English translation at the end of the post
C’était il y a une décennie. Un siècle à l’échelle du design automobile. En découvrant la maquette de la Peugeot 208 de 2012, l’un des participants à la réunion aurait lâché : « elle n’est pas un peu trop petite ? » Cette compacité a finalement été perçue comme un atout.
Compacte, légère et dynamique, la 208 de 2012 a eu de belles cartes à jouer pour affronter les concurrentes du segment B2 et notamment la première Clio de l’ère Laurens van den Acker chez Renault. Mais ça, c’était hier.
Sept ans après, avec la nouvelle 208 de 2019, Peugeot change tout. Nouvelle plateforme mais aussi nouveau design. Exit les rondeurs et le côté chaton de la précédente génération de 208, place à un félin aux volumes bien plus dynamiques et aux crocs acérés.
LIGNES/auto a mis les… grands plats dans les grands plats. Vous voici en compagnie du designer extérieur de la 208 (Kevin Goncalves) et du responsable design projet de cette nouvelle Peugeot (Yann Beurel). Avec eux, partez à la découverte du design de cette berline qui veut bousculer son segment (voir ici : https://www.youtube.com/watch?v=2LhRl8wcBVE)
LIGNES/auto : En découvrant cette nouvelle 208, on a l’impression d’une voiture plus grande, plus dynamique que l’actuelle !
Kevin Goncalves : « La nouvelle 208 est plus longue, plus large et plus basse que l’actuelle génération. Sur ce nouveau projet, on a vraiment travaillé en priorité les proportions en reculant le pare-brise. La cabine est plus en arrière, le capot devient plus long, plus sculpté. Quant au pavillon il a été abaissé et il est fuyant, très dynamique. »
Vous aviez une 208 dans le bureau de style au moment de démarrer le programme P21 ?
K.G. : « Non, en règle générale, on va plutôt chercher ce qui est sorti en dernier du bureau de design. Il faut voir toujours plus loin. La façon dont on raisonne avec Gilles Vidal est de travailler au plus long terme possible. Quelle direction prendre. Pour la 208, notre but était aussi de penser au design intérieur avec nos collègues. Une sorte de ping-pong entre les équipes ‘inter’ et ‘exter’ qui permet d’aboutir à un produit extrêmement cohérent. »
Vous aviez quand même en tête les 3008, 5008 et 508 qui vous ont un peu tracé la voie ?
K.G. : « Chaque voiture qui pointe le bout de son nez ramène à l’histoire de la marque. Avoir la confiance de la marque, c’est génial. Peugeot est arrivé sur le marché avec une 508 très aboutie et la 208 est naturellement devenue une « baby 508 », elle va même plus loin encore en termes de design. La Série 2, c’est notre porte bonheur ! »
Ces nouvelles proportions, c’est avant tout grâce à la nouvelle plateforme ?
K.G. : « Au début du projet, on se voit avec les équipes du produit. On savait qu’avec les précédentes nouveautés (3008, 5008, 508) et la nouvelle plateforme, la 208 serait tirée vers le haut, en phase avec la montée en gamme des produits actuels de la marque. »
En quelques mots, vous pouvez nous décrire le style de votre bébé ?
K.G. : « Avec la baie de pare-brise reculée, on confère à la 208 une attitude plus sportive sans nuire à l’habitabilité. En pleine vue arrière, le travail fait sur les proportions est peaufiné dans les moindres détails. Les ailes font que la voiture est bien campée sur ses roues, cette voiture va bien plus loin que l’A9 (208 actuelle) avec ses hanches plus dessinées, sculptées.”
Il y a aussi ce capot moteur assez sculpté…
K.G. : «Le capot moteur, bombé, est aussi très travaillé, tout en pleins et creux associés. On a beaucoup bossé les profondeurs d’emboutissage, ce qui permet de faire une voiture avec beaucoup de caractère. »
Yann Beurel : « Notre métier, c’est un peu de pousser au crime ! On doit tirer le maximum de ce qu’on peut tirer comme par exemple cette profondeur d’emboutissage pour les ailes. Il a fallu sortir de notre zone de confort et on a donc beaucoup travaillé avec les équipes de l’emboutissage pour y arriver. On demande toujours aux stylistes d’aller au-delà de leurs habitudes, de pousser toujours la créativité et on tente de véhiculer cette notion à travers l’entreprise, avec les différents métiers. »
La relation entre technique et design est toujours compliquée ?
Y.B. : « Non. Par exemple nous sommes arrivés à reculer le pare-brise afin de conserver tout le dynamisme des dessins de Kevin. Certes, il y a toujours des limites techniques infranchissables liées à la structure de la plateforme mais on y est parvenu. »
Votre métier de ‘responsable design projet’ de cette nouvelle Peugeot consiste en quoi ?
Y.B. : « On anime la création lors du lancement du concours de style. On assiste à toutes les séances de convergences avec les différents métiers d’engineering et du développement industriel. On joue le rôle d’agent de liaison entre tous ces équipes. Le but est bien évidemment d’obtenir à la fin une voiture cohérente entre les designs ‘exter’ et ‘inter’. »
C’est parfois un vrai combat ?
Y.B. : « On s’appuie sur la créativité de nos designers. Pour la P21, une fois qu’on a trouvé un truc super dans le scketch de Kevin, on prend notre bâton de pèlerin et on va voir la technique pour obtenir ce qui nous semble le bon choix. Un exemple : l’inclinaison de la lunette arrière plus dynamique, ça paraît tout simple mais c’est un vrai défi technologique, notamment pour toutes les reprises d’efforts sur l’anneau arrière. Notre travail part en fait de l’analyse du sketch à partir duquel il faut fédérer tous les métiers derrière pour le concrétiser. »
Je reviens au design avec Kevin. Pourquoi ne pas avoir intégré les « crocs » des feux de jour dans la continuité des optiques ?
K.G. : « Les optiques full LED avec la signature lumineuse à trois griffes rappelant celles des feux arrière sont proposées avec les niveaux 4 et 5 et donc les projecteurs ne sont pas identiques pour tous les niveaux. Mais ces optiques à griffes sont une reprise de la signature arrière et font partie de l’ADN de la marque. »
Peugeot communique beaucoup sur la version 100% électrique qui sera disponible en même temps que les thermiques à l’automne. Pourquoi avoir conservé une calandre sur cette variante ?
K.G. : « On a toujours besoin d’une entrée d’air, ne serait-ce que pour refroidir les batteries. Mais la calandre adopte la couleur caisse et les logos de cette e-208 sont dichroïques. C’est un procédé qui change la couleur du Lion suivant l’angle de vision. »
Un mot Yann pour terminer ce tour de la voiture ?
Y.B. : « Kevin a trouvé les bonnes proportions pour la P21. La voiture est mieux posée sur ses roues, plus longue. C’est au départ une superbe sculpture qui se suffit à elle-même. Pas besoin de rajouter des fioritures ou du chrome. Le bandeau des feux arrière qui fait partie de l’identifié de la marque est ici plus dynamique, on devine une voiture plus joueuse. C’est un bébé lion, elle donne envie et on sait que l’on va se faire plaisir avec ! »
A vous écouter, transformer P21 en voiture de série a été un programme facile !?
Y.B. : « Si c’est facile, c’est qu’on n’a pas assez poussé ! Si c’est facile, c’est qu’on n’a pas fait le job. Donc non, ce n’est pas toujours facile. Si pousser toujours et toujours n’est pas forcément agréable, c’est nécessaire pour obtenir un produit compétitif ! »
Donc pas de regret au final ?
Y.B. : « Nos vies sont jalonnées de regrets ! Il faut l’accepter et s’en servir pour le coup d’après. La prochaine génération sera donc différente et encore meilleure ! »
CONCEPT FRACTAL 2015 ET PROJET “P21” NOUVELLE 208
Le concept-car Fractal fut présenté en 2015, à peu près au moment où, en interne, le programme P21 était lancé.
Il y a évidemment des similitudes de thèmes de style entre les deux produits, même si Kevin Goncalves affirme que le concept-car se baladait de salon en salon plutôt que dans le bureau de design au moment de la conception du projet P21 !
LES HOMMES DU DESIGN DE LA NOUVELLE 208 :
Gilles Vidal, directeur design marque Peugeot
Yann BEUREL, responsable Design projet.
Bertrand RAPATEL, responsable design intérieur design Peugeot
Eric DEJOU, responsable silhouette pour les intérieurs
Kevin GONCALVES, designer extérieur
Sébastien FLOUTIER, designer couleurs et matières
LES MOTEURS DELA 208 :
Outre la version 100% électrique de 136 ch avec ses près de 340 km d’autonomie, la 208 offre des motorisations thermiques essence et diesel :
Essence, moteurs 3 cylindres de 1.2 l de cylindrée :
PureTech 75 Stop & Sart BVM5,
PureTech 100 Stop & Sart BVM6 ou EAT8,
PureTech 130 Stop & Sart EAT8.
Diesel, moteur 4 cylindres de 1.5 l de cylindrée :
BlueHDi 100 Stop & Sart BVM6.
ENGLISH VERSION
That was a decade ago. A century on the scale of automotive design. When one of the participants in the meeting discovered the 2012 Peugeot 208 model, he would have given up: “Isn’t it a little too small? “This compactness was finally perceived as an asset.
Compact, light and dynamic, the 2012 208 has had some great opportunities to compete in the B2 segment, particularly the first Clio of the Laurens van den Acker era at Renault. But that was yesterday.
Seven years later, with the new 208 of 2019, Peugeot changes everything. New platform but also new design. Gone are the curves and the kitten aspect of the previous 208 generation, and now there is a cat with much more dynamic volumes and sharp fangs.
(https://www.youtube.com/watch?v=2LhRl8wcBVE)
LIGNES/auto: When you discover this new 208, you get the impression of a larger, more dynamic car than the current one!
Kevin Goncalves : “The new 208 is longer, wider and lower than the current generation. On this new project, we really worked on the proportions as a priority by moving the windscreen back. The cabin is further aft, the hood becomes longer, more sculpted. As for the roof, it has been lowered and is receding, very dynamic. »
Did you have a 208 in the style office when you started the P21 program ?
K.G.: “No, as a general rule, we will rather look for the last thing that came out of the design office. We must always look beyond that. The way we reason with Gilles Vidal is to work on the longest possible term. Which way to go. For the 208, our goal was also to think about interior design with our colleagues. A kind of ping-pong between the “inter” and “exter” teams that results in an extremely coherent product. »
You still had in mind the 3008, 5008 and 508 who gave you a little bit of direction ?
K.G. : “Every car that comes to the end of its nose brings back the history of the brand. Having the brand’s trust is great. Peugeot arrived on the market with a very successful 508 and the 208 has naturally become a “baby 508”, it even goes even further in terms of design. Series 2 is our lucky charm! »
These new proportions are mainly due to the new platform ?
K.G. : “At the beginning of the project, we meet with the product teams. We knew that with the previous innovations (3008, 5008, 508) and the new platform, the 208 would be pulled upwards, in line with the move upmarket of the brand’s current products. »
In a few words, can you describe your baby’s style ?
K.G. : “With the remote windshield bay, the 208 is given a more sporty attitude without compromising habitability. In full view of the rear, the work done on the proportions is fine-tuned down to the last detail. The wings make the car well positioned on its wheels, this car goes much further than the current A9 (208) with its more drawn, sculpted hips.”
There is also this rather sculpted engine hood….
K.G. : “The curved engine hood is also very well worked, all in full and associated hollows. We have worked a lot on the stamping depths, which makes it possible to make a car with a lot of character. »
Yann Beurel : “Our job is a bit like pushing for crime ! We must make the most of what we can get, such as this deep drawing for the wings. We had to leave our comfort zone and we worked a lot with the stamping teams to get there. We always ask stylists to go beyond their habits, to always push creativity and we try to convey this notion throughout the company, with the different professions. »
The relationship between technology and design is always complicated ?
Y.B.: “No. For example, we managed to move the windshield backwards in order to keep Kevin’s drawings as dynamic as possible. Of course, there are still impassable technical limitations related to the structure of the platform, but this has been achieved. »
What does your job as project design manager for this new Peugeot consist of ?
Y.B.: “We animate the creation at the launch of the style competition. We attend all the convergence sessions with the various engineering and industrial development professions. We act as a liaison between all these teams. The goal is obviously to obtain a car that is coherent between the “exterior” and “inter” designs. »
Is it sometimes a real fight ?
Y.B.: “We rely on the creativity of our designers. For P21, once we find something great in Kevin’s scketch, we take our pilgrim’s stick and go see the technique to get what we think is the right choice. An example: the tilt of the rear window, which is more dynamic, seems very simple but it is a real technological challenge, especially for all the efforts made on the rear ring. Our work actually starts from the analysis of the sketch from which we must federate all the trades behind it to make it a reality. »
I’m going back to design with Kevin. Why not integrate the “hooks” of the daytime running lights into the continuity of the optics ?
K.G. : “Full LED optics with the three-clawed light signature reminiscent of those of rear lamps are available with levels 4 and 5 and therefore the headlamps are not identical for all levels. But these claw optics are a rework of the back signature and are part of the brand’s DNA. »
Peugeot is communicating a lot about the 100% electric version, which will be available at the same time as the thermal ones in the autumn. Why did you keep a grille on this variant ?
K.G.: “You always need an air inlet, if only to cool the batteries. But the grille adopts the body color and the logos of this e-208 are dichroic. It is a process that changes the color of the Lion according to the angle of vision. »
A word from Yann to end this tour of the car ?
Y.B.: “Kevin has found the right proportions for P21. The car is better placed on its wheels, longer. It is at the beginning a superb sculpture that is self-sufficient. No need to add frills or chrome. The taillight headband that is part of the brand’s identity is more dynamic here, you can guess a more playful car. She’s a baby lion, she makes you want to and you know you’re going to have fun with her ! »
Listening to you, turning P21 into a production car was an easy program !
Y.B.: “If it’s easy, it’s because we haven’t pushed hard enough ! If it’s easy, it’s because we didn’t do the job. So no, it’s not always easy. If pushing always and always is not necessarily pleasant, it is necessary to obtain a competitive product ! »
So no regrets in the end ?
Y.B.: “Our lives are full of regrets ! You have to accept it and use it for the next move. The next generation will be different and even better ! »