Quand Giugiaro charmait Renault. Épisode #02 : la Clio

Nous avons laissé les Renault 21 et Renault 19 signées par Giugiaro prendre leur envol commercial dans l’épisode #01. Nous reprenons le cours du récit à l’occasion du lancement du programme X57 qui va donner naissance à la remplaçante de la Supercinq née en 1984 : la Clio, ci-dessous, commercialisée en 1990. Revenons sur le contexte de l’entreprise qui a profondément évolué au cours des genèses des Renault 19 et 21.

Renault change tout d’abord de patron en janvier 1985, un an avant l’arrivée de la R21 dans les concessions. Le départ du P.DG Bernard Hanon (1932-2021), nommé en août 1981, fait suite à un résultat financier qui a plongé dans les abîmes. Mais Hanon avait les mains liées par le gouvernement qui imposait des économies, mais sans licenciements et sans toucher à rien, ou presque.

Bernard Hanon – avec son écharpe sur les épaules – en compagnie du Ministre Jack Lang lors d’une présentation interne au style Renault des maquettes de la future Supercinq de 1984.

Georges Besse (1927-1986), en provenance de Pechiney, prend alors les commandes début 1985 et fait le ménage. Exit notamment les États-Unis avec AMC, ce qui a comme impact le départ de Robert Opron moins d’un an plus tard, alors qu’il désirait implanter un studio de design satellite outre-Atlantique. Gaston Juchet redeviendra le directeur du style de la marque. Dix mois après son arrivée à la tête de Renault, Georges Besse prend connaissance des premières maquettes du projet X57 de la future Clio, en novembre 1985.

Après le départ de Robert Opron de l’entreprise en janvier 1986, Gaston Juchet (ici dans son bureau au style Renault) reprend les commandes du design, avant l’arrivée de Patrick le Quément en fin d’année 1987.

Elles sont au nombre de trois, et résultent de choix de style effectués auprès de sept propositions à l’échelle 1/5e dévoilées au style un mois auparavant. La Renault 21 est à ce moment en phase d’industrialisation et la Renault 19 (ci-dessous maquette Clay) se rapproche du gel de son style à partir de la maquette de Giugiaro. Les designers industriels de Renault connaîtront quelques difficultés pour la remettre aux cotes du cahier des charges. Celui du projet X57 de la Clio pousse le produit vers une qualité perçue identique à celle du segment supérieur. A savoir celui de la Renault 19.

C’est la première fois qu’une héritière de la R5 a cette ambition et c’est ce qui va notamment conduire au changement d’appellation. Avec Clio, Renault veut changer d’ère. Et c’est une démarche impérative car la R5 puis la Supercinq ont pâti de l’arrivée de la Peugeot 205 en 1983. Or, les services de la concurrence de Renault savent que Jacques Calvet, le patron de PSA Peugeot-Citroën hésite à renouveler le « sacré numéro », lui préférant le duo 106-306 pour effectuer le job. Une erreur. La Clio vivra huit ans avant que ne débarque la Peugeot 206…

Avec le remplacement de la Supercinq par la Clio, Renault veut profiter de l’absence de renouvellement de la 205 pour agir vite : ici la maquette Clio de Giugiaro en test clinic, face aux deux reines du marché : 205 et Supercinq.

Pour autant, ce n’est pas la fête chez Renault alors que Gaston Juchet s’apprête à laisser les rênes à Patrick le Quément. Plus d’un an avant cette échéance, en avril 1986, alors que les Renault 19 et Clio sont dans les tuyaux, un séminaire se tient au design et marque une véritable prise de conscience des évolutions à venir : CAO, images de synthèse (que l’on appelle encore ‘images synthétiques’) et transformation de l’organisation interne des centres de style. Les sites de Nanterre et Rueil seront finalement regroupés à la fin de la décennie 1980 à Boulogne Billancourt (ci-dessous) avant que l’on évoque le déménagement à Guyancourt au Technocentre, inauguré en 1998, plus de dix ans après le départ de Gaston Juchet.

Le “style” Renault sera rapatrié à Boulogne-Billancourt et Patrick le Quément le transformera en “Renault Design Industriel”. Puis le Technocentre regroupera études et design en 1998 à Guyancourt.

Ce séminaire de 1986 établit un état des lieux précis du fonctionnement des différents studios Renault, un an avant le départ du directeur de style. Ce dernier note alors que « l’effectif total du style est de 122 personnes réparties en quatre centres. » Le premier référencé 0895 intègre la direction, la gestion, le style avancé dirigé par Nocher et les études spéciales. Le second, référencé 0896, concerne le style intérieur dirigé par Piero Stroppa. Le troisième centre (0897) est dédié au style extérieur, avec comme chef de studio A, Michel Jardin à Rueil et Jean-François Venet (ci-dessous) à Nanterre pour la studio B. Enfin, le quatrième centre concerne les véhicules industriels et les projets diversifs. Il est aux mains de Jean-Paul Manceau.

En 1988, alors que la Clio est en phase d’étude, l’équipe de Jean-François Venet œuvre sur le concept-car Mégane. De gauche à droite Michel Velay, Jean-François Venet, Jean-Pierre Ploué et Gérard Asensio.

Juchet révèle en 1986 que « nous avons donc sensiblement le même potentiel entre style intérieur et extérieur. Notre capacité est au total de 132 postes, il nous reste donc 4 embauches au style et 6 dans les départements de maquettistes. » C’est dans ce contexte que naissent les projets X48 de la future Renault 21, X53 de la future Renault 19 et enfin de la future Clio X57. Ci-dessous, l’une des études de style de Grégory Gambarara qui, à cette période, travaillait sur le projet IRIS/X-05 : https://lignesauto.fr/?p=33735. Autant dire que c’est toute la structure de la gamme Renault qui est concernée.

Et le boulot ne manque pas comme le constate Gaston Juchet : « nous avons 15 importants sujets d’études qui occupent en ce moment (1986) le style comme la phase 2 des R9/R11 et de la R25. S’y ajoutent la R21 bicorps, les versions USA de la R19, l’avant-phase de la X54 (Safrane de 1992, ci-dessous un projet de 1987), le projet F40 (Renault Express), le 550 (inconnu pour nous, pas d’autres notes sur ce programme NDA), la GTA (Alpine) et la Vesta 2. »

Cette avalanche de produits, dont certains capitaux pour la gamme, est positive, mais l’envers du décor l’est moins comme le souligne Gaston Juchet : « c’est un avantage d’avoir deux centres de création (studio A et studio B, NDA) mais l’inconvénient est qu’ils sont très éloignés du bureau d’études. En outre, le centre de Rueil a une très mauvaise disposition géographique sur quatre niveaux avec des contestations syndicales au sous-sol (hygiène et sécurité dans l’atelier des maquettes) alors que le rez-de-chaussée est saturé, tout comme le premier étage. Il nous est très compliqué d’assurer la confidentialité des travaux et de travailler sereinement. »

Gaston Juchet évoque les problèmes de saturation dans l’atelier des maquettes : une image vaut mieux qu’un discours. Ici, le futur Master, la future R9, la maquette de l’Alpine NGA et un morceau de VBG à droite. Un vrai bric-à-brac auquel s’ajoutent même un… camion et un tracteur !

C’est donc dans ce contexte que Georges Besse découvre les trois premières maquettes de la Clio cinq mois avant ce séminaire, en novembre 1985. Deux d’entre elles disposent d’un arrière très « utilitaire » et vertical. La troisième est plus dynamique. Comme pour la Renault 19, conçue pratiquement à la même période, Michel Jardin constate qu’aucune avance de phase n’a permis d’évoquer une architecture technique laissant plus de liberté aux designers. Il écrit dans le rapport du séminaire « qu’aucune étude avancée n’ayant existé les années précédentes en vue de préparer les bureaux d’études à une évolution d’architecture, nous ne pouvons pas maximiser le rapport hauteur/largeur, associé aux voies AV et AR existantes. »

Dès janvier 1986, le style avancé propose alors des modifications d’architecture qui vont donner vie à quatre nouvelles maquettes. Michel Jardin souligne alors que « ces quatre maquettes sélectionnées sont configurées en vue de tests. Début juin 1986, deux modèles sont sélectionnés en vue du gel de style programmé en janvier 1987. » Et parmi ces maquettes, une rivale venue de la collaboration signée avec Giugiaro, ci-dessus à droite, alors que Robert Opron était encore dans les murs.

Contrairement aux projets R21 et R19 signés par le maître italien, celui de la future Clio manque d’appétence. Pire, la proposition italienne est proche du thème architectural de la Fiat Uno née deux ans auparavant, en 1983. Pourtant, certains au Produit semblent apprécier la maquette italienne et la défendront jusqu’au dernier test ! Le travail de Giugiaro pour Renault est concomitant pour lui au lancement du projet de la future Fiat Punto de 1993, soit trois ans après la Clio (ci-dessus les trois voitures).

Les consultants Italiens n’hésitaient pas à refourguer un concept non sélectionné par un constructeur à un concurrent, avec souvent peu de modification. Ici un coupé proposé par Bertone à Alfa Romeo, alors que la Citroën XM qu’il a dessinée n’est pas encore commercialisée !

Force est de constater que si Renault n’a finalement pas choisi la proposition de l’Italien, ce dernier l’a parfaitement recyclée chez Fiat ! Ne jetons pas la pierre à l’Italien car ses confrères de Pininfarina ou Bertone ne se sont jamais gênés pour recycler des maquettes rejetées chez un constructeur et les proposer aux concurrents. Regardez ci-dessus le coupé Alfa Romeo de Bertone rejeté par le constructeur. N’avait-il pas de faux airs de coupé XM, une berline étudiée et validée par Bertone à la même période ?!

Une autre orientation stylistique lors des premières esquisses du programme X57/Clio.

Vous découvrirez en fin de post dans le bonus « X57 : la genèse » les différentes propositions internes mises en concurrence avec celle de Giugiaro, ainsi que les évolutions stylistiques apportées au projet de la Clio entre 1986 et 1987. Nous restons un moment encore en coulisse pour évoquer le contexte.  Entre les années 1986 et 1987, où vous découvrirez plus bas que la Clio a enfin pris sa forme définitive, la Régie Renault perd son patron Georges Besse, lâchement assassiné le 17 novembre 1986 par le groupe Action directe.

Raymond Lévy à gauche arrive à la tête de Renault peu avant Patrick le Quément à celle du design. Après la Twingo, le programme d’importance est le renouvellement de la R19 : la Mégane arrivera en 1995.

Raymond Lévy (1927-2018) ci-dessus lui succède dès 1987 et demeurera président de Renault jusqu’en 1992. Un autre changement d’importance intervient la même année 1987 : la signature de Patrick le Quément qui devient le directeur de Renault Design Industriel lorsque Gaston Juchet (1930-2007) prend sa retraite. L’arrivée de Patrick le Quément ci-dessous intervient alors que le projet X57 de la future Clio est encore en tests clientèle.

Dès son arrivée à Boulogne, Patrick le Quément s’attaque aux défis du numérique dans l’univers de la conception automobile. Il est ici avec Bruno Simon, alors responsable du développement de ce département.

Dans le même temps, Patrick le Quément rapatrie les deux maquettes du projet W60 (qui deviendra la Twingo) dans les studios de design désormais implantés à Boulogne : la maquette de Gandini, rapidement écartée, et celle de Jean-Pierre Ploué : la W60. Patrick le Quément va la métamorphoser en lui accordant un tout autre gabarit. Celui d’une vraie voiture ! Et là, tout se complique en interne, car le projet X06 de la Twingo qui arrivera deux ans après la Clio marche sur les plates-bandes de cette dernière. C’est ce que pensent certaines personnes en interne qui doutent de la viabilité des deux véhicules dans un segment pratiquement similaire.

Patrick le Quément, interrogé ce lundi 14 juillet par nos soins sur ce dernier événement qui aurait pu faire vaciller la Clio, nous éclaire : « la maquette W60 de Jean-Pierre Ploué avait été dessinée pour être une voiture positionnée sous la X57. Quand je l’ai vue, elle avait beaucoup d’intérêt car elle était monocorps. Ça allait dans le sens de Renault qui avait présenté l’Espace et dans ma vision du produit, puisque j’allais rédiger la lettre d’intention au président Raymond Lévy dans laquelle j’évoquais ce qui allait devenir le concept Scénic en 1991 (ci-dessus).  En revanche, je trouvais la W60 un peu fragile, à la limite de la perception qu’on se faisait d’une voiture sans permis. »

A gauche, la maquette W60 de Jean-Pierre Ploué de 1988, à droite la Twingo de 1992 métamorphosée par Le Quément.

« Il faut dire qu’on n’avait pas de repère car il n’y avait rien de comparable. Elle avait en outre le problème de pas mal de Renault de l’époque avec des voies pas assez larges pour remplir les passages de roues. J’ai donc demandé au responsable de l’architecture de l’époque, qui était monsieur Pierre Beuzit, de donner plus d’aisance à la voiture, d’élargir notamment les voies. Il faut dire que j’arrivais de chez Volkswagen-Audi où Ferdinand Piëch, le patron de l’époque avec lequel je faisais les visites de salon, se moquait gentiment des voitures françaises avec leurs roues intériorisés dans les ailes ! »

« Quand j’ai demandé à Pierre Beuzit d’élargir les voies, il m’a répondu que si on faisait ça, on serait plus large que le projet X57 (Clio) en cours de validation. Je lui ai juste répondu que ce n’est pas parce qu’on s’était trompé avec la Clio qu’il fallait recommencer avec la W60 ! Heureusement, dans le domaine de l’architecture qui est d’habitude plutôt rigide, il y avait Patrick Pelata qui œuvrait avec Yves Dubreil sur le projet Twingo. »

La première maquette de Twingo est testée en même temps que la Clio dont le projet n’est pas tout à fait finalisé !

L’inquiétude de voir une Twingo presque plus large que la Clio n’a finalement pas duré longtemps. « Je suis allé au-devant du président Raymond Lévy qui était un homme rationnel, sans expérience auto » nous explique Patrick le Quément. « Pour lui, mes recommandations quant à l’élargissement des voies et de la voiture étaient évidentes, et donc il n’y a pas eu vraiment de bataille. Et dans la foulée, après avoir compris combien les équipes de nos studios avaient été heurtées par le choix de la maquette Giugiaro pour la R19 (voir l’épisode #01), j’ai décidé de stopper la collaboration avec les consultants extérieurs. Je voulais qu’on en finisse avec cette pesante impression que nos équipes étaient considérées seulement comme une deuxième division ! »

La Clio de 1990 met ainsi un terme à la séquence des Renault enfantées par Giugiaro. Il faut saluer Patrick le Quément pour n’avoir pas chamboulé l’organigramme mis en place par Gaston Juchet. Il a au contraire conservé les principaux designers, comme Jean-François Venet, Jean-Paul Manceau ou encore Michel Jardin et quelques designers qui ont gravi par la suite les échelons ailleurs, à l’image de Jean-Pierre Ploué ou Thierry Métroz.

Ambiance seventies avec Michel Jardin à gauche et Jean-François Venet à droite. Deux pointures du design Renault que Patrick le Quément aura l’intelligence de conserver dans son équipe. La peinture de la F1 est de Jean-François Venet…

Mais si l’ADN de Gaston Juchet est resté présent dans les murs du style Renault devenu Renault Design Industriel avec le début de l’ère Le Quément, l’équipe s’est considérablement étoffée. Elle est passée de 122 personnes en 1986 à 309 à l’entame des années 2000. L’une des principales raisons étant l’arrêt complet des collaborations extérieures, avec Marcello Gandini et Giorgetto Giugiaro notamment. Le concurrent Peugeot fera de même avec sa collaboration avec Pininfarina et Citroën lâchera Bertone au même moment. C’est la fin d’une époque…

Bonus : X57 : la genèse de la Clio en images

Outre Giugiaro, les deux studios internes de Renault (A et B) ont œuvré sur le programme X57 de la Clio. Précisons que c’est Hermidas Atabeki, alors stagiaire au style Renault, qui en a signé le croquis initial. Découvrons les évolutions du style de cette première génération née voici tout juste 35 ans. La sixième génération de Clio doit être révélée avant la fin de cette année…

L’année 1986 est celle du choix du thème de style. Après avoir effectué une sélection sur des maquettes à l’échelle 1/5e, le style s’oriente vers deux variantes proposées par le studio A dirigé par Michel Jardin et le studio B géré par Jean-François Venet. Deux maquettes vont ainsi évoluer chacune de leur côté avec notamment celle du designer Alain Jan du studio A, ci-dessus. Jan travaillait alors avec les designers Hemmi, Mignon, Milenovich et Mornard.

La seconde maquette interne au style Renault provient donc du studio B sur une base d’un croquis du styliste Hermidas Atabeki. On comprend en la découvrant que c’est elle qui débouchera sur la version définitive. Replacée dans son contexte, elle affiche clairement, comme sa rivale interne du studio A, une impression de solidité et de qualité perçue à des années-lumière de la frêle Supercinq née deux ans avant ces photos, en 1984.

Vue en élévation, la maquette du studio B dans sa version trois portes (en fait, le côté droit de la maquette, le gauche représentant la version cinq portes) est néanmoins encore loin d’avoir trouvé ses lignes définitives. Notamment dans sa partie arrière, trop fine avec sa grande glace latérale. Un renflement de l’épaule de l’aile arrière tente toutefois d’apporter un peu de solidité perçue…

Quatre mois après les maquettes de 1986, la future Clio n’a pas encore trouvé son style définitif. En 1987, les deux maquettes des studios A et B sont toujours en concurrence en interne. La maquette de Giugiaro que l’on verra plus bas est également en lice pour la compétition. La maquette d’Alain Jan ici conserve l’épaulement discret de son aile arrière et le galbe du hayon commence à s’orienter vers celui qui sera retenu au final. Les feux sont horizontaux et plutôt larges.

Face à sa rivale interne du studio A, la maquette du studio B évolue vers le style qui sera finalement retenu. La partie arrière a été totalement revue et adopte un dessin de feu proche de celui de la version commercialisée. Les rondeurs du hayon sont également proches de celles de la série alors que la vitre arrière sur la version trois portes laisse un généreux panneau de tôle. Il confirme la solidité voulue par le cahier des charges.

Ci-dessus, la même maquette du studio B vue de 3/4 avant révèle également une nouvelle proue proche de la Clio de série. Les studios se voient dans le même temps renforcés par les arrivées successives de Thierry Metroz et de Jean-Pierre Ploué. Ces deux nouveaux designers travailleront sur le projet X06 de la Twingo de 1992, et aussi sur la berline Laguna de 1993. Ci-dessous, la dernière maquette de Thierry Métroz pour la Laguna, datée de 1988 et issue du studio A.

Malgré le renforcement des studios A et B qui disposent désormais chacun du même nombre de designers (c’était une volonté de Gaston Juchet), ce diable de Giugiaro tient la corde pour son projet X57 de la future Clio. On l’a vu plus haut, sa proposition ci-dessous soutenue par certains en interne, n’est semble-t-il pas assez respectueuse du cahier des charges et de la sacro-sainte volonté d’une qualité perçue au premier regard. Si la proue semble correspondre aux différents thèmes retenus sur les propositions internes, le concept à trois glaces latérales, s’il offre une grande luminosité, participe de la sensation de fragilité par rapport au côté de caisse quasiment monolithique des projets des studios A et B…

Ci-dessous, la dernière confrontation de la maquette Renault finalement retenue (celle du studio B dirigé par Jean-François Venet) et de celle de Giugiaro en 1987 tourne à l’avantage de celle du studio interne. C’est un retournement de situation bienvenu au moment où Patrick le Quément prend les rênes du style qui devient alors “Design”. Et c’est surtout la fin de l’aventure entre Renault et Giugiaro.

1987 – GEL DU STYLE

Voici la maquette de gel de style de la Renault Clio, datée de 1987. Elle comporte deux côtés différents, représentant ci-dessus la version 5 portes qui apparaîtra en juin 1990, et ci-dessous la 3 portes qui apparaîtra en septembre 1990. Le léger épaulement de l’aile arrière est conservé alors que les feux ont trouvé leur forme définitive. Le capot moteur est autoclave. La Clio n’a plus grand chose à voir avec la Supercinq qui reposait sur l’affect de la R5 de 1972. Cette fois, c’est du sérieux avec un slogan publicitaire qui tranche : “Renault Clio, elle en met plein la vie.” Elle en mettra surtout plein la vue à une Peugeot 205 vieillissante et deviendra la voiture la plus vendue en France de 1991 à 1997.

Pour renforcer la différence avec la Supercinq, Renault s’affranchit pour ce modèle de grande diffusion d’une appellation s’appuyant sur une numérotation. Avant l’arrivée de la deuxième génération de Clio en début d’année 1998, la Clio première génération dépassera légèrement les quatre millions d’exemplaires vendus. Sans signature italienne dite “prestigieuse”…

Renault a commis une énorme erreur au milieu des années 1970 en ne soutenant pas la R14, enfermée dans une gamme très réduite. Cet échec ne sera pas renouvelé avec la Clio qui va, comme la R5 en son temps, se décliner en de multiples variantes. Notamment sportives. La 16 soupapes à l’étude ci-dessus dès 1987 débarquera sur le marché en 1991 avec ses ailes élargies, son capot doté d’une prise d’air et son moteur emprunté à la R19 16S. Ce n’est pas tout à fait la fin du turbo chez Renault, mais presque ! On reprochera toutefois à la Clio 16S d’afficher de moins bonnes reprises que la R5 GT Turbo dont elle prend la succession.

Ci-dessus, la toute dernière maquette de validation lors d’un test passé en 1988. Comme on l’a lu plus haut, la Clio côtoyait lors de cette épreuve une certaine… Twingo ! La Clio est alors pratiquement sur les rails de son industrialisation qui prendra quand même plus de deux ans. Le temps de fabriquer les prototypes d’essais, car si le numérique est déjà là, il n’a pas encore la toute-puissance d’aujourd’hui pour remplacer les tests physiques.

Avant sa commercialisation en 1990 et la révélation de son nouveau nom “Clio”, le programme X57 opère toute une panoplie de tests d’endurance et de fiabilisation. L’occasion pour le magazine l’auto-journal de révéler en avant-première les images de cette Renault qui aura tout d’une grande ! Désormais, place à la Twingo de 1992, ci-dessous, et à la berline Laguna de 1993…

L’auteur tient à remercier Patrick le Quément, Jean-Michel Juchet, Jean-Marie Souquet, Jean-Pierre Ploué, Thierry Métroz, Grégory Gambarara. Sujet réalisé avec les interviews ou les notes personnelles de Robert Opron et de Gaston Juchet, rencontrés naguère pour des interviews qui aujourd’hui permettent de raconter l’histoire sans trop la maltraiter !

Next Post

Letter to Gilles Vidal

In bushido, which dictates the principles of honour for samurai, there is a phrase to remember: ‘Use your enemy to defeat him, and you will be powerful.’ Did Gilles Vidal use Renault to defeat Stellantis and become more powerful? “Hello Gilles. First of all, I hope you’ll allow me to […]

Subscribe US Now