LIGNES/auto est ravi de découvrir le concept-car Concept ‘C’ d’Audi qui n’est ni un SUV, ni un crossover ! Ce concept est une vraie bagnole qui ne fait pas pour autant l’unanimité. Il y aurait effectivement à dire sur l’absence de lunette arrière, sur un aspect techno à bord en manque de sensualité et nous allons aborder tout ça. Mais sa simplicité tranche avec les dernières créations de la marque où les surcharges de style parfois inutiles commençaient à sérieusement alourdir le design d’une marque reconnue dans les années 1980-1990 pour sa légèreté et fluidité. Le concept ‘C’ porte un coup d’arrêt à cette escalade et on rêve que d’autres en fassent tout autant…
Pour autant, ne tombons pas dans le panneau : l’effort d’Audi est à saluer mais la stratégie design du constructeur allemand n’a rien d’inédit puisqu’elle rappelle fortement celle qu’a menée le design Renault à l’entame des années… 2000 ! Elle avait alors pris la jolie appellation de « Simplexité » qui tente de rendre simple ce qui est technologiquement compliqué. Le concept-car qui en a posé les bases était le Talisman de 2001 (ci-dessous) intégralement dessiné par Stéphane Janin (extérieur et intérieur) avec la collaboration de Nathalie Dugauquier pour les couleurs et matières.
Cette mise en parallèle des stratégies design de Renault et d’Audi est d’autant plus amusante qu’au milieu des années 1990, le design Audi ne cachait pas s’être inspiré du concept-car Renault Argos (1994, ci-dessous, dessiné par Jean-Pierre Ploué) pour enfanter le coupé TT, celui-là même qui a servi d’inspiration pour le nouveau concept ‘C’ de 2025. Ces Renault Argos et Talisman ont toutes deux été créées sous la responsabilité de Patrick le Quément.
L’Argos a inspiré Audi, mais en interne le “coupé Argos” a existé sous forme de dessin et d’une maquette. Axel Breun, alors designer Renault, avait développé ce coupé ci-dessous et nous disait que « ce projet aurait pu devenir quelque chose de grandiose. Sur la base de l’Argos, j’avais dessiné cette version coupé bien avant l’Audi TT. Ce qui est certain, c’est que nous – comme les designers allemands – travaillions sur les mêmes pistes en termes d’architecture, de langage formel… Mais l’arrivée de l’Audi TT nous a démontré la nécessité d’exploiter au plus vite le dessin d’un concept fort, le plus vite possible. » Audi a grillé Renault qui avait alors d’autres projets plus importants à traiter.
Le concept-car Talisman, lui, s’appuie sur le thème du « Touch-Design » qui intègre cette notion de « simplexité ». Patrick le Quément expliquait à l’époque que « le concept Talisman est un concept remarquable. Nous sommes alors dans une démarche de ce que j’appelle la ‘simplexité’, un concept que j’ai évoqué une première fois en 1999 avec un texte qui explique cette notion de rendre simple ce qui est technologiquement compliqué. »
Un discours qu’on pourrait remettre presque mot pour mot dans la bouche de l’actuel responsable du design Audi, Massimo Frascella qui explique que « la technologie est un moyen de progresser, pas une fin en soi. Nous ne voulons ni la cacher ni la mettre en avant : elle doit inspirer sans être dominante. Pour Audi, la technologie est une évidence, discrète mais fonctionnelle et présente lorsque le client le souhaite. »
Ci-dessus, l’habitacle du concept-car Renault Talisman de 2001 fait l’éloge du vide et de la légèreté pour apporter une sensation de confort et de bien-être inédite, comme le soulignait en 2020 Patrick le Quément lors de la rédaction du livre “Concept-car et prototypes d’études Renault”: « il fallait aller à l’encontre de ce qui devenait de plus en plus compliqué, avec une technologie parfois peu intuitive. Chaque commande doit inviter à l’utilisation, suggérer la fonction. Pour atteindre ce résultat, les matériaux utilisés doivent être doux au contact, la forme doit être lue comme une invitation et leur manipulation doit être en parfaite adéquation avec leur mécanisme. Je suis frappé aujourd’hui par les mises à jour d’Apple qui rendent les choses de plus en plus complexes. L’idée est donc de montrer avec Talisman la simplicité des diverses commandes. »
Dans sa communication de 2001, le constructeur détaille davantage ce concept du Touch Design en expliquant « qu’il n’est pas seulement une question d’aspect. Il s’agit aussi d’une attraction tactile de l’objet qui débouche sur une incitation à l’action. » Pour le Quément, « le concept-car Talisman est donc pour moi un très bel objet que l’on a voulu extrêmement simple dans sa lecture. »
Mais la force de Talisman sorti la même année que la VelSatis de série (une berline haute…) est de proposer un coupé quatre places extrêmement bas : 1,38 m, soit 20 cm de moins que la grande berline, ce n’est pas rien ! Était-ce alors une volonté de prouver que le design aurait été capable dessiner une voiture très basse dans l’univers du haut de gamme ? Patrick le Quément sourit et nous confie que « oui, si vous voulez l’interpréter ainsi… mais ce n’était pas le discours officiel ! » Quant à l’Audi Concept ‘C’, le simple fait qu’il repose sur le thème du coupé/cabriolet assez compact et bas est une révolution en soi dans l’univers automobile axé principalement vers des silhouettes majoritairement rehaussées et de type crossover.
Les deux concept-cars Talisman de Renault et Concept ‘C’ d’Audi côte à côte matérialisent un quart de siècle d’évolutions au niveau de la recherche d’une certaine simplicité dans le design. Le concept français remporte la mise lorsqu’on ouvre les portières…
À bord de Talisman, la ‘simplexité’ va de pair avec une réelle sensualité, à la fois dans les formes et dans les matières exigées par le thème du Touch Design. Je n’aimerais pas manipuler plusieurs fois par jour les poignées de portières anguleuses et très techno de l’Audi (ci-dessous à droite), alors que sa rivale française offre des matériaux doux qui proposent un vrai confort de préhension.
À la décharge du concept Audi, il semblerait que le constructeur veuille présenter d’ici deux ans un coupé sportif 100% électrique et donc, le Concept ‘C’ se rapprocherait d’un véhicule industrialisable. Pour autant, la philosophie de Massimo Frascella est identique à celle menée par les designers Renault voici près d’un quart de siècle : « la simplicité est l’essence même de mon approche du design » dit le nouveau boss du design Audi. « Je suis passionné par la création de modèles dépourvus d’ornements superflus et qui ne se contentent pas de suivre les tendances. Au contraire, nous nous appuierons sur un langage de design intemporel et sophistiqué. »
Et d’après le patron de la marque allemande, Gernot Döllner, « Massimo Frascella veillera à ce que les véhicules Audi incarnent l’identité de la marque grâce à un langage de design incomparable et émotionnel. La clarté, la précision et les proportions parfaites sont au centre de sa philosophie du design – des qualités qui sont parfaitement en phase avec l’image de la marque Audi. » Donc le futur coupé sportif ne sera pas une exception dans la future gamme Audi et en sera au contraire le manifeste qui fera plonger la marque dans une nouvelle ère plus sereine, esthétiquement parlant…
Autre sujet qui interpelle lorsqu’on découvre le concept ‘C’, c’est sa relative parenté avec de récentes créations, notamment avec le concept Jaguar Type 00 ci-dessus. Ce dernier, hormis son bloc de climatisation en lieu et place du coffre, peut être considéré comme une approche décalée et intéressante. Si l’on veut bien mettre de côté un aspect pour le moins important : l’acceptation ou pas de la clientèle fidèle au Jaguar, un Jaguar qui a d’ailleurs disparu du logo…
Ce problème étant mis sous le tapis, force est de reconnaître que l’Audi Concept ‘C’ évoque l’Anglaise. Et la question se pose d’autant plus franchement que Massimo Frascella ci-dessous a été designer au sein du groupe JLR qui regroupe Jaguar et Land Rover au sein du géant Tata. Or, Massimo a rejoint Audi en 2024. Un an à peine avant la révélation du concept-car Jaguar Type 00. A-t-il participé à son design ?
Chez Jaguar, on reste très corporate dans le discours en évoquant le designer extérieur du concept : Constantino Segui Gilabert. Ce dernier expliquait même lors de la présentation de la Type 00 que « ses proportions brutales reflètent l’esprit unique de la créativité et de l’originalité britanniques. Elle célèbre l’art et incarne l’essence du Modernisme Exubérant. » Le grand Gerry McGovern, actuel Chief Creative Officer de la firme, confirmait de son côté que ce côté exubérant n’aurait pas d’impact sur les fidèles de la marque puisqu’il se murmurait alors que « Jaguar envisage de ne conserver que 15 % de sa clientèle actuelle. »
Pour Audi, la démarche est tout autre puisque le Concpet ‘C’ anticipe un design qui incarne à 100% l’ADN de la marque : simplicité et technologie. En arrivera-t-on de nouveau à la belle période des années 1980-1990 avec un design épuré dicté par la technique (vitre affleurante notamment) ? Une période chapeautée par Hartmut Warkuß (ci-dessus) C’est en partie le message passé par ce concept. À confirmer dans quelques années et constater si ce design assagi mais toujours expressif aura été dans l’air d’un nouveau temps… Le nouveau temps Audi.
LA FIN DES LUNETTES ARRIÈRE ?
L’absence de lunette arrière sur certains concept-cars ne date pas d’hier. Près de nous, en 2016, DS Automobiles présente la E-Tense qui s’est fait remarquer par une telle absence. Même chose pour le récent concept-car Jaguar Type 00 comme le tout nouveau Concept ‘C’ d’Audi. Pour ce dernier, c’est une sacrée différence par rapport à l’un de ses inspirateurs, le concept-car Avus, ci-dessous.
Il existe trois raisons à cela : la présence de moteurs électriques en 2025, moteurs que l’on préfèrent cacher contrairement au W12 qu’Audi mettait en exergue derrière une large vitre. Deuxième raison : la multiplication des capteurs et caméras capables d’alerter lors d’un stationnement et même de vous prévenir d’un piéton ou enfant jaillissant brusquement derrière vous. Et enfin, n’oublions pas que le verre est bien plus lourd que la tôle. Et dans des engins qui trimballent quelques centaines de kilos de batteries, il n’y a pas de petites économies de poids !
