Le patron du design Volkswagen nous explique les défis du design de 2025

Klaus Bischoff, patron de Volkswagen Design revient sur les défis posés par la mutation de la mobilité. Et revient évidemment sur le fondamental du style de la Golf : son pilier « C » ! 

Les designers imaginent aujourd’hui les produits de 2023 – 2025 et doivent donc être plutôt avant-gardistes. Pouvez-vous nous dire deux mots de cette démarche ?!
« Ce n’est pas aussi difficile qu’on pourrait l’imaginer. Dès que je pousse les portes du centre de design, j’entre dans le futur, en quelque sorte. Notre environnement de travail a environ quatre ans d’avance sur ce qui se passe à l’extérieur pour nos clients. Une grande partie du travail d’un designer consiste donc à comprendre le changement continu de notre société. Nos travaux semblent utopiques au début et puis ils se transforment lentement en réalité à travers les premières esquisses et beaucoup de travail. »

Concrètement, à quoi ressemble ce processus de recherches ?
« Tout d’abord, il s’agit d’un travail d’équipe. Nous esquissons des scénarios futuristes en nous appuyant sur des travaux d’avant-phase et par le biais de dialogues, parfois intenses. C’est comme un jeu de ping-pong. L’imagination ne doit pas avoir de limite pour vous intégrer au mieux dans ces scénarios. Un bon exemple est le monde de la conduite autonome, comme nous l’avons interprété avec notre concept I.D. Vizzion. Le conducteur n’aura rien à faire à bord car il n’y a plus de volant, plus de pédales, plus d’affichage. Les visuels de l’instrumentation pour les différentes alertes ou informations n’apparaissent que lorsqu’ils sont nécessaires. C’est une approche vraiment radicale dans laquelle il est né pessaire de s’immerger dès aujourd’hui. »

La mutation automobile va-t-elle tuer l’essence même du dessin (et du dessein) du designer ?
« En aucune façon. Le monde numérique a acquis une importance considérable. Nous sommes à l’aube d’un nouvel âge de mobilité dans lequel la technologie numérique joue un rôle important. On pourrait certainement comparer la mutation automobile à venir à l’invention du smartphone. »

La mobilité de demain s’appuie sur la connectivité, la motorisation électrique et la conduite autonome. Quelle place le design peut-il prendre dans ce contexte ?
« Le design agit comme un interprète, plus encore que la technologie. Quoi que je regarde, c’est toujours du design. Je regarde un écran, mais il y a une technologie incroyablement complexe à l’œuvre derrière cet écran et cette technologie est tellement abstraite que la plupart des gens ne peuvent pas la comprendre. Nous sommes appelés à traduire ce nouveau monde technologique en simplicité, clarté et beauté. Il est vrai que le changement est beaucoup plus marqué qu’au cours de toutes les décennies précédentes. »

Le design automobile a donc de moins en moins à voir avec le seul dessin d’une carrosserie ?
« L’esthétique générale du design reste importante, mais de nombreux autres thèmes y ont été ajoutés. Chez VW, nous devons nous habituer à un nouveau terme : « extraterrestre »!

Que voulez-vous dire exactement ?
« Nous entendons par là la manière dont les véhicules communiqueront entre eux et avec les autres conducteurs à l’avenir. Les voitures autonomes doivent interagir avec les piétons et les autres usagers de la route. La tâche est donc de créer un dialogue amical et sans ambiguïté entre la machine et son environnement. Par exemple, quand une voiture cède le passage à un piéton, elle utilise la lumière LED pour projeter un passage clouté sur la route (voir ci-dessous). Un langage commun doit être développé et approuvé pour cela, mais chaque fabricant concevra ses propres éléments. Et le simple fait que l’on maîtrise ces nouvelles technologies sera d’une importance capitale. »

Les villes ne veulent plus d’automobiles. Comment doit réagir le patron du design dans ce contexte ?
« L’une des tâches principales du design est de trouver des réponses solides à de telles questions. Un fort besoin de mobilité individuelle demeure. Nous devons donc trouver des solutions pour augmenter l’acceptation de la voiture dans les zones urbaines. Volkswagen revient à la simplicité et à la sérénité dans son nouveau design. Avec notre credo « la forme suit la liberté », nous nous sommes fixés comme objectif d’utiliser la liberté résultant de la mobilité électrique, de la connectivité et de la conduite autonome pour développer de nouveaux concepts de véhicules innovants. Dans le passé, les designers étaient comme des tailleurs dont la tâche était de créer de beaux vêtements pour habiller la technologie disponible. Notre domaine de travail est désormais orienté vers le design en tant que tel. Nous concevons également de nouvelles solutions de mobilité et participons beaucoup plus à leur mise en œuvre qu’auparavant. »

Dès lors, quel est le rôle de la famille I.D dédiée à cette mutation de la mobilité  ?
« La famille I. D. (ci-dessous) n’est rien d’autre que l’expression d’une nouvelle ère pour Volkswagen. Cela ne signifie toutefois pas que nous abandonnerons nos valeurs et nos fondamentaux. Avec la Coccinelle, Volkswagen a assuré naguère la mobilité d’un large éventail de la population. La Golf des années 1970 a ajouté les valeurs de fonctionnalité et de sécurité, qui ont ensuite conduit à la transcendance du design. L’objectif est que la famille I.D. devienne la troisième phase de l’invention de la marque après la Coccinelle et la Golf. Elle est à la base née d’une profonde mutation de la technologie, mais le défi pour les marques est de rendre cette technologie abordable et accessible à tous. Notre objectif est que la mobilité électrique soit aussi largement acceptée que possible, et cela n’est possible qu’avec une famille complète de produits. »

La mobilité électrique nécessite-t-elle un design différent ?
« Les clients veulent un nouveau look pour cette nouvelle forme de mobilité. C’est pourquoi elle enverrait le mauvais signal si nous emballions simplement la mobilité électrique dans un design familier. Nous voulons transmettre la durabilité, la qualité et la sophistication technique ainsi que la nature extraordinaire du produit. La technologie plus compacte permet plus de liberté dans le processus de conception. Nous utilisons cet atout bien sûr. »

Les concept-cars sont toujours un plaisir à voir, mais le produit de série n’a souvent pas grand-chose à voir…
« 
Vous serez surpris de voir à quel point le premier modèle de production I.D. ( berline du gabarit de la Golf, ci-dessous) sera similaire au concept-car. Nous parlerons aux clients dans une toute nouvelle langue. Et pas seulement en ce qui concerne l’apparence : après l’émotion de la découverte, le client découvrira la simplification d’usage avec des commandes réduites à l’extrême. »

Pourquoi le design des voitures électriques n’est-il pas encore plus radical ?
« La technologie compacte permettrait certainement des conceptions beaucoup plus futuristes … Cela a beaucoup à voir avec la législation actuelle. Tant que toutes les voitures ne seront pas TOUTES autonomes, le risque d’accidents demeurera. Dès lors, nos prochains produits de la gamme I.D. seront toujours dotés d’airbags et de zones de déformation qui prennent encore pas mal d’espace. »

La conception de la famille I. D. aura-t-elle une influence sur la prochaine génération de Golf ?
« La famille I. D. a sa propre identité qui définira le visage de la nouvelle marque I. D. Mais, bien sûr, nous devons exprimer la transformation globale chez Volkswagen dans nos conceptions. Notre avantage est que nous pouvons construire sur une famille de modèles emblématiques. La Polo, la Golf, la Passat, le Tiguan et le T-Roc, ont toutes de fortes personnalités que les consommateurs associent étroitement à la marque Volkswagen. La famille I.D. va fortement influencer la « famille de nos icônes », mais les deux familles ne se ressembleront jamais. »

Avec l’arrivée de la voiture électrique autonome, quels autres changements émergent concernant le travail d’un designer ?
« L’espace intérieur devient de plus en plus un espace de vie. Les attentes concernant l’architecture de l’habitacle et les matériaux augmenteront. Contrairement à d’autres, je pense que la voiture à usage personnel va trouver de plus en plus sa place face aux concepts de partage de voiture. Les gens préfèrent passer du temps dans leur propre salon que dans les espaces publics. »

Comment les designers traitent-ils le fait que la beauté est extrêmement subjective et que leur propre travail ne peut donc jamais être une science exacte ?
« Imaginez un monde où toutes les personnes aient les mêmes goûts ? Tout aurait une esthétique identique, ce serait terrible ! Ce sont ces différents goûts et notre diversité culturelle qui font de l’être humain ce qu’il est. Je suis convaincu que la transformation de la mobilité en cours ouvrira une nouvelle ère du design. »

Comment définissez-vous personnellement la beauté ?
« C’est une très bonne question ! Chaque personne, chaque dessin, chaque produit, que ce soit une voiture, un meuble ou un bateau, doit me faire ressentir une émotion, comme si j’écoutais un « son ». Soit la sensation est parfaite, immédiate, soit elle est affadie. Si ça ‘sonne’ bien et est rond, alors c’est beau. La simplicité et la perfection dans les proportions sont la base de la beauté. Des éléments de style surchargés, inutiles, sont pour moi des dissonances qui doivent être filtrées pour atteindre le cœur de la beauté. ”

Est-ce ainsi que se dessine un design durable ?
« Oui, je le pense. Mais le design doit également respecter les fondamentaux d’une marque, les codes stylistiques, même s’ils sont retravaillés sans cesse. Créer un langage formel pour une marque – une identité -, est un travail difficile. Et une fois que vous avez réussi cela, vous devez gérer très soigneusement ce trésor. Il y a une frontière très étroite entre avoir le courage de renouveler et la nécessité de préserver les éléments qui ont réussi. À chaque renouvellement de Golf, les mêmes questions reviennent sans cesse : qu’est-ce qu’on peut garder ? Que faut-il changer ?  La Golf ne serait plus la Golf sans son fameux pilier « C » emblématique. Une seule règle doit être appliquée : soyez prudent mais néanmoins courageux. Soyez responsable, mais avec du style. Mais évitez définitivement les caricatures. Au final, une Golf doit être une Golf et rien d’autre. Et quand un nouveau modèle doit être conçu, comme le T-Cross, nous devons faire beaucoup d’efforts pour lui permettre de se démarquer des autres produits et lui conférer sa propre personnalité. »

Comment exprimer les valeurs de la marque par le biais du design, par exemple la qualité ?
« La qualité a toujours eu quelque chose à voir avec la précision. Les surfaces doivent toujours être extrêmement belles et les proportions doivent être en harmonie. Y compris à bord, avec la prise en compte de la facilité d’utilisation d’un écran tactile par exemple. Que ressentez-vous ? Quelle est la précision du contrôle ? etc. »

La famille I. D. transmet des notions telles que la durabilité et l’efficience. Quels artifices de style ont été utilisés ça ?
« Principalement la simplicité. En fin de compte, nous revenons aux débuts de la marque Volkswagen. Les phares ronds de la Coccinelle lui offraient de la sympathie. Il n’y avait pas de calandre car le moteur était à l’arrière. Encore une fois, nous n’avons pas besoin de radiateur, alors pour moi, il était clair qu’il fallait revenir au charme de la “Beetle”. Les formes dans la nature nous ont également donné une direction précieuse – par exemple, la ligne calme et sereine semblable à dune de sable. »

Interview réalisé pour le site de communication de la marque.

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