Le 15 avril, le concept-car Lancia sera révélé à Milan. L’occasion de relire l’interview de Jean-Pierre Ploué, directeur du design de la marque italienne, réalisée lors de la présentation du manifeste Pu+Ra Zero.
Jean-Pierre Ploué est le responsable design de Stellantis Europe. Mais depuis la création de Stellantis, il est également le directeur du design de la marque Lancia. La présentation du manifeste Pu+Ra Zero est l’occasion de le rencontrer à nouveau.
S’inspirer des icônes de Lancia, c’est revisiter un sacré héritage : Pininfarina pour les Flaminia et Gamma coupé, Bertone pour la Stratos Zero et enfin Giorgietto Giugiaro pour la Delta. Ce n’est pas trop lourd sur vos épaules ?
« Je n’ai pas ce sentiment-là, j’ai un peu d’expérience quand même ! En fait, c’est la magie de l’exercice qui est incroyable, la renaissance d’une marque sur la base de son héritage. C’est quelque chose d’incroyable dans la vie d’un designer. J’ai eu la chance de connaître deux fois ce sentiment, avec DS tout d’abord, et aujourd’hui Lancia. Je me sers de toute l’expertise de mes années d’expérience, ce qui fait qu’on est allé très vite et ça a marché plutôt bien, et naturellement. On l’a fait avec beaucoup de plaisir ! On a beaucoup de pression bien sûr, que ce soit de timing, ou économique, mais c’est venu assez naturellement. 80% de l’équipe est italienne et moi je vis ici, en Italie, avec ma famille 60% de mon temps, le reste en France. »
Faire renaître Lancia, c’est plus simple que de créer DS ?
« C’est plus simple parce que l’ADN est fort aussi, mais l’héritage est encore présent et connu. DS, c’est différent, car c’est une marque totalement nouvelle, même si elle évoquait la DS historique. Lancia est une marque historique avec 116 ans d’histoire, et avec plusieurs voitures iconiques dans cette histoire. C’est une marque qui parle à tous les passionnés d’automobiles. »
On travaille sur quel thème dans ce cas-là ?
« On reprend l’ADN, la valeur, les codes et surtout, pas de rétro design. Lancia restera toujours moderne. On utilise des éléments typiques de la marque, comme les feux ronds qui seront présents sur l’Ypsilon, alors que la face avant évoque clairement le ‘calice’ historique de Lancia. On a repris l’essentiel des codes pour en faire un design moderne et surtout, durable. »
La Delta sera la dernière des trois Lancia annoncées, en 2028. Pourquoi pas avant ?
« Il y avait des priorités comme renouveler l’Ypsilon qui existe et qui est la dernière représentante de la marque aujourd’hui. On l’a réinventée et imaginée différemment. L’Ypsilon, c’est un peu comme une petite braise sur laquelle on a soufflé pour penser le futur. La marque a tenu grâce à elle et il y a une partie de son histoire qu’on réactive à travers la renaissance de Lancia. Concernant la Delta, oui, il y a eu bien sûr des débats. Le choix a été fait pour différentes raisons économiques et industrielles, mais l’Ypsilon était prioritaire. »
Comment arrivez-vous à switcher entre votre fonction de directeur de design Lancia et celle de directeurs du design Stellantis Europe ?
« La première chose, c’est que lorsque j’étais au style Citroën, je l’ai fait avec mes tripes. Depuis, j’ai pris un peu de recul et j’ai nommé un responsable de design pour chaque marque. Les nouveaux directeurs de design mettent tous autant leurs valeurs, leur esprit, leur créativité au service de leur marque qu’ils connaissent chacun très bien. Alors oui, il m’arrive d’arbitrer des designs qui se rejoignent parfois, mais si on travaille avec l’ADN et les valeurs de la marque, chaque modèle devient unique. Notre calandre Lancia ne pourrait pas se trouver sur une DS ou une Peugeot. Quant à nos designers chez Lancia, ils ont toute la maturité et l’expertise pour ce travail. On amène des réponses différentes à celles des autres marques. Même entre Alfa et Lancia, il n’y a pas de question qui se posent : d’un côté il y a la sportivité d’Alfa, de l’autre l’élégance à l’italienne pour Lancia. »
Votre collaboration avec Cassina (ci-dessus le fauteuil FELTRI By Gaetano Pesce) va-t-elle impacter le design intérieur ?
« C’est une coopération qui est née naturellement, car on a des valeurs communes, un ADN commun et tout ceci en Italie. Nous voulons des intérieurs très cozy, confortables avec un bien être italien, alors on s’est dit que partager une démarche commune était une évidence. Les designers de Lancia et de Cassina se voient, oui, mais en aucun cas nos designers font dessiner des produits Cassina et inversement, les designers Cassina ne vont pas dessiner nos intérieurs.“