessairement un objet froid… » Thierry Métroz avait alors expliqué « qu’il a raison. Je trouve personnellement que cet exercice n’est pas complètement du rétro-design mais c’est une voie dans laquelle nous n’irons pas, même si vous verrez dans nos prochaines créations de série qu’il existera des clins d’œil à la DS et à la SM. Mais on n’ira pas plus loin. »

Ce concept de SM revisitée n’est pas une simple accumulation de clins d’œil. Il s’inspire directement du coupé original de 1970.  Aujourd’hui, le directeur du design DS explique que ce concept « n’est pas qu’une évocation de la SM. Nous avons respecté le dessin originel par son esprit et ses détails. Nous avons fait une retranscription et une réinterprétation de la SM. Mais comme il n’est pas dans nos habitudes de nous séparer de nos autres travaux, nous avons intégré beaucoup de détails de ce que sont les modèles de DS Automobiles et nos futurs projets. »

Luc Quirin, designer intérieur de DS Automobiles explique quant à lui que « le dessin du haut de la planche de bord était une signature forte avec une transversalité assumée. Nous avons conservé cette approche identitaire en intégrant le fruit de nos recherches. L’affichage se fait par de la projection, sans écran. L’environnement est plus immersif tout en étant moins contraignant pour le conducteur et les occupants. »

Vincent Lobry, responsable du design « couleurs, matières et finitions » de DS Automobiles explique que « le travail du cuir gravé au laser sur les contre-portes fait apparaître des motifs inspirés des arts décoratifs. Ce courant est né dans le mêmes années que les concours d’élégance. Les décors point-perle font quant à eux référence aux modèles actuels. »

Cette SM de 2024 plaira sans aucun doute au plus grand nombre, car l’équipe qui en a eu la charge est, nous le répétons, solide et vise le long et très long terme pour créer l’offre innovante d’une marque que Stellantis devrait sans doute soutenir un peu plus. Cette SM semble être la cerise sur le gâteau DS. Encore faut-il qu’il y ait un gâteau… Car depuis 2021, voici donc plus de trois ans, aucun nouveau modèle DS n’est apparu dans la gamme. L’urgence s’appelle D85, et ce ne sont pas les journalistes qui l’attendent le plus, mais le réseau…

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