En juillet, cela fera cinquante ans que l’homme a effectué ses premiers tours de roues sur notre satellite tout gris !
Sujet publié par l’autojournal – juin 2019 et rédigé par LIGNES/auto. Photos NASA
La Lune peut s’enorgueillir du parc automobile le plus petit de l’univers. On recense sur notre satellite trois véhicules. Trois LRV « Lunar Roving Vehicule » conçus par la NASA pour porter à leur apogée d’incroyables explorations lunaires.Ils ont parcouru là-haut près de 92 kilomètres !
Alan Shepard et Edgar Mitchell sont exténués. Les deux astronautes d’Apollo 14 marchent lentementsur le sol lunaire. Leur rythme cardiaque s’accélère. Ils cherchent en vain le cratère ‘Cone’ qu’ils doivent sonder lors de leur mission du mois de février 1971. C’est la première vraie exploration lunaire pendant laquelle les sites visités doivent permettre de découvrir l’origine de notre satellite. Mais voilà, entre les cartes prisent par des sondes éloignées et ces ombres qui tuent toute notion de distance sur un sol poussiéreux et parsemés de cratères, les deux astronautes peinent à s’orienter et ne discernent pas l’objectif visé. Les voici déjà à plus d’un kilomètre du module qui leur a permis de se poser sur la Lune.
Un kilomètre parcouru à pied, engoncés dans leurs combinaisons. Il leur faut désormais rebrousser chemin comme leur impose le directeur de la mission à Houston. Sinon, ils manqueront d’oxygène. Ils abandonnent alors cette partie de l’expédition et retournent vers le LEM. Même s’ils collectent des échantillons de roches lunaires lors de leur retour vers le module, les deux hommes ressentent une énorme frustration face à cet échec (*). Mais l’ensemble de la mission Apollo 14 reste une réussite sur le plan des échantillons collectés, dont 42 kg seront ramenés sur Terre. Plus tard, de retour sur la Grande Bleue, les relevés indiqueront que Shepard et Mitchell n’étaient finalement qu’à… 75 mètres de leur objectif. 75 m après un voyage de 384 400 km, il y a effectivement de quoi être frustrés !
En voiture James !
Une décision s’impose alors à Houston : terminé les Moon-boots, place au véhicule lunaire ! Désormais, l’Amérique ne fera pas que marcher sur la Lune, elle y roulera pour faciliter l’exploration de notre satellite. Cette voiture lunaire est dans les cartons depuis les années 1950 alors même que l’exploration lunaire n’est qu’un rêve. Après le discours du Président J.F. Kennedy qui a promis la Lune en 1961, le développement d’un moyen de locomotion est validé pour les missions Apollo, et plus particulièrement pour les dernières missions jusqu’à Apollo 20. Seulement voilà, la mission d’Apollo 13 avortée (ci-dessous) a participé, avec la réduction des budgets alloués à la Nasa, à l’annulation des missions Apollo 18, 19 et 20. Il faut donc faire vite.
Le véhicule lunaire doit être embarqué dès le mois de juillet 1971 à bord de la mission Apollo 15. La fusée qui arrachera les astronautes David Scott, James Irwin et Alfred Worden de l’attraction terrestre embarquera ce véhicule adapté à la circulation sur le sol lunaire. Une grande première !
L’inconnue du sol lunaire
Si Citroën avec sa 2 CV a inventé la formule des « quatre roues sous un parapluie », la NASA va répondre avec ses « quatre roues sous une parabole ». Parabole sous la forme d’une antenne retransmettant les vidéos des explorations en direct sur Terre ! Mais l’opération s’avère complexe. Le Lunar Roving Vehicule(LRV) pose un premier problème aux concepteurs du Centre de Vol Spatial Marshall.
Lors du début du programme, ils ne connaissent pas la consistance du sol lunaire. Les astronautes vont-ils s’enfoncer de plusieurs centimètres ? Et le LRV va-t-il sombrer dans les profondeurs de la Lune ? Plusieurs pneumatiques sont alors étudiés alors que les analyses des sondes Surveyor envoyées autour du satellite rassurent quant aux capacités du sol à supporter hommes et machines.
En parallèle au développement des performants scaphandres pour les astronautes, l’idée d’une cabine pressurisée sur le LRV est abandonnée (ci-)dessus). Puis celle d’un engin lourd et encombrant est également mise au rebus, car les missions Apollo n’utiliseront qu’une seule fusée et non deux comme prévu à l’origine du programme : une pour le matériel, une autre pour les hommes. Tout ce que l’Amérique compte d’entreprises capables d’aider à la conception du LRV collaborent alors au projet.
Nixon tient bon
C’est d’abord Northrop – réputée pour la conception de ses ailes volantes – et Grumman qui étudient des véhicules à cabine pressurisée avant leur abandon, puis Chrysler, Bendix, General Motors (à qui l’on doit notamment les roues du LRV) et enfin Boeing. La dernière esquisse du projet date de 1970. Voilà déjà un an que l’Homme a marché sur la Lune… Huit maquettes sont assemblées dont deux de seulement 35 kg, simulant ainsi le poids réel du véhicule sur la Lune, pour les différents tests. Quatre LRV sont finalement produits, dont trois sont utilisés pour les missions Apollo 15, 16 et 17.
L’investissement est énorme : près de 40 millions de dollars. Une partie du peuple Américain, l’esprit tourné vers la guerre du Viêt Nam, commence à grincer des dents face à ses dépenses colossales pour une exploration lunaire dont ils ne comprennent pas forcément les aboutissements. Mais en pleine Guerre Froide, le Président Nixon tient bon. L’Amérique roulera sur la Lune, avec succès. Et avant les Russes…
BONUS : Tout savoir pour rouler sur la Lune
Si vous désirez passer un WE lunaire, il vous faudra récupérer l’un des trois LRV abandonnés là-haut. Oui, ils sont restés sur place après le départ des astronautes ! Le Lunar Roving Vehicule mesure 3,12 m et repose sur un empattement de 2,30 m. Il est léger : 210 kg, mais sur la Lune, absence de gravité oblige, il ne pèse que 35 kg ! Le LRV se plie en quatre, ou presque. Ses roues se rabattent sur le châssis en aluminium afin d’être embarqué à bord d’Apollo.
Le « pilote » dispose d’un joystick adapté à sa grosse paluches gantée. Devant lui, un écran multi-informations permet de surveiller entre autres la charge des deux batteries zinc-argent qui autorisent une autonomie de presque 100 km. Royal ! Il ne vous sera pas nécessaire de vérifier la pression des pneus. Ceux-ci sont constitués d’un treillis métallique recouvert en grande partie de plaques de titane, un alliage utilisé également pour les jantes. Chaque roue est motrice et directrice avec un petit moteur électrique intégré de seulement un quart de cheval de puissance, mais le réducteur adopte un rapport de 1/80.
Les astronautes se plaindront parfois de panne de la « direction intégrale » mais le LRV assurait quand même ses missions. Les sièges sont semblables dans l’esprit à ceux d’une 2 CV et des ceintures de sécurité avec un simple Velcroont permis aux astronautes de ne pas être éjectés lors des passages dans les petits cratères, à la vitesse maxi de 14 km/h !