Lorsqu’en 1975, le centre de style Citroën se retrouve sans patron après le départ de Robert Opron (auteur des CX, GS et SM), rien ne semble chagriner une direction qui porte alors peu de crédit à l’équipe en place… Cette dernière va pourtant montrer sa force. En vain.
En 1980, alors que le centre de style Citroën entame sa cinquième année sans direction officielle, Jean Giret (ci-dessus) – bras droit de Robert Opron et modeleur émérite – pousse l’équipe des studios à démontrer son savoir-faire pour contrer Bertone. Le carrossier italien est effectivement chouchouté par la direction et vient de boucler le projet de la BX qui sera commercialisée deux ans plus tard, en 1982.
Étudié en catimini en interne dans le bureau de style Citroën, le projet d’un successeur à la CX naît au début de cette décennie 1980. Il est l’oeuvre de Giret qui tente coûte que coûte de réhabiliter son équipe. Le projet E est un travail qui ne repose sur aucun cahier des charges officiel. Jean Giret est alors un homme discret et volontaire. Pragmatique. Avec ses collègues du bureau de design (Gromik, Charreton, Dargent, etc.) il a tenu à bout de bras le style pendant cinq années, entre le départ de Robert Opron et l’arrivée de Trevor Fiore. Son ambition ? Démontrer qu’après la formation du groupe Peugeot-Citroën, la marque avait conservé toutes ses facultés de créativité. Pour exprimer cette appétence, quoi de mieux que le projet d’une grande berline, car la CX née en 1974 va sur ses six années d’existence.
Ce projet « E » est le dernier à recevoir l’empreinte de l’équipe de style demeurée pratiquement intacte après le départ d’Opron. En 1989, Jean Giret évoquait avec moi ce programme : « en juin 1980, lorsque nous le réalisons, la BX était déjà gelée mais elle n’était pas encore commercialisée. Nous étions au creux de la vague et en proie à un travail de sape qui venait de tous côtés, notamment au sein même de Peugeot-Citroën, afin d’introduire les designers de Chrysler. Il y a eu un resserrement des rangs au sein du style Citroën dont j’étais devenu le chef de file. Estaque nous avait demandé de prouver que le style Citroën n’était pas en panne. Pour ce projet « E », il n’y a pas eu de cahier des charges mais nous l’avons imaginé : il fallait conforter le véhicule en volumes, donc en dimensions.”
“Ce fut le seul programme de remplacement de la CX jusqu’à la XM. Avec la CX, Peugeot nous a fait comprendre que c’était la fin de la philosophie Citroën. Le projet « E » a été porté jusqu’à cette maquette et a été montré de façon très discrète à Lombard ou Karcher, je ne sais plus. Mais il n’était pas en phase avec les préoccupations du moment… » La grande berline « E » proposait une largeur habitable plus généreuse que celle de la CX et un style totalement raccord avec celui de la BX, pour une cohérence de gamme. De la CX, elle reprenait les flancs à trois glaces latérales, alors que la petite remontée de caisse sur la porte arrière était empruntée à la SM. Cette berline semblait également avoir retenu la solution d’une cinquième porte pour accéder au coffre. Soit tous les fondamentaux des grandes routières des années 1980… En 1984, Jean Giret participera à l’étude de la XM (la première grande Citroën-PSA qui partage ses dessous avec la Peugeot 605) avec cette proposition ci-dessous, sans succès… Marc Deschamps chez Bertone remportera le concours de style de cette grande berline XM qui arrivera sur le marché… NEUF années après le projet “E” de Giret !
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