Chez Alpine, le message est clair : « le passage à l’électrique n’est pas une question, c’est une nécessité. » La marque sportive profite de la célébration de ses 70 ans pour révéler le deuxième modèle 100% électrique de son Dream Garage qui en comportera sept au total. C’est le Sport Fastback A390, un crossover qui a été en grande partie défloré par le concept-car A390-B exposé lors du Mondial de Paris 2024. LIGNES/auto porte sur ce nouveau modèle un regard particulier mais avant, l’auteur doit se confesser…
Autant être direct avec vous : je me sens mal à l’aise à l’idée d’évoquer la nouvelle Alpine A390. Ça ne concerne pas le produit (je le précise avant que la communication fasse un arrêt cardiaque) mais mon expérience personnelle. Qui n’intéresse personne, mais voilà : je suis le dernier d’une famille de cinq enfants – très courant dans les années 60- et je ne partais pas souvent en vacances, car la Renault du paternel n’était pas encore ‘une voiture à vivre.’ En tous les cas, pas à plusieurs. Pas de place à bord pour moi. Direction chez la grand-mère et les parties de Mah Jong interminables.
Je m’en fichais éperdument, car je savais que le meilleur ami de mon père accompagnerait avec sa Berlinette A 110, la R10 familiale au retour des congés. Le dénommé Gilbert arrivait bien avant mon père au volant de son Alpine jaune. Les vacances pour moi, c’était ça : puni à cause d’une Renault à l’habitabilité d’une boîte d’allumettes, mais récompensé par un tour de Berlinette… Et ce petit tour en A110 s’effectuait sur les routes qui deviendront plus tard celles du rallye de la Châtaigne, près d’Autun.
Un rallye inscrit au championnat de France, et même d’Europe en 1977 avec la victoire de Guy Fréquelin sur une… Alpine A310 ci-dessous. J’étais un petit rejeton à l’époque, et une Alpine pour moi, c’était autant magique qu’effrayant, et d’une fragrance particulièrement oppressante avec cette odeur de colle enivrante. Alpine pour moi, ça restait jusqu’à aujourd’hui une marque totalement incompatible avec la famille. Une caisse qui puait à l’intérieur, une caisse d’égoïste, mais une caisse inoubliable.
Quand je suis devenu journaliste, et devant la bible lors du cérémonial de l’objectivité, j’ai levé la main droite et j’ai dit « je le jure », en me gardant bien de préciser que j’étais agnostique. Alors une petite excursion dans la partialité aujourd’hui ne va pas me jeter en enfer. Et qui sait, le diable roule peut-être en Alpine rouge Sismique, comme l’Alpine A110 R 70 disponible dans cette teinte ci-dessous ?
Aujourd’hui est un grand jour : les mots famille et Alpine sont désormais compatibles, miscibles, et rien que pour ça, J’AIME L’A390 ci-dessous. Voilà, je viens de me mettre à dos la moitié des passionnés de la marque. J’assume. Comme chantait Yves Montand, « il y a ceux qui rêvent les yeux ouverts et ceux qui vivent les yeux fermés. » Je vis avec mon temps, les yeux ouverts.
Et je m’appuie sur des paroles officielles, comme celle d’Antony Villain ci-dessous, le directeur du design de la marque qui annonce que la future A110 est déjà sur les rails et que la marque fait partie intégrante de la stratégie du groupe Renault. L’équipe de designers d’Alpine est passée d’une dizaine de personnes à la renaissance de la marque en 2017, à une cinquantaine aujourd’hui ! Le constructeur français n’a surtout pas l’intention de mener Alpine comme la direction le faisait dans les années 1990 : en l’abandonnant.
Le patron actuel de la marque, Philippe Krief, n’est pas avare d’informations précises sur le devenir de la marque : « nos trois principaux défis sont de lancer une gamme de sept produits dans les sept prochaines années. Nous voulons démontrer que nous pouvons faire encore mieux avec le 100% électrique. » Deuxième défi et non des moindres, « développer un réseau de distribution. Aujourd’hui, 70% de nos ventes se font en France, et nous avons l’ambition qu’en 2030, plus de la moitié soient réalisées hors de France, en Asie et aux États-Unis. » Le troisième défi est d’ancrer solidement la marque naissante en développant, grâce au sport notamment – F1 et endurance -, sa désirabilité en dehors de la France, dans le segment premium.
Et Philippe Krief ajoute à ce propos que « l’A390 est notre deuxième véhicule du Dream Garage qui veut aller conquérir un nouveau marché puisque c’est un Sport Fastback . C’est une voiture de course dans un costume de soirée. Nous célébrons cette année les 70 ans de la marque, mais tout Alpine est dédié à ce qu’il va se passer dans les sept prochaines années. Elles vont nous permettre de positionner Alpine dans le gotha des marques automobiles et de faire d’Alpine l’Étoile française dans ce domaine. »
L’Alpine A390 est donc le premier modèle crossover de la marque à quatre portes – cinq avec son hayon – et à cinq places (l’A290 avec ses cinq portes dérive directement de la R5 E-TECH) et donc trois places à l’arrière de ce crossover Premium, ci-dessus. Avec elle j’aurais pu partir en vacances et arriver bien plus vite sur les plages qui fascinaient le gamin que j’étais, éloigné des mers et océans. Avec elle, je n’aurais pas progressé au Mah Jong, mais j’aurais pu partager plus de moments avec ma sœur et mes frangins. Avec elle, j’aurais pu débarquer devant l’école primaire, en frimant bien plus qu’avec le dernier cadeau Bonux dans les mains.
Lorsque l’A390 sera commercialisée en 2025, tout ceci sera possible et j’envie les gamins des futurs propriétaires de ce premier crossover de la marque. Il serait effectivement logique que les acheteurs de ce modèle aient l’esprit familial, sinon à quoi bon s’embarquer à bord de cette cinq places ? Et puisqu’on parle de place, Alpine va débouler dans un marché totalement nouveau pour tenter d’y consolider la sienne. La formation du réseau commercial devra tenir la route aussi bien que ce qu’Alpine nous promet avec son A390.
En milieu de mois, nous avions publié un sujet qui tentait d’expliquer que l’ADN du crossover n’était pas totalement absent de celui de la marque dieppoise, ci-dessus (à relire ici : https://lignesauto.fr/?p=40137) Sans A290, sans A390, il n’y aurait pas de futures A110, A110 Roadster et A310 dans les tuyaux. Ne tournons pas autour du pot : soit vous changez de logiciel et acceptez ce que vous pensiez inacceptable, soit vous restez dans le monde merveilleux de oui-oui dans lequel une Alpine A110 seule n’aurait de toute façon aucune chance de survie.
L’A390 sera assemblée sur le site historique de Dieppe. Nos confrères de l’argus l’imaginent par la suite produite à Douai, sur les lignes du Scénic E-TECH qui, lui, partirait en Espagne pour la fabrication de sa prochaine génération. L’A390 est assurément le produit le mieux adapté aux ambitions actuelles de la marque. Des ambitions qui vont bien plus loin que la seule survie. N’oubliez pas qu’il y a trente ans tout juste, Alpine s’était éteinte par faute de renouvellement convaincant. Le constructeur précisait voici quelques jours que « lors de la définition de l’A390, les objectifs qui ont guidé l’ingénierie Alpine ont été clairs : offrir au futur A390, sport fastback 5 places, l’agilité et le plaisir de conduite de la mythique A110 (ci-dessus). Il intègre tout l’ADN dynamique d’Alpine, avec des performances au plus haut niveau des modèles de la marque tout en offrant l’espace d’une véritable 5 places. »
Avec son système sophistiqué de torque vectoring qui permet de s’amuser comme au volant d’une A110 – j’attends que des confrères plus à l’aise que moi derrière un volant le confirment – l’A390 ne serait pas un crossover pataud. Côté poids, avec un minimum de 2121 kg, on est à des années lumières des 635 kg d’une A110 1600 (pardonnez-les Monsieur Rédélé, la fée électrique est un elfe pesant) mais ce chiffre reste « cohérent » face à la concurrence… par exemple celle de la Porsche Macan ci-dessus et ses 2220 kg en version 100% EV..
Ce chiffre est toutefois à mettre à l’avantage de la Française car l’Alpine est une quatre roues motrices et que dans le cas de la Macan 4 à transmission intégrale, le poids de l’Allemande grimpe à 2330 kg. Certes, la Porsche est d’un gabarit plus généreux de 4,78 m de longueur à comparer aux 4,61 m de l’Alpine.
Porsche : le nom est tombé ! Les plus anciens se souviendront peut-être de la couverture de l’auto-journal du 11 mars 1971 ci-dessus, où l’on découvrait l’A310 au côté de Jean Rédélé avec ce titre ambitieux : « Monsieur Alpine attaque Porsche avec la nouvelle A310. » C’est donc reparti pour un tour : 54 ans plus tard, les belligérants se retrouvent et on espère cette fois, avec un franc succès pour le Français ! Ceux qui n’ont pas encore changé de logiciel me contrediront en rappelant que le Macan existe aussi en version thermique, ce qui ne sera pas le cas de l’A390…
Côté design, Macan et A390 ne sont pas nés dans le même univers. Porsche doit faire du neuf sans affaiblir l’actuelle génération thermique, d’où un nouveau Macan très… Macan, alors qu’Alpine part d’une feuille blanche à travers de laquelle on peut distinguer en transparence les gènes de l’Alpenglow ci-dessus, et pas seulement pour la signature lumineuse. Côté concept de base, il est clair que le thème esthétique de l’A110 se révèle dans le traitement du panneaux arrière et de la « bulle » du hayon. Il y a sans doute trop de poignées de portières pour les fanatiques de la marque, mais il faut bien les ouvrir ces portes, non ?
Elles ouvrent l’accès à un habitacle qui donnera du grain à moudre aux « platistes. » La Terre n’est pourtant pas plate, « mais Alpine ne peut pas faire ça : intégrer à bord de l’A390, sportive premium, la planche de bord de la berline Megane E-Tech » hurleront-ils. Nous aurions pu écrire que la planche de bord de Mégane a également été reprise par le Scénic 100% EV. Et bien si, Alpine l’a fait et tout s’explique. Lorsqu’un produit est lancé, il est d’emblée question de volume(s) et de business-project. Et donc, de gros sous. Une refonte totale de la planche de bord avoisine selon les constructeurs et les plateformes les 10 millions d’euros. Et 10 millions d’euros suffisent à faire capoter un projet. Fut-ce le cas pour ce projet Alpine ?
Dix millions au bas mot car le poste de conduite d’une automobile est un ensemble lourd en termes d’investissements : la planche de bord n’est pas la seule impactée en cas de changement. Il faut y ajouter les sièges si le volant venait à changer de position par rapport à celle jusqu’alors retenue sur la plateforme.
Et puis les tests de sécurité (notamment airbag) sont à refaire ainsi que l’implantation de tout ce qui se trouve caché par la planche, même si sur la plateforme concernée ici, le bloc de climatisation a été logé sous le capot moteur. Au final, tout n’est heureusement pas identique avec la planche de la Renault. Le volant est celui de l’Alpine A290 modifié et tout le graphisme et les fonctions IHM (interface homme machine) a été pensé, dessiné et conçu avec l’ADN de la marque Alpine. Sans oublier la console centrale qui remonte haut et vous permettra de faire corps avec la machine
Comme le confiait Laurens van den Acker à LIGNES/auto lorsqu’il a présenté la planche de bord de la Renault Mégane, l’écran en « L » appelé Open R « « est la résultante des travaux menés sur les concept-cars Trezor de 2016, SymbioZ de 2018 et Morphoz de 2020. » Imposer les aérateurs gauche et central intégrés dans cet écran en « L » – voir photo ci-dessus- n’a pas été facile : « c’est extrêmement complexe de les intégrer dans l’Open R et je dois dire que les ingénieurs se sont un peu arraché les cheveux, mais ils ont joué le jeu et nous ont suivis ! » Laurens van den Acker précisait alors que « ce concept peut être facilement implanté sur d’autres modèles » Exact : l’Alpine A390 en profite aujourd’hui.
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Pour le reste, question dimensions, l’Alpine A390 s’éloigne de la Renault Mégane E-TECH : 4,61 m de longueur contre 4,20 m à la Mégane, 1,88 m de largeur contre 1,76 m alors que la Mégane est plus basse (1,50 m contre 1,53 m à l’Alpine). Cette dernière prend sa revanche au niveau du volume du coffre : 532 l contre 440 à la Renault. Si un jour on m’avait dit que j’évoquerais le volume de coffre d’une Alpine dans un de mes sujets…
Côté design, il ne faut pas oublier d’évoquer la lame à l’extrémité avant du capot, prévue pour laisser s’écouler l’air afin de canaliser les flux aérodynamiques, ci-dessous. On le sait, avec une recherche d’autonomie toujours plus grande sur ces nouveautés 100% électriques, l’aérodynamique prend encore plus de place dans l’étude des nouveaux produits.
Ce concept de lame en bout de capot peut être interprété de plusieurs façons. Sur son nouveau concept-car Speedtop, BMW capte l’air en amont par le biais des deux naseaux de la calandre. Renault sur son concept-car Emblème opère plus directement, à la façon d’Alpine, en captant l’air de part et d’autre des optiques, en partie supérieure du soft-nose. Il semblerait que le concept soit efficace car il se développe sur de nombreux projets. Alpine le bascule en série avec son A390.
Que ce soit seulement pour le plaisir de l’observer ou plus sérieusement pour l’acquérir, vous n’apprécierez cette A390 que si vous changez de disque dur. Le monde automobile connait une mutation accélérée, mais le fond n’est pas nouveau : on a tous gueulé contre des Jaguar sur base de Ford Mondeo, on a tous hurlé aux loups lorsque BMW a mis des diesel sous le capot, et que dire de Porsche dans le même contexte ? On a aussi raillé les cabriolets Mercedes diesel, mais au final, le monde a continué de tourner. Avec l’A390, Alpine ne fait finalement que répondre à des obligations de respects des normes et à une équation économique imparable : sans elle, sans ses futures sœurs, Alpine aurait connu le même sort qu’en 1995. La mort…
BONUS : une gamme, un futur et des souvenirs
« Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas… » Oh ! On a compris : Alpine change ! Mais avouez que cette photo de la gamme ci-dessus prise à l’occasion de la commercialisation de l’A310 en 1971 a de la gueule ! Une gamme complète à l’époque, c’était une Berlinette en deux variantes, et une 2+2 aux ambitions de dévoreuse de Porsche 911. Au-dessus, la gamme actuelle avec la Berlinette thermique – celle de la renaissance de la marque en 2017 – et les deux premières Alpine 100% électriques du Dream Garage : l’A290 et l’A390. Une preuve s’il en fallait une qu’Alpine est devenue une marque et, à ce titre, va élargir son audience. Et bonne nouvelle, il manque quatre enfants sur la photo.
BONUS : la future A110 sera bien 100% électrique…
En dévoilant la future Alpine A110 sous bâche, le constructeur confirme qu’elle sera exclusivement électrique. Et pour nous mettre l’eau à la bouche, l’A110 de 2026 – 2027 pour le roadster – nous dévoile sa signature lumineuse, ci-dessous, différente de celle du crossover A390. Pour le reste, il faudra patienter, même si la plateforme APP modulable prévue pour les A110 deux places et A310 2+2 places a été dévoilée. Elle repose sur une implantation de batteries repoussées derrière la cloison habitacle plutôt que sous les sièges pour ce qui est de l’A110. Le tout, pour un abaissement sensible du centre de gravité.
BONUS : tous représentants du savoir-faire français
Jusqu’alors, la marque DS Automobiles se vantait à juste titre de mettre en avant l’artisanat et le savoir-faire français. Les matériaux (parfois jusqu’à la caricature à bord de la DS E-Tense de 2014) et les finitions opèrent aujourd’hui une véritable magie à bord des DS N°8 et N°4. Mais DS Automobiles n’est plus la seule marque à brandir la bannière du savoir-faire français.
Voilà qu’en interne, le cousin Peugeot – pourtant hors du pôle Premium- « est fier de contribuer au soutien de l’excellence et du savoir-faire français et devient partenaire de la Société nationale des Meilleurs Ouvriers de France. » Et ces deux marques françaises sont aujourd’hui vaillamment titillées par Alpine qui revendique également le savoir-faire français. Pneus Michelin et sono Devialet sont la cerise sur le gâteau de l’A390 produite en France. Ce dont ne peut se vanter la DS N°8…
EN BREF : l’Alpine A390 en quelques mots et chiffres :
-Deux finitions disponibles : GT (400 ch- 200 km/h) et GTS (470 ch- 220 km/h)
-Autonomie de 520 à 555 kms
-3 moteurs : un à rotor bobiné à l’AV et deux AR (synchrone à aimant) – un pour chacune des roues.
-Grâce à cette architecture, les deux moteurs arrière offrent un contrôle indépendant de chaque roue, ce qui permet la mise en œuvre de l’Alpine Active Torque Vectoring afin de retrouver les sensations de pilotage d’une A110.
-Architecture EV 400 volts.
-Pneumatiques spécifiques Michelin A39.
-Freins : disques de 365 mm, étriers 6 pistons, une première pour Alpine qui veut tenir la dragée haute face à Porsche…
-Triangles de suspension en aluminium forgé.
-Six teintes de caisse: Noir Profond, Bleu Abysse, Bleu Alpine Vision, Argent Mercure, Blanc Topaze, Gris tonnerre mat.
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